Les Neurones miroirs
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Les Neurones miroirs , livre ebook

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Description

À l’évidence, faire quelque chose et imaginer le faire ne reviennent pas au même. Et pourtant ! Il se pourrait bien que, pour notre cerveau, la pensée et l’action soient une seule et même chose. Voilà ce que révèlent Giacomo Rizzolatti et son équipe, qui ont découvert des neurones étonnants : ils s’activent lorsqu’on effectue une action, mais aussi lorsqu’on voit quelqu’un d’autre la réaliser lui-même. Ce livre décrit les stupéfiantes propriétés de ces « neurones miroirs », explique leur mécanisme et souligne leur importance. Ils sont les promoteurs du langage, ils expliquent pourquoi nous parlons aussi avec nos mains. Ils rendent compte de l’expression des émotions ; ils sont le mécanisme de notre compréhension d’autrui. Au terme de ce parcours inédit dans le cerveau, une interrogation surgit : et si ces neurones miroirs étaient à la base de nos comportements sociaux ?Giacomo Rizzolatti, professeur de physiologie humaine, dirige le département de neurosciences de l’Université de Parme. Corrado Sinigaglia est professeur de philosophie des sciences à l’Université de Milan.

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 10 janvier 2008
Nombre de lectures 0
EAN13 9782738199256
Langue Français
Poids de l'ouvrage 1 Mo

Informations légales : prix de location à la page 0,0500€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

La traduction de cet ouvrage a été effectuée avec la contribution du SEPS Segretariato Europeo per le Pubblicazioni Scientifiche.

Via Val d’Aposa 7 40123 Bologna Italie seps@alma.unibo.it - www.seps.it
©  2006 Raffaello Cortina Editore Milano, Via Rossini 4
Pour la traduction française : © O DILE J ACOB , 2008, FÉVRIER  2011
15, RUE S OUFFLOT , 75005 P ARIS
www.odilejacob.fr
ISBN : 978-2-7381-9925-6
Le code de la propriété intellectuelle n'autorisant, aux termes de l'article L. 122-5 et 3 a, d'une part, que les « copies ou reproductions strictement réservées à l'usage du copiste et non destinées à une utilisation collective » et, d'autre part, que les analyses et les courtes citations dans un but d'exemple et d'illustration, « toute représentation ou réproduction intégrale ou partielle faite sans le consentement de l'auteur ou de ses ayants droit ou ayants cause est illicite » (art. L. 122-4). Cette représentation ou reproduction donc une contrefaçon sanctionnée par les articles L. 335-2 et suivants du Code de la propriété intellectuelle.
Ce document numérique a été réalisé par Nord Compo
Introduction

