Crève avec moi : Best friends forever
65 pages
Français

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Crève avec moi : Best friends forever , livre ebook

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Description

Léa, enfant du capitalisme sauvage à la langue bien pendue, a pour meilleure amie Poupie. Elles se sont connues à la garderie, ont conclu un pacte d’amitié à l’adolescence. Best friends forever. Pour la vie. Mais la vie, justement, pourrait en décider autrement…

« L’air d’un fantôme abandonné. Poupie, sur le trottoir. Un fantôme. L’air froid. J’ai mal à la gorge qui pique. Va-t-elle crever? Le vide. Christophe a crissé son camp après avoir touché les boules d’Ema-Jade comme un cave. Saoul. Il a capoté quand il a vu Poupie par terre. Va donc crever dans le fossé. Dans ma tête et mon cœur, je suis prise de vertige. Je fonds. Je panique. Je meurs par en dedans. »
« L’air d’un fantôme abandonné. Poupie, sur le trottoir. Un fantôme. L’air froid. J’ai mal à la gorge qui pique. Va-t-elle crever ? Le vide. Christophe a crissé son camp après avoir touché les boules d’Emma-Jade comme un cave. Saoul. Il a capoté quand il a vu Poupie par terre. Va donc crever dans le fossé. Dans ma tête et mon cœur, je suis prise de vertige. Je fonds. Je panique. Je meurs par en dedans. »

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 28 octobre 2019
Nombre de lectures 2
EAN13 9782764438985
Langue Français
Poids de l'ouvrage 2 Mo

Informations légales : prix de location à la page 0,0500€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

De la même auteure
Les superbes , en collaboration avec Marie Hélène Poitras, VLB éditeur, 2016.
La revanche des moches , VLB éditeur, 2014.


Projet dirigé par Stéphanie Durand, éditrice

Conception graphique : Claudia Mc Arthur
Mise en pages : Nathalie Caron
Révision linguistique : Sylvie Martin et Sabrina Raymond
En couverture : Photographie, gracieuseté de Léa Clermont-Dion
Conversion en ePub : Marylène Plante-Germain

Québec Amérique
7240, rue Saint-Hubert
Montréal (Québec) Canada H2R 2N1
Téléphone : 514 499-3000, télécopieur : 514 499-3010

Nous reconnaissons l’aide financière du gouvernement du Canada.
Nous remercions le Conseil des arts du Canada de son soutien. We acknowledge the support of the Canada Council for the Arts.
Nous tenons également à remercier la SODEC pour son appui financier. Gouvernement du Québec – Programme de crédit d’impôt pour l’édition de livres – Gestion SODEC.


Catalogage avant publication de Bibliothèque et Archives nationales du Québec et Bibliothèque et Archives Canada

Titre : Crève avec moi : best friends forever / Léa Clermont-Dion.
Noms : Clermont-Dion, Léa, auteur.
Description : Mention de collection : Trois
Identifiants : Canadiana 20190019816 | ISBN 9782764438961
Classification : LCC PS8605.L5416 C74 2019 | CDD C843/.6—dc23
ISBN 978-2-7644-3897-8 (PDF)
ISBN 978-2-7644-3898-5 (ePub)

Dépôt légal, Bibliothèque et Archives nationales du Québec, 2019
Dépôt légal, Bibliothèque et Archives du Canada, 2019

Tous droits de traduction, de reproduction et d’adaptation réservés

© Éditions Québec Amérique inc., 2019.
quebec-amerique.com




À tous les fantômes de Gardenville



Les dérivés de soi sont parfois étranges et vulgaires. Il faut savoir y consentir.


ACTE 1
Gardenville. J’ai quatorze ans. Je découvre le monde qui s’offre à moi.
Moi, c’est Léa. J’aime le téléroman Virginie . J’ai un kick sur Alexandre Bernard. J’ai déjà fumé du pot. J’ai peur des aiguilles. J’aime rire des humoristes pas drôles. Je suis bonne en français. Je ne suis pas bonne en math. J’ai une calligraphie de médecin, laide. J’ai les doigts boudinés. J’ai horreur des bas troués qui me font mal aux orteils. J’ai toujours rêvé d’ôter les bibittes sur le dos des baleines à bosse. J’haïs tous les perce-oreilles de la planète. J’aime Charles Tisseyre. Je n’aime pas Kenny G. Je connais un Kiven pas de E. J’aimerais jouer dans Watatatow . Je ne pleure pas, sauf une fois quand Doudou est mort. Je trouve que des narines ouvertes, ça donne la forme d’une décapotable. Je suis contre les moumoutes. J’ai peur de mourir. J’aime Poupie. Je suis la meilleure amie de Poupie.
Poupie aime les chiens bâtards qui n’ont l’air de rien ni personne. Elle préfère Britney Spears à Dubmatique. Elle court vite, mais fait de l’asthme. Elle a les mains sèches comme du papier sablé. Elle fume des Peter Jackson en cachette. Elle est vierge. Elle a frenché deux gars, dont Jayson avec un Y. Elle porte des foulards de hippie. Elle dit « si j’aurais ». Elle a horreur des ongles rongés. Elle pleure rarement. Elle est triste comme la fin du monde parce que ses parents ont divorcé. Elle ne crie pas. Elle dit « ké bye là ». Elle trouve que ma mère est belle. Elle dit « clown » comme « cloune ». Elle chante faux. Elle n’a jamais goûté à un Big Mac. Elle a gagné le trophée de la meilleure élève en première année pour sa « bonne attitude ». Elle n’aime pas la polyvalente. Elle préfère les framboises. Elle n’a pas vu Titanic . Elle porte des camisoles bleu ciel. Elle aime les tatouages. Elle trouve Allan Theo sexy. Elle rêve de vivre dans une petite cabane. Elle a une cicatrice sur la joue. Elle ne croit pas à l’astrologie. Elle excelle en calcul mental. Elle aime la magie noire. Elle est contre Alain Choquette. Elle est pour Éric Lapointe. Elle a peur des rats. Elle n’écoute pas Columbo . Elle est ma meilleure amie.
On a quatorze ans. Et la vie devant nous.
. . .
Poupie est arrivée dans ma vie par hasard. À deux ans et demi. À la garderie. Les madames nous ont installées à la table bleu hôpital pour qu’on arrête de foutre la marde. C’est qu’on jacassait beaucoup trop. Comme des tannantes. Autour de notre cou, des bavettes du Roi Lion . Le menu du jour ? Du spaghetti mouillé pas italien. Il était bon, leur spaghetti mouillé pas italien, mais moins bon que leur ragoût brun québécois. Ma garderie sentait un peu le caca de bébé. L’être humain a la capacité extraordinaire de s’habituer à tout, même au caca de bébé. Des milliards d’êtres humains y ont survécu. Ce jour-là, Poupie m’a souri, la bouche pleine de sauce tomate. Son visage rond, picoté de taches de rousseur. Elle ressemblait à un soleil vintage vendu comme bibelot dans les magasins de hippies. À bas prix. Elle menait la garderie. Comme une reine. Avec Poupie, la vie était totale, sans lendemain. Elle bossait tout le monde comme une gérante du McDo, avec une grande assurance. Mais Poupie était une fille pas correcte, selon les mères médisantes des petites connes. Les petites connes qui porteront un jour des faux ongles longs comme le rang huit. Une mauvaise influence, qu’elles disaient. Et pourtant, elle ravageait le cœur de Cindy-Jade et de Jacinthe, les techniciennes en garderie. Elle contournait tous les interdits sans jamais se faire prendre.
Un jour, Poupie a eu cinq ans. J’ai été conviée à son anniversaire. Privilège important. Pour l’occasion, on a chanté une très bonne chanson des Backstreet Boys, des bobettes sur la tête, excitées par les jujubes en forme d’ours, drogue dure qui sera un jour remplacée par les boissons énergisantes alcoolisées (les mêmes boissons énergisantes alcoolisées seront responsables de la disparition tragique des jeunes gens saouls morts dans les fossés de Gardenville). Je pense qu’on a écouté la cassette cent vingt et une fois. Comme cadeau d’anniversaire, je lui ai offert un collier best friends forever en solde chez Ardène, le genre de bijou en plomb qu’il ne faut pas sucer, parce que ça donne le cancer, qu’il dit, Charles Tisseyre. Le pendentif de plomb que j’ai offert à Poupie vient avec un autre, qui le complète. Le bon vieux classique du yin et du yang, style asiatique spirituel. Deux pour le prix d’un. Le pacte d’amitié est scellé pour toujours. Nous sommes des best friends forever and ever . Il est évident que sucer le plomb de ces maudits bijoux laittes à moitié prix va finir par nous tuer. Au pire, on va crever ensemble.
. . .
Ma robe bleue achetée chez Croteau est fleurale, dans le sens de « exagérément fleurie ». Elle m’étourdit de fierté.
Si je savais tout, je saurais que cette robe a été confectionnée par des enfants du Bangladesh, exploités, mal nourris, qui finiront par fuir avec leurs propres enfants la région de leurs ancêtres comme réfugiés climatiques. Ce monde est barbare . Mais je le sais pas encore. Je sais pas encore grand-chose, en fait.
J’ai quatre ans. Ce n’est pas vrai. Je n’ai plus exactement quatre ans. Je viens d’avoir cinq ans. Ma destinée est cruelle, j’ai l’air d’en avoir quatre et trois quarts. C’est mon anniversaire. Sur mes cheveux châtain clair peu fournis, une couronne dorée avec des faux diamants dessus. Ça fait bling-bling. Dans ma tête et mon cœur, je suis Carmen Campagne. Quand j’étais vraiment jeune, genre, quand je portais encore des couches, on m’appelait le bébé Bouddha. Beaucoup de joues, peu de cheveux. Poupie et mes autres amies (que j’invite pour faire semblant d’avoir plein d’amies) m’offrent des cadeaux, comme le veut la tradition des fêtes d’enfants. Ça sent le magasin à une piasse : le plastique, le polymère, les additifs, la résine, l’arsenic peut-être.
Je suis la riche reine des pauvres de Gardenville.
« Des pauvres », ça se dit pas , « des pauvres ».
Je suis ingrate. Enfant du capitalisme sauvage. Je m’enivre de bonbons sucrés comme si la vie était un samedi. Je souffle les bougies. Il y en a cinq sur le gâteau au glaçage à la vanille qui goûte la fin du monde. Je salive. Le sucre fond sur ma langue. Je suis une junkie , les lèvres pleines d’écume. Je ne connais ni la cocaïne ni la Smirnoff Ice. Je lèche mes doigts, un à la fois. Je lèche les batteurs dégoulinants de crémage blanc, un à la fois. J’en veux plus. Ma mère se sent indigne de m’offrir des gâteaux qu’elle juge aussi laids. Les mères, ça se juge trop, tout le temps. C’est fatigant. Alors qu’elle est radieuse, ma mère. J’aime me cacher sous sa grande jupe carreautée faite de lycra mauve. Et elle m’aime énormément, ma mère. Moi, je les aime, ses gâteaux. Ils ne sont ni laids ni beaux. Ils sont délicieux. Plein d’OGM qui donnent le cancer, un lymphome non hodgkinien peut-être. Je ne connais ni le Roundup, ni le glyphosate, ni ce que veut dire mourir. Je dévore le gâteau génétiquement modifié. J’ai du plaisir. Je suce toutes les parcelles de sucre sur mes doigts. Je vis. Je m’enivre.
Devenir une enfant vieille est incroyablement réjouissant.
Un peu avant d’avoir cinq ans, je suis allée au Dollarama avec ma mère. J’ai exigé une baguette magique en plastique made in China fabriquée par des enfants exploités dans une usine insalubre.
Ça, je ne le sais pas. Je ne sais rien.
Ma mère a accepté de m’acheter cette baguette magique ridicule. Je n’aurais pas eu droit à un Nintendo 64 avec Donkey Kong dessus. Même si je rêve de rencontrer Donkey Kong. Il m’apparaît sympathique, celui-là. Sauf que, chez nous, c’est interdit, les Nintendo 64. C’est mauvais pour le cerveau, les neurones, le développement de l’enfant. Et la baguette magique, ça coûte moins cher que d’aller à Disney . Mon obsession de tous les jours, Disneyland, terre de tous les possibles. Grand royaume des robes et des bonbons. Loin, loin de Gardenville.
Enfant du capitalisme sauvage, j’ai dit. Enfant reine qui te gosse.
J’empoigne la baguette comme un Alain Choquette raté. Devant ma très petite, petite mais

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