Les Gaz de schiste

Catherine Gautier, Jean-Louis Fellous

Description

Source d’énergie activement développée aux États-Unis, les gaz de schiste suscitent un vif débat en France où leur exploitation est interdite par la loi : faut-il lever cette interdiction au nom de la transition énergétique ? Faut-il la maintenir tout en encourageant la recherche, au risque d’amorcer un engrenage incontrôlable ? Destiné au citoyen, ce livre éclaire toutes les facettes d’un sujet complexe : il décrit d’abord une technique d’exploitation – la fracturation hydraulique – qui comporte de nombreux aléas environnementaux et sanitaires. Il expose ensuite les raisons de l’engouement que cette source d’énergie génère aux quatre coins du monde, mais aussi les incertitudes encore élevées qui s’attachent à son exploitation, à propos de l’abondance des ressources, de l’effet sur les aquifères et le climat, ou même des risques de minitremblements de terre. Bien documenté, s’appuyant sur l’expérience américaine, ce livre permet à chacun de fonder sa position en toute connaissance de cause. Jean-Louis Fellous a dirigé les programmes d’obser-vation de la Terre au CNES et les recherches océaniques à l’Ifremer. Il est le directeur exécutif du Cospar, le Comité mondial de la recherche spatiale. Catherine Gautier est professeur émérite au département de géographie de l’Université de Californie à Santa Barbara, où elle enseigne depuis 1990. Elle a dirigé l’Institute for Computational Earth System Science de 1996 à 2002. 

Sujets

• Science
• Energy
• Sciences et techniques

Informations

• Publié par: Odile Jacob
• Date de parution: 08 novembre 2013
• Nombre de lectures: 0
• EAN13: 9782738174765
• Langue: Français
• Poids de l'ouvrage: 2 Mo

Extrait

© O DILE J ACOB, NOVEMBRE 2013
15, RUE S OUFFLOT, 75005 P ARIS
ISBN : 978-2-7381-7476-5
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« Le mal s’apparente à un gaz : il n’est pas facile à voir, mais il est repérable à l’odeur. Il est le plus souvent stagnant, réparti en nappe étouffante. »
Amélie N OTHOMB , Les Catilinaires , 1995.

Pour mes filles, Julie et Kristen, ma nièce Pascale et mes neveux, mes étudiants et tous les jeunes de la Terre. Puisse ce livre les aider à tisser la tapisserie du monde plus écologique dont leur avenir dépend .
C. G.

En mémoire de mon grand-père Maurice Fellous, dont j’ai beaucoup appris, et qui vécut dans un monde durable. Pour mes futurs petits-enfants et mon petit-neveu Santi, en espérant que le leur le restera .
J.-L. F.
Sommaire
Couverture
Titre
Copyright
Préface
Chapitre 1 - Introduction
Des questions multiples, des réponses malaisées
Des regards croisés
Chapitre 2 - Une technologie controversée
Des mots et des choses
Les gisements conventionnels, une curiosité plutôt rare
Une grande variété d’hydrocarbures
Gaz de houille et clathrates
Deux ruptures technologiques décisives
Le passage de la technique à l’exploitation
Une production non exempte de difficultés
Des nuisances et des risques
Quelles alternatives à la fracturation hydraulique ?
Chapitre 3 - Eau et fracturation hydraulique
Acquisition de l’eau
L’eau disponible
Les traitements préparatoires
La récupération et la décontamination
Impacts sismiques de la fracturation
Chapitre 4 - L’impact sur le climat
L’effet de serre du CO2
Réchauffement global et perturbations climatiques
Le gaz de schiste et le seuil de 2 °C pour la température globale
À corps perdu vers l’utilisation du gaz naturel ?
Contribution des émissions de méthane à l’empreinte climatique du gaz naturel
À contre-courant de la voie à suivre ?
Chapitre 5 - Distribution des ressources et indépendance énergétique
Où trouve-t-on ces fameuses roches-mères ?
Les réserves de gaz naturel conventionnel et leur distribution géographique
Connaît-on la réalité de la ressource en hydrocarbures non conventionnels ?
Nouvelle ruée vers l’or sur le continent nord-américain
L’Amérique du Sud
L’Asie et l’Océanie
La Russie
L’Afrique et le Proche-Orient
Et enfin l’Europe…
Des implications géopolitiques difficiles à cerner
Chapitre 6 - Impacts socio-économiques
De la difficulté à transposer le modèle américain
De l’intérêt économique du gaz de schiste
Coûts d’extraction élevés et prix du gaz en baisse aux États-Unis – un paradoxe ?
L’engouement des investisseurs
Fragilité de l’économie de la filière gaz
Wall Street joue ses cartes habituelles
Emplois et économie locale
Les médecins américains s’inquiètent
Point de vue écologiste et rôle du public
En France, l’opposition est multicolore
La confiance ne règne pas
Chapitre 7 - Les politiques à mettre en œuvre
Du laxisme à la prudence
Les lobbys font la loi
Circulez, il n’y a rien à voir !
Le doigt dans l’engrenage ?
Qu’en pensent nos voisins d’outre-Manche ?
… et nos amis d’outre-Atlantique ?
Des règles d’or ?
Préalables à une exploitation acceptable des gaz et huiles de schiste
Une situation figée ?
Un programme national de recherche
Chapitre 8 - Le gaz de schiste : nouvel eldorado ou impasse ?
Vous avez dit « durable » ?
La France doit-elle autoriser l’exploitation de gaz de schiste ?
Les éléments du débat
Les arguments économiques
Sur quelle échelle temporelle se placer pour décider ?
Quelles options ?
Le point de vue des auteurs
APPENDICES
Bibliographie
Remerciements
Préface

Pierre Thomas Professeur à l’École normale supérieure de Lyon

« Le monde file pleins gaz vers l’enfer, en ligne droite ! »
Réplique tirée de  The Rock 1 , film de Michael B AY , 1996.

En 1967, la politique française était dominée par les gaullistes d’un côté, les socialistes et les communistes de l’autre. Les uns disaient toujours « oui », les autres toujours « non », quoi que fassent ou disent gouvernement ou opposition. Un ancien ministre (et futur président de la République), Valéry Giscard d’Estaing, a voulu critiquer cette situation, en disant qu’à côté de ces « oui » et « non » systématiques, il y en avait quelques-uns qui disaient « non, mais » (les centristes, dans l’opposition à l’époque) et ceux qui disaient « oui, mais » (les membres de son parti, les Républicains indépendants). À cela, de Gaulle répliqua qu’« on ne gouverne pas avec des mais », ce qui amena la réponse de Giscard qu’« on ne peut ni contrôler ni dialoguer avec des oui ou des non ».
La situation est un peu la même dans le débat public actuel sur les gaz de schiste. En caricaturant légèrement, que peut entendre un citoyen lambda honnête, ni géologue, ni économiste, ni climatologue, ni spécialiste en étanchéité des tuyaux… ?
Il entend parfois, trop rarement, des « oui » tout à fait respectables et raisonnables qui parlent de soudure en attendant la transition énergétique ou d’indépendance vis-à-vis des pays producteurs à régimes politiques douteux et peu fiables.
Il entend plus souvent des « oui » beaucoup moins respectables de dirigeants ou d’actionnaires de grandes compagnies, de représentants du patronat, de lobbyistes, de ministres parfois, pour qui le profit financier (ou politique) immédiat prime tout, et dont la propriété du Lavandou ou le chalet (défiscalisé) de Gstaad ne seront de toute façon pas touchés par une éventuelle exploitation de leurs si chers gaz de schiste.
Il entend un tout petit peu des « non, mais », parfaitement respectables et raisonnables qui, par exemple, mettent en avant les implications climatiques…
Il entend surtout beaucoup plus de « non », souvent assez peu respectables, venant de ceux qui ne veulent pas qu’on pollue « leur » nappe phréatique mais qui, au même moment, mettent du Roundup dans leur jardin et font leur cuisine avec du gaz, dont 15 % sont importés de Russie où il est extrait dans des conditions écologiques épouvantables.
Ces « oui » systématiques (souvent de droite) et ces « non » tout aussi systématiques disposent, parfois, de deux minutes à la radio ou à la télévision, et de vingt lignes dans les journaux pour exposer leurs points de vue, juste entre la naissance d’un bébé royal et la petite phrase d’une première dame. Les « oui » et les « non » que j’ai qualifiés de respectables ou raisonnables ne sont quasiment jamais invités dans les « grands » médias. Quand il y a des « débats et conférences publics », en général, seule est représentée la tendance de l’organisateur, l’autre tendance craignant le traquenard, la récupération ou la position d’alibi. Quand par miracle il y a les « non » et les « oui » ensemble, le ton monte souvent très rapidement. Tout cela n’est pas la situation idéale dans une démocratie apaisée. Il est vrai que le sujet est complexe et nécessite plus de deux minutes ou vingt lignes pour en faire le tour, et que la mauvaise foi semble souvent la règle sur ce thème.
Le livre de Jean-Louis Fellous et Catherine Gautier est une heureuse exception dans ce paysage. Il a été écrit en duo, avec un « petit oui, assorti d’un grand mais » et un « grand non, doublé d’un petit mais ». Les auteurs d’ailleurs n’avancent pas masqués, un paragraphe intitulé « Le point de vue des auteurs » terminant le dernier chapitre. La somme algébrique de ces deux avis fait plutôt pencher le livre vers un « non, mais », cela de manière raisonnée, en analysant les tenants et les aboutissants, en indiquant les inconnues, les intérêts particuliers et les lobbys des « oui » et des « non », en insistant sur les différences de contexte de part et d’autre des mers, en séparant le court et le long terme, etc.
Concrètement, ce livre comporte 8 chapitres, chacun d’entre eux étant un gisement de renseignements sur la géologie des gaz de schiste et les technologies d’extraction, sur les impacts environnementaux locaux (nappes phréatiques…) ou globaux (effet de serre…), sur les implications financières, économiques, sociales et politiques des hydrocarbures non conventionnels. Il serait bon que toute personne souhaitant donner un avis sur les gaz de schiste, que ce soit en manifestant, en élisant ses représentants, en participant à un référendum… ait lu ce livre (ou un livre équivalent) pour connaître au moins les grandes lignes de ce sujet difficile, et pouvoir trancher en donnant tel ou tel poids aux différents arguments selon sa sensibilité, mais en toute connaissance de cause.
Le dernier chapitre est intitulé « Le gaz de schiste : nouvel eldorado ou impasse ? ». Une impasse, tout le monde sait ce que c’est. L’eldorado, peut-être moins. L’eldorado est une cité précolombienne mythique d’Amérique du Sud censée dégouliner d’or pur. La course à ce mirage n’a évidemment jamais abouti. Et si cette vaine course à l’eldorado a participé au considérable enrichissement de l’Espagne et de certains Espagnols des XVI e et XVII e  siècles, elle a fait le malheur volontaire (massacres, exploitation outrancière…) et involontaire (variole et autres maladies) des Amérindiens. Si le gaz de schiste est une fausse piste, on n’en parlera plus dans quelques décennies. S’il s’apparente à un eldorado, pourvu que ce ne soit pas un mirage qui, en fin de com