Il y a quelque temps, Peter Brook a déclaré dans une interview qu’avec la découverte des neurones miroirs les neurosciences commençaient à comprendre ce que le théâtre savait depuis toujours. Pour le célèbre dramaturge et metteur en scène britannique, le travail de l’acteur n’aurait aucun sens si, par-delà toute barrière linguistique ou culturelle, il ne pouvait partager les bruits et les mouvements de son propre corps avec les spectateurs, en les faisant participer à un événement qu’ils doivent eux-mêmes contribuer à créer. Cette participation immédiate, sur laquelle le théâtre fonde sa réalité et sa légitimité, trouverait ainsi une base biologique dans les neurones miroirs, capables de s’activer aussi bien durant la réalisation d’une action que lors de l’observation de cette même action par d’autres individus.
Les considérations de Peter Brook montrent l’intérêt exceptionnel que la découverte de ces neurones a suscité au-delà des frontières de la neurophysiologie. Leurs propriétés singulières interpellent non seulement les artistes, mais également les chercheurs en psychologie, en pédagogie, en sociologie, en anthropologie, etc. Bien peu, cependant, connaissent l’histoire de leur découverte, les recherches expérimentales et les présupposés théoriques qui ont rendu possible cette découverte, ainsi que ses implications pour notre façon de comprendre l’architecture et le fonctionnement du cerveau.
C’est précisément cette histoire que ce livre se propose de raconter. Une histoire qui commence avec l’analyse de certains gestes (comme atteindre un objet avec la main et s’en saisir, porter un aliment à la bouche), que nous avons tendance à sous-estimer en raison même de leur familiarité, et qui a pour protagoniste le système moteur auquel les neurosciences – mais pas seulement elles ! – ont longtemps assigné un rôle de second plan, en le réduisant souvent à celui de simple comparse.
L’idée que les aires motrices du cortex cérébral étaient dévolues à des fonctions purement exécutives, sans aucune valeur perceptive et encore moins cognitive, a prévalu pendant des décennies. Les principales difficultés pour expliquer nos comportements moteurs concerneraient l’élaboration des différentes informations sensorielles et l’identification des substrats neuronaux intervenant dans les processus cognitifs liés à la production d’intentions, de croyances et de désirs. Une fois que le cerveau serait en mesure de sélectionner le flux d’informations qui proviennent de l’extérieur et de l’intégrer dans l’ensemble des représentations mentales qui se sont formées en lui d’une façon plus ou moins spontanée , le problème du mouvement se résoudrait par la mécanique de son exécution selon le schéma classique :
perception → cognition → mouvement
Ce genre de schéma pouvait paraître convaincant tant que nous disposions d’une image extrêmement simple du système moteur. Ce n’est plus le cas aujourd’hui. Nous savons que ce système est formé d’une mosaïque d’aires frontales et pariétales étroitement liées aux aires visuelles, auditives, tactiles et douées de propriétés fonctionnelles bien plus complexes qu’on ne pouvait l’imaginer. On a découvert, en particulier, que certaines aires contiennent des neurones qui s’activent en relation non à de simples mouvements, mais à des actions motrices finalisées (comme, par exemple, saisir, tenir, manipuler un objet, etc.) et qui répondent sélectivement aux formes et aux dimensions des objets, aussi bien lorsque nous sommes sur le point d’interagir avec eux que lorsque nous nous limitons à les observer. Ces neurones se révèlent capables de discriminer l’information sensorielle en la sélectionnant sur la base des possibilités d’action qu’elle offre, indépendamment du fait que ces possibilités puissent être concrètement réalisées ou non.
Si nous observons les mécanismes de fonctionnement du cerveau, nous nous rendons compte à quel point la description habituelle de nos comportements, qui tend à séparer les purs mouvements physiques des actions qu’ils permettent d’exécuter, est abstraite. Tout aussi abstraites sont la plupart des expériences habituellement menées pour enregistrer l’activité des neurones au cours desquelles les animaux, comme par exemple les singes, sont tenus pour de petits robots capables d’exécuter uniquement des tâches spécifiques. Pourtant, si l’on procède à l’enregistrement des neurones dans un contexte aussi naturel que possible, en laissant l’animal libre de prendre comme bon lui semble la nourriture ou les objets qui lui sont présentés, on remarque qu’au niveau cortical le système moteur n’est pas lié à des mouvements particuliers, mais à des actions. Du reste, à l’instar des primates non humains, nous ne nous limitons pas, le plus souvent, à bouger les bras, les mains et la bouche, mais nous atteignons, nous attrapons ou nous mordons un objet.
C’est dans ces actes, en tant qu’ actes et non simples mouvements , que prend corps notre expérience du monde environnant et que les objets acquièrent immédiatement une signification pour nous. Cette même frontière rigide entre les processus perceptifs, cognitifs et moteurs finit à son tour par se révéler en grande partie artificielle : non seulement la perception apparaît comme immergée dans la dynamique de l’action, et donc plus articulée et composite que ce qu’on a cru dans le passé, mais le cerveau qui agit est aussi et avant tout un cerveau qui comprend . Certes, comme nous le verrons, bien que cette compréhension soit pragmatique, préconceptuelle et prélinguistique, elle n’en est pas moins importante, puisque c’est sur elle que reposent la plupart de nos capacités cognitives cérébrales.
Ce type de compréhension se reflète également dans l’activation des neurones miroirs. Découverts au début des années 1990, ces neurones montrent comment la reconnaissance des autres, de leurs actions, voire de leurs intentions, dépend en première instance de notre patrimoine moteur. Depuis les actions les plus élémentaires et naturelles, comme, précisément, saisir de la nourriture avec la main ou avec la bouche, jusqu’aux actions les plus élaborées, qui nécessitent une habileté particulière, comme exécuter un pas de danse, une sonate au piano ou un rôle théâtral, les neurones miroirs permettent à notre cerveau de corréler les mouvements observés à nos propres mouvements et d’en reconnaître la signification. Sans ce genre de mécanisme, nous disposerions d’une représentation sensorielle ou d’une figuration « picturale » du comportement d’autrui, mais celle-ci ne nous permettrait jamais de savoir ce que les autres sont réellement en train de faire. Certes, en tant que nous sommes doués de capacités cognitives supérieures, nous pourrions réfléchir sur ce que nous avons perçu, et déduire les éventuelles intentions, attentes ou motivations qui donneraient la raison des actions accomplies par les autres. Toutefois, notre cerveau est capable de comprendre ces dernières immédiatement, de les reconnaître sans avoir recours à aucun type de raisonnement, en se fondant uniquement sur ses propres compétences motrices.
Le système des neurones miroirs apparaît ainsi décisif pour l’émergence comme objet d’étude de ce terrain d’expérience commune où s’enracine notre capacité d’agir non seulement comme des sujets individuels, mais aussi et surtout comme des sujets sociaux. Des formes plus ou moins complexes d’imitation, d’apprentissage, de communication gestuelle, voire verbale, trouvent, en effet, une correspondance ponctuelle dans l’activation de certains circuits miroirs spécifiques. Mais ce n’est pas tout : notre propre capacité d’appréhender les réactions émotionnelles d’autrui est corrélée à un ensemble déterminé d’aires caractérisées par des propriétés miroirs. À l’instar des actions, les émotions aussi apparaissent comme étant immédiatement partagées : la perception de la douleur ou du dégoût chez autrui active les mêmes aires du cortex cérébral que celles qui sont impliquées lorsque nous éprouvons nous-mêmes de la douleur ou du dégoût.
Cela montre combien les liens qui nous unissent aux autres sont profondément enracinés en nous et, donc, à quel point il peut être bizarre de concevoir un moi sans un nous . Comme le rappelait Peter Brook, au-delà de toute différence linguistique ou culturelle, acteurs et spectateurs sont unis par le fait de vivre les mêmes actions et les mêmes émotions. L’étude des neurones miroirs semble nous offrir pour la première fois un cadre théorique et expérimental unifié dans lequel il devient possible de commencer à déchiffrer ce genre de coparticipation que le théâtre met en scène et qui, de fait, constitue le présupposé de chacune de nos expériences intersubjectives.
Chapitre 1
Le système moteur

Prendre une tasse à café
Commençons par un exemple. Rien ne paraît plus simple que prendre en main une tasse

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