Les troubles du récit
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Description

D’où vient notre désir d’histoires et cette propension proprement humaine à se représenter soi-même et la réalité comme un récit ? Qu'est-ce qui rend si irremplaçables les processus narratifs et les représentations qu’ils véhiculent ?


Pour apporter des éléments de réponse à ces questions, il faut réorienter notre point de vue. Et nous intéresser non aux formes canoniques de l’art de raconter, comme le roman ou la biographie, mais plutôt aux situations ordinaires, marginales ou pathologiques où ces formes se « troublent », voire se disloquent.


Un livre fondamental, qui fait entrer la psychologie cognitive et les neurosciences dans les études littéraires et plus généralement dans les sciences humaines. Et qui montre comment elles viennent compléter les approches classiques du récit.


Jean-Marie Schaeffer est philosophe, spécialiste d’esthétique. Directeur de recherche au CNRS, directeur d’études à l’EHESS, il est responsable scientifique de l'IRIS « Création, cognition, société ». Il a publié notamment Petite écologie des études littéraires. Pourquoi et comment étudier la littérature (Thierry Marchaisse, 2011), Lettre à Roland Barthes (Thierry Marchaisse 2015) et L’Expérience esthétique (Gallimard, 2015).


Sujets

Informations

Publié par
Nombre de lectures 2
EAN13 9782362802409
Langue Français
Poids de l'ouvrage 3 Mo

Informations légales : prix de location à la page 0,0105€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

Présentation
D’où vient notre désir d’histoires et cette propension universelle à se représenter soi-même et la réalité comme un récit ? Qu’est-ce qui rend si irremplaçables les processus narratifs et les représentations qu’ils véhiculent ?
Pour apporter des éléments de réponse à ces questions, il faut réorienter notre point de vue. Et nous intéresser non pas aux formes canoniques de l’art de narrer, comme le roman ou la biographie, mais plutôt aux situations où ces formes se « troublent », voire se disloquent : récits ordinaires, marginaux, visuels ou pathologiques.
Un ouvrage fondamental, qui fait entrer la psychologie cognitive et les neurosciences dans le champ des sciences humaines, et complète les approches classiques du récit en nous donnant accès à ses sources.
 
Jean-Marie Schaeffer est philosophe, spécialiste d’esthétique. Directeur de recherche au CNRS, directeur d’études à l’EHESS, il est responsable scientifique de l’IRIS « Création, cognition, société ». Il a publié notamment Petite écologie des études littéraires (Marchaisse, 2011) et L’Expérience esthétique (Gallimard, 2015).


Jean-Marie Schaeffer
Les troubles du récit
Pour une nouvelle approche des processus narratifs


 
© 2020 Éditions Thierry Marchaisse
 
Conception visuelle : Denis Couchaux
Mise en page intérieure : Anne Fragonard-Le Guen
 
Éditions Thierry Marchaisse
221 rue Diderot
94300 Vincennes
http://www.editions-marchaisse.fr
 
Marchaisse
Éditions TM
 
Diffusion-Distribution : Harmonia Mundi
 
ISBN (ePub) : 978-2-36280-240-9
ISBN (papier) : 978-2-36280-239-3
ISBN (PDF) : 978-2-36280-241-6
 



