Habiter le monde au féminin : Entre récits et phénoménologie
169 pages
Français

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Description

La tradition phénoménologique a rappelé l’importance de la corporéité dans toute pensée du quotidien. Fondamentalement situé, le corps s’éprouve dans le concret de nos vies comme une ouverture au monde, dont l’amplitude et la tonalité affective varient. Parallèlement, la pensée féministe a mis en garde contre la dimension abstraite et asexuée du corps propre décrit par les phénoménologues, révélant les enjeux d’oppression et de pouvoir auquel il est soumis.
Les autrices et les auteurs qui ont participé à la rédaction de cet ouvrage cherchent à décrire et penser des expériences qui engagent la dimension incarnée de l’existence, en faisant entendre des voix plurielles et complémentaires dans une orientation de phénoménologie critique et d’herméneutique. Au-delà du risque d’essentialiser le « féminin », les textes présentent différentes modalités d’être-au-monde, occasions de tension, de contradictions ou d’émergence de sens.
Ce livre s’adresse particulièrement aux personnes qui étudient en psychologie, en philosophie ou en études féministes, de même qu’à celles qui réfléchissent aux enjeux liés à la manière d’habiter le monde.

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 23 novembre 2022
Nombre de lectures 0
EAN13 9782760557819
Langue Français
Poids de l'ouvrage 1 Mo

Informations légales : prix de location à la page 0,0000€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

Habiter le monde au féminin
Presses de l’Université du Québec Édifice Fleurie, 480, rue de la Chapelle bureau F015, Québec (Québec) G1K 0B6 Téléphone : 418 657-4399 – Télécopieur : 418 657-2096 Courriel : puq@puq.ca – Internet : www.puq.ca


Diffusion / Distribution :
C anada
Prologue inc., 1650, boulevard Lionel-Bertrand

Boisbriand (Québec) J7H 1N7 – Tél. : 450 434-0306 / 1 800 363-2864
F rance et
Sofédis, 11, rue Soufflot
B elgiqüe
75005 Paris, France – Tél. : 01 53 10 25 25

Sodis, 128, avenue du Maréchal de Lattre de Tassigny 77403 Lagny, France – Tél. : 0160078299
S uisse
Servidis SA, chemin des Chalets 7 1279 Chavannes-de-Bogis, Suisse – Tél. : 022960.95.25


La Loi sur le droit d’auteur interdit la reproduction des oeuvres sans autorisation des titulaires de droits. Or, la photocopie non autorisée — le « photocopillage » — s’est généralisée, provoquant une baisse des ventes de livres et compromettant la rédaction et la production de nouveaux ouvrages par des professionnels. L’objet du logo apparaissant ci-contre est d’alerter le lecteur sur la menace que représente pour l’avenir de l’écrit le développement massif du « photocopillage ».
Habiter le monde au féminin
Entre récits et phénoménologie


Sous la direction de
Florence Vinit et Christian Thiboutot
Catalogage avant publication de Bibliothèque et Archives nationales du Québec et Bibliothèque et Archives Canada
Titre : Habiter le monde au féminin : entre récits et phénoménologie / sous la direction de Florence Vinit et Christian Thiboutot.
Noms : Vinit, Florence, éditeur intellectuel. | Thiboutot, Christian, éditeur intellectuel.
Description : Comprend des références bibliographiques.
Identifiants : Canadiana (livre imprimé) 2022001664X | Canadiana (livre numérique) 20220016658 | ISBN 9782760557796 | ISBN 9782760557802 (PDF) |
ISBN 9782760557819 (EPUB)
Vedettes-matière : RVM : Femmes—Psychologie. | RVM : Femmes—Physiologie. |
RVM : Corps humain—Aspect psychologique. | RVM : Corps humain—Aspect social. |
RVM : Phénoménologie.
Classification : LCC HQ1208.H33 2022 | CDD 305.42—dc23


Révision
Virginie Chaloux-Gendron
Correction d’épreuves
Annik Chainey
Conception graphique
Julie Rivard
Mise en page
Sabrina Cayer
Images de couverture
iStock
Dépôt légal : 4 e trimestre 2022
› Bibliothèque et Archives nationales du Québec
› Bibliothèque et Archives Canada
© 2022 – Presses de l’Université du Québec
Tous droits de reproduction, de traduction et d’adaptation réservés
D5779-1 [01]
Remerciements

Ce projet collectif n’aurait pu avoir lieu sans l’apport de plusieurs personnes précieuses. Nous tenons à remercier particulièrement :
Toutes les auteures et tous les auteurs qui nous ont fait confiance et ont répondu avec enthousiasme à cet appel de textes.
Nos éditrices des Presses de l’Université du Québec (PUQ) pour l’accueil qui a été fait à cet ouvrage collectif.
Lyane Kunicek pour son engagement, sa générosité et la grande précision de son travail d’édition et de relecture. Sa patience a été essentielle dans l’aboutissement de ce livre.
Le Département de psychologie de l’Université du Québec à Montréal et notamment son directeur, Marc-Simon Drouin, qui a cru en ce projet et nous a soutenus pour le mener à bien.
Annie Ernaux pour son inspiration littéraire et sa capacité à décrire le vécu des femmes bien avant qu’il ne devienne un thème populaire.
La ballado La Poudre dont l’écoute a accompagné les mois de travail entourant cet ouvrage.
Liste des sigles et acronymes

Ipa
Analyse phénoménologique interprétative
Pma
Procréation médicalement assistée
Rsn
Réseaux socionumériques
#And
#AgressionNonDénoncée
Introduction

Nous avons coutume de penser le corps féminin à travers les grands passages de l’existence que peuvent être la petite enfance, les menstruations, la première relation sexuelle, la maternité ou encore la ménopause. Or au-delà de ces moments charnières, la corporéité se révèle dans les petits gestes qui ponctuent la vie de tous les jours (Froidevaux-Metterie, 2020). Lorsque nous rions, parlons, choisissons un foulard ou entrons en contact avec un ami, le corps n’est pas un objet extérieur à l’action quotidienne mais le moyen vibrant de sa réalisation. Simone de Beauvoir (1949) l’a reconnu en écrivant Le Deuxième Sexe : « le corps étant l’instrument de notre prise sur le monde, le monde se présente tout autrement selon qu’il est appréhendé d’une manière ou d’une autre » (p. 70). En choisissant de penser le corps comme situation et non comme chose (Garraude, 2018), de Beauvoir fait de l’être au monde un dévoilement singulier, foisonnant de possibles, au cœur d’une condition humaine résolument incarnée. Non seulement la penseuse reprend l’invitation, phénoménologique avant l’heure, de Michel de Montaigne à décrire les détails de son quotidien de femme, mais elle lui donne une dimension d’emblée herméneutique. Avoir ses règles, s’asseoir, vieillir, chercher son plaisir, mais aussi prendre la parole sont autant de moments appelant à la description : pour en décliner les différentes variations, mais aussi pour en révéler les couches d’influence et de signification.
Simone de Beauvoir se fait aussi l’héritière de La crise des sciences européennes et la phénoménologie transcendantale (1989) dans laquelle Husserl refusait tout autant la dérive d’une langue philosophique abstraite que la sècheresse du scientisme, tous deux muettes devant les défis posés par la vie humaine. En rappelant la complexité de ce qui est vécu (et les différentes perspectives qu’une situation peut prendre pour nous), la philosophe nous met en garde contre la tentation d’un point de vue abouti et universel sur l’énigme de notre existence. Elle nous ramène au mystère d’une vie incarnée, mais aussi à la façon dont un geste apparemment banal s’inscrit dans une filiation historique et culturelle tout en en traduisant les tensions et rapports de forces.
Annie Ernaux (2000), dans le roman intitulé L’Évènement, où elle relate pas à pas les différentes étapes de son avortement clandestin, offre une illustration poignante de cette intrication de l’intime et du politique dans la manière de considérer le corps. Au petit matin, sur le lit d’hôpital où elle a été emmenée en urgence, l’infirmière l’apostrophe : « pourquoi vous n’avez pas dit au docteur que vous étiez comme lui ? Après quelques secondes d’hésitation, j’ai compris ce qu’elle voulait dire : de son monde à lui » (p. 111), comme si le fait de lui avoir révélé qu’elle faisait des études aurait pu modifier la manière dont il l’a traitée. La narratrice prend conscience en effet que l’interne n’avait pas honte de sa réaction violente de la veille, « il avait honte d’avoir, parce qu’il ne savait rien [d’elle], traité une étudiante de la fac de lettres comme une ouvrière du textile ou une vendeuse de Monoprix » (p. 110).
L’entreprise de l’écrivaine, avant-gardiste au regard du mouvement actuel souhaitant donner une voix au récit des expériences vécues par des femmes, se fait politique : rester au plus près de l’« évènement » en révèle paradoxalement tout l’arrière-plan social et relationnel. Cette description phénoménologique de l’interruption de grossesse témoigne avec intensité de la violence subie par la narratrice. Elle explicite aussi l’invisible, le tu, l’interdit pour mieux s’approprier les conditions de son expérience mais aussi pour la dénoncer. Décrire devient ici une manière de refuser de subir.
La tâche phénoménologique, lorsqu’elle cherche à décrire et à faire récit du féminin, nous semble une invitation à prendre au sérieux notre existence, pour reprendre les mots de Merleau-Ponty, comme une nouvelle forme que le monde a de se dire. Nous pourrions rajouter de s’éprouver. Le corps a souvent été décrit par les philosophes comme une sentinelle silencieuse s’effaçant derrière nos projets, seules la maladie ou la douleur semblant le rappeler cruellement à notre expérience. Or, s’intéresser à la corporéité des femmes, de celles qui ont été assignées dans ce genre à la naissance ou de celles qui se revendiquent comme telles, montre toute autre chose. L’hypervigilance tend le corps de celle qui a été violée et ne parvient plus à marcher sereinement dans un lieu public ; la restriction alimentaire s’impