Comment on devient psychanalyste : … et comment on le reste
108 pages
Français

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Description

Daniel Widlöcher est l’un des derniers « grands » de la psychanalyse française, réputé et respecté dans le monde entier. À propos de lui, Alain Braconnier écrivait : « Sa vie s’identifie à la psychanalyse telle qu’il aime la définir : tout autant une pratique culturelle qu’une pratique thérapeutique, elle ne donne pas une vérité, elle ouvre une voie. »C’est cette voie qu’explore cet ouvrage, construit autour de moments clés de sa vie qui furent aussi des nœuds pour sa pensée, des carrefours pour la psychanalyse autant que des occasions de débats. Notamment, il retrace sa rencontre, puis sa rupture avec Jacques Lacan et restitue le sens de son action à la tête de l’Association psychanalytique internationale. Au fil des instants phares de ce retour sur soi, une interrogation plus profonde court : que retenir de ce parcours ? Que transmettre ? Qu’est-ce véritablement que la psychanalyse et que doit-elle être ?Daniel Widlöcher, psychiatre, psychanalyste, ancien chef du département de psychiatrie de l’hôpital de la Pitié-Salpêtrière à Paris, est membre de l’Association psychanalytique de France et ancien président de l’Association psychanalytique internationale. Il est notamment l’auteur des Nouvelles Cartes de la psychanalyse.

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 09 septembre 2010
Nombre de lectures 1
EAN13 9782738199430
Langue Français
Poids de l'ouvrage 1 Mo

Informations légales : prix de location à la page 0,0950€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

© ODILE JACOB, SEPTEMBRE 2010
15, RUE SOUFFLOT, 75005 PARIS
www.odilejacob.fr
EAN : 978-2-7381-9943-0
Le code de la propriété intellectuelle n'autorisant, aux termes de l'article L. 122-5 et 3 a, d'une part, que les « copies ou reproductions strictement réservées à l'usage du copiste et non destinées à une utilisation collective » et, d'autre part, que les analyses et les courtes citations dans un but d'exemple et d'illustration, « toute représentation ou réproduction intégrale ou partielle faite sans le consentement de l'auteur ou de ses ayants droit ou ayants cause est illicite » (art. L. 122-4). Cette représentation ou reproduction donc une contrefaçon sanctionnée par les articles L. 335-2 et suivants du Code de la propriété intellectuelle.
Ce document numérique a été réalisé par Nord Compo
Avant-propos

En 1976, lors d’un colloque qui se tenait sur l’identité du psychanalyste, je me trouvais accueillir Anna Freud venue nous rejoindre. « De quoi parlez-vous ? » me demanda-t-elle. « De la formation du psychanalyste. » « Une question bien vieille et non résolue…, remarqua-t-elle. Un psychanalyste, c’est celui qui continue de pratiquer la psychanalyse tout au long de sa vie professionnelle. »
Raconter un souvenir, une anecdote du passé est souvent pour moi un geste embarrassant. Je suis plutôt gêné par le plaisir que j’y prends et je redoute surtout que mon radotage ne lasse mon auditoire. Je dois convenir qu’il n’en est presque toujours rien : on m’en redemande et mes auditeurs insistent sur l’intérêt qu’ils accordent à un passé se rapportant à celui des institutions auxquelles ils appartiennent. Pourquoi, alors, ne pas prendre au sérieux leur suggestion d’en tirer un livre ?
Pour contourner ma gêne, j’ai décidé de recourir à deux stratagèmes. Le premier a consisté à demander à de très proches instigateurs du projet de m’interroger et d’enregistrer mes réponses. Je dois ainsi à mon épouse Hélène et à mes amis Manuelle et Sylvain Missionnier d’avoir pu disposer d’un corpus d’entretiens nourris de leurs questions et de leurs commentaires, dont j’ai pu extraire le texte de mes récits. Toutefois, pour garder la trace de ces échanges si vivants, nous avons conservé certains fragments de dialogue dans chaque chapitre de ce livre.
Autre stratagème, celui de décomposer ces chapitres en deux parties de taille inégale : un court liminaire évoquant une scène marquante d’une étape de mon parcours, suivi des commentaires nécessaires pour en faire vivre le contexte, ce qui l’a précédée ou ce qui lui a fait suite. Dans l’ouverture, je témoigne d’une expérience toute personnelle ; les commentaires, eux, sont le récit plus distancié d’une histoire.
Grâce à ce montage, il sera moins question de l’auteur et de sa personne. Je dois à Alain Braconnier d’avoir su donner, dans l’ouvrage qu’il m’a consacré en 2003 dans la collection « Psychanalystes d’aujourd’hui », éditée par les PUF, une description attentive de ma carrière et de mes travaux. C’est lui qui me permet aujourd’hui de n’être que le témoin de cette histoire. Qu’il en soit profondément remercié.
J’espère que ce parcours d’une cinquantaine d’années à travers le développement prodigieux de nos connaissances des sciences de l’esprit et la manière dont la pratique d’un psychanalyste a su l’accompagner pourra intéresser nos plus jeunes lecteurs. Je le souhaite vivement, et je remercie de tout cœur, ceux qui m’ont permis de le tenter : mes interrogateurs Hélène, Manuelle et Sylvain ; Odile Jacob, qui soutient avec tant de chaleur depuis des années mon œuvre écrite ; Jean-Luc Fidel, son directeur éditorial, qui m’a donné tout son temps et grâce à qui j’ai pu réaliser le montage de ces mémoires.
1
Première rencontre rue de Lille

La rue du Cherche-Midi est une voie calme pour se rendre de Montparnasse à Saint-Germain-des-Prés. Peu de commerces, des immeubles bourgeois merveilleusement sulpiciens et quelques auberges – je me souviens de celle où Pierre Fédida avait coutume de rencontrer ses amis. Il y a soixante ans, c’était un axe autour duquel s’exposaient les plus belles galeries d’art de la Rive gauche. J’avais à l’époque entre 18 et 24 ans. Mes parents habitaient à l’extrémité de la rue, là où le dernier immeuble vient fendre de son éperon la rue de Vaugirard, laquelle arrive tout droit du sud et amorce le lent virage qui la fera s’enrouler autour du jardin du Luxembourg. Je préparais à l’époque les concours des hôpitaux – l’externat, puis l’internat. En fin de journée, après un « bachotage » studieux et lassant, je flânais souvent d’une galerie à l’autre, avide de m’alléger l’esprit à la découverte d’un Zao Wou-ki ou d’un Vieira da Silva.
En ce début d’après-midi du printemps 1951, si je me rendais au 5, rue de Lille par ce même itinéraire, ce n’était pas pour visiter la galerie Jeanne Bucher ou pour déambuler à la librairie La Hune. C’était pour être reçu par le docteur Lacan. Il m’avait aisément accordé un rendez-vous. Sans doute avait-il été averti de ma démarche par Mme Jenny Roudinesco, dont j’étais l’externe ; elle m’avait vivement recommandé de lui demander conseil.
Ce que je savais de lui, je le tenais des psychologues, des éducateurs et des médecins dont j’avais fait la connaissance dans le service où, depuis près d’un an, je travaillais. Il était d’ailleurs l’analyste de beaucoup d’entre eux. C’était « le meilleur », disait-on ; avec lui, on ne risquait pas de « tomber dans une analyse sans fin ». Son nom évoquait aussi pour moi d’autres échos : il avait participé au courant surréaliste, c’était une figure intellectuelle depuis l’avant-guerre. Bref, un psychanalyste fréquentable !
Lacan me reçut sans me faire attendre. Un accueil neutre, sans sourire, mais courtois. Je le sentis aussitôt ouvert à ce que je m’apprêtais à lui dire de moi. Quelques mots sur mon intérêt pour la psychologie et la pathologie mentale, qui m’avait incité à opter pour la médecine plutôt que pour la philosophie et une carrière d’enseignant. Très vite, il m’interrompit pour me demander ce que j’avais lu. Très peu de choses, et qui m’avaient fortement déplu, répliquai-je. Il s’agissait des deux ouvrages que Marie Bonaparte avait publiés aux Presses universitaires de France. Le dogmatisme du ton, la sécheresse et l’abstraction des modèles proposés, l’absence d’ouverture aux questionnements de l’esprit : voilà ce que j’en avais retenu. Je venais aussi de lire, avec peine, La Science des rêves . J’y avais trouvé bien plus d’intérêt, concédai-je. Je n’ignorais pas que tout ce discours n’était pas fait pour lui déplaire, bien sûr. Sans doute fus-je plus convaincant lorsque je lui fis part de tout ce que m’avait fait découvrir mon stage auprès de Mme Roudinesco : la clinique tout simplement, et plus particulièrement celle des jeunes enfants exposés à des carences affectives précoces. La psychothérapie d’un petit garçon de 8 ans m’avait d’ailleurs été confiée – il en allait ainsi à l’époque ! – sous la supervision de ma « patronne ». Tout cela m’avait confirmé qu’il me fallait devenir psychanalyste si je voulais être psychiatre, et surtout d’enfants.
Je ne sais comment j’en vins à évoquer mes goûts plus personnels : ma passion pour la chose littéraire, mes rêveries d’écriture, mon inclination pour ce que j’avais pu apprendre de la philosophie (Sartre, Camus, Merleau-Ponty, le communiste Cornu dont je suivais les cours au Collège de France), la peinture bien sûr et mon rêve jadis d’entrer aux écoles de Rome et du Louvre, etc. À ce moment, Lacan me fit entendre que notre entretien prenait fin. Si je désirais entreprendre une analyse avec lui, la chose n’était pas impossible, m’assura-t-il… mais dans deux ans environ.
Me raccompagnant, il me montra un tableau et me demanda qui en était l’auteur. Et il réitéra deux ou trois fois l’expérience. Je répondis d’une manière qui lui donna satisfaction et suscita un sourire qui me remplit d’aise après l’attitude olympienne qu’il avait conservée jusqu’alors, selon l’usage que je n’ignorais pas. Le Masson qui ornait la cheminée de son salon d’attente n’était pas celui que je pus découvrir plus tard, commandé pour masquer L’Origine du monde de Courbet.
Autant dire que je revins aux anges dans mon service pour rendre compte de ma visite à Mme Roudinesco. « Ah, il vous a séduit vous aussi », déclara-t-elle en souriant. Mes collègues, eux, furent plus partagés : certains se félicitèrent de l’issue, d’autres me reprochèrent de m’être si facilement engagé.
Qui avait séduit l’autre ? Je m’étais employé de mon mieux à tenter d’y réussir. C’est ainsi, en tout cas, que je nouai une alliance avec Lacan, mais aussi avec la psychanalyse elle-même. La première allait connaître des moments féconds et douloureux. La seconde m’attacha pour toujours à une vie de l’esprit qui m’a beaucoup aidé et que j’ai servie de mon mieux.
 
Mais revenons aux années de guerre. Sur la psychanalyse alors, silence total. J’en avais bien entendu un peu parler, mais seulement par quelques rumeurs vaseuses sur la sexualité infantile, sur Freud. Dominait en effet une psychologie plutôt sotte, néochrétienne, humaniste, pétainiste, vichyssoise. Aucun intérêt !
Plus un enfant déjà et pas encore un adulte, j’étais depuis longtemps membre de mouvements de jeunesse, ceux du moins qui étaient autorisés, et je participais à des colonies de vacances. C’est là que, parmi les moniteurs, j’avais rencontré de jeunes instituteurs. Ils avaient entre 20 et 25 ans ; j’en avais 14. Je leur dois la découverte d’Henri Wallon, mal vu et pas enseigné car il était communiste. Heureusement, on trouvait ses livres. C’est ainsi que, délaissant Paul Bourget ou Anatole France, je m’étais mis à lire Wallon et après lui Piaget, deux auteurs qui m’avaient révélé ce que pouvait être la psychologie de l’enfant. Et puis Bergson, grâce à mon professeur de philosophie, qui en était un fidèle. Pourquoi ces lectures ? Parce que je m’intéressais à l’esprit humain, à l’homme, à la compréhension de l’homm

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