À celles et ceux que j’ai perdus


Préface
En 1966, dans son « Introduction à l’analyse structurale du récit », Roland Barthes a souligné la diversité des récits, mettant en avant la « variété prodigieuse » des genres narratifs, des substances sémiotiques qu’ils investissent et la multiplicité des fonctions qu’ils remplissent. Et il ajoutait que de tout temps et en tous lieux, les humains ont raconté et racontent des récits et que la plupart de ces récits peuvent être « goûtés en commun par des hommes de culture différente, voire opposée 1  ».
Comment penser à la fois la « variété prodigieuse » des genres de récits, « la multiplicité des fonctions » qu’ils remplissent et le fait qu’ils peuvent « être goûtés en commun par des hommes de culture différente, voire opposée ». La réponse de Barthes à cette question est conforme à l’esprit de l’époque : la diversité et la multiplicité sont des phénomènes de surface. Elles sont produites par une structure profonde qui, elle, est un invariant universel. Ce faisant, Barthes a pris en fait la voie classique (du moins en Occident) pour rendre compte de la réalité phénoménale ou de l’« empirie » : la voie définitionnelle. S’y ajoute la spécificité « structuraliste », qui réside dans le fait que la relation entre des phénomènes divers et leur unité sous-jacente est pensée en termes de structure profonde produisant les phénomènes de surface. Appliquée aux « récits », la voie définitionnelle réduit la diversité des phénomènes et leur multiplicité à un concept unitaire – le récit – qui constitue leur nature commune, l’idée étant que si on a réussi à construire une définition adéquate, alors on connaît l’essentiel de ce qu’il y a à connaître des récits.
Cette voie définitionnelle se réalise selon deux figures, celle d’une définition formelle (dans l’idéal a-temporel) et celle d’une définition historico-inductive.
La définition formelle cherche à déterminer les conditions nécessaires et suffisantes qui font que quelque chose est un récit. Elle aboutit ainsi en général à la notion d’un « récit minimal », qui serait composé de trois moments : un équilibre de départ, une rupture de cet équilibre, et enfin l’instauration d’un nouvel équilibre (ou la restauration de l’équilibre initial). L’avantage d’une telle définition réside dans son élégante simplicité. Son désavantage est double : d’une part, elle est peu informative ; d’autre part, elle traite une forme narrative parmi d’autres, le récit à clôture forte, comme définissant le processus narratif comme tel. Elle rencontre du même coup des difficultés pour rendre compte des récits (et ils sont légion) dont le point de départ n’est pas une rupture d’équilibre ou dont la fin ne coïncide pas avec la restauration d’un équilibre initial ou avec un nouvel équilibre. C’est le cas, on le verra, des processus de narrativisation mentale, qui structurent, entre autres, notre mémoire épisodique et autobiographique ainsi que notre planification mentale des actions. Et c’est le cas aussi de la majorité des narrations qui ponctuent les conversations quotidiennes, et même de nombreux récits littéraires.
Une version plus faible de la même démarche propose une définition prototypique ou idéal-typique du récit, c’est-à-dire une définition qui ne détermine pas des conditions nécessaires et suffisantes (que toute chose prétendant à la dénomination de « récit » serait censée remplir), mais la forme canonique ou archétypale de tout récit, sans préjuger de l’existence ou non de formes moins canoniques. Le problème est que la définition en termes d’idéal-type permet tout au plus de dégager une certaine figure des récits littéraires (écrits ou oraux), qui s’inscrivent dans des traditions instituées et réglées par des conventions formelles, thématiques, etc. Elle marginalise donc les formes narratives de la vie quotidienne et de la vie mentale, qui sont pourtant de loin les plus nombreuses et surtout qui sont bien plus centrales que le récit littéraire, tant du point de vue anthropologique que de celui de la vie des individus humains. Tout le monde ne lit pas des récits littéraires, mais toutes et tous nous produisons des narrations conversationnelles et faisons l’expérience des narrativisations mentales, que nous les produisions volontairement ou qu’elles s’imposent au contraire à nous (par exemple dans les rêves). Or, ces types de narration et de narrativisation ont généralement des débuts et des fins qui n’en sont pas vraiment, ou qui sont de simples coupes dans un flux narratif virtuel s’étendant en amont et en aval des épisodes effectivement racontés ou présentés.
Le problème que pose la démarche définitionnelle n’est pas tant dû à cette démarche elle-même qu’à ce qu’on attend d’elle. Un moment « définitionnel » en un sens faible du terme, c’est-à-dire comme définition «  de dicto  », est sans doute inévitable comme point de départ de toute enquête : il faut bien commencer par s’entendre provisoirement sur ce dont il va être question, et pour cela il est indispensable de fixer le sens des termes qu’on va utiliser, ce qui revient à les « définir ». Mais la démarche définitionnelle au sens strict du terme est plus ambitieuse. Elle se propose de fournir une définition «  de re  » : il s’agit non pas de s’entendre d’entrée de jeu sur le sens des termes, mais sur l’essence des choses. La définition, dans ce cas, a pour vocation de saisir l’essence du récit, en sorte que toutes ses propriétés constitutives doivent pouvoir en être déduites à l’aide d’une analyse purement formelle.
La voie d’une définition historique du récit semble à première vue échapper aux problèmes que rencontre la définition formelle. Pour éviter les malentendus, il faut préciser d’entrée de jeu que la saisie historique du récit existe sous deux formes : la voie génétique et la voie généalogique. La voie génétique part de l’idée qu’il existe une essence du récit mais que cette essence se déploie historiquement. Elle implique une vision téléologique de l’histoire ou, comme on le dit plus couramment, que l’histoire « a un sens ». Telle la semence d’une plante, l’essence du récit contiendrait en elle, potentiellement, l’ensemble des propriétés qu’il va déployer au cours de son cycle de vie historique. Une telle définition n’est en fait pas tant historique qu’historiciste, puisqu’elle pose l’existence d’une nature essentielle qui se déploierait progressivement selon une téléologie interne. L’analyse généalogique ne postule pas l’existence d’une telle téléologie (ou d’un tel programme) interne. Elle se borne à lire l’évolution des figures du récit comme un développement causal contingent. « Contingent » ne signifie pas « arbitraire » : considérer l’évolution historique des récits comme un développement causal contingent revient à poser deux choses en même temps. D’une part, que les causes en jeu ne sont jamais que locales, en termes de lieu tout autant que de temps. Et d’autre part, qu’elles sont hétérogènes les unes par rapport aux autres. Elles ne sont donc pas a fortiori internes au récit lui-même, au sens où elles seraient elles-mêmes narratives, c’est-à-dire seraient un moment spécifique de l’évolution du récit. En effet, pour une pensée généalogique radicale (telle celle de Nietzsche), le récit n’est pas le genre de chose qui pourrait fonctionner comme une cause à l’égard d’elle-même. Ce n’est le lieu d’aucune « volonté de puissance » propre précisément parce que ce n’est pas un être animé. Enfin, les causes qui produisent le passage d’une figure a à une figure b n’ont pas d’effets à long terme, en raison de leur caractère externe et hétérogène, elles ne déterminent donc pas les figures qui vont suivre la figure b . Il en résulte que la série des cristallisations narratives qui se suivent au fil de l’histoire est elle-même contingente, au sens où aucun moment ne préjuge de l’évolution future. La voie généalogique, bien qu’historique, n’est donc pas définitionnelle.
La définition génétique peut être interprétée, à bien des égards, comme une projection sur un axe temporel de la définition formelle en termes de conditions nécessaires et suffisantes. Cela apparaît dans ses deux réalisations les plus grandioses que sont la définition organiciste de la tragédie par Ari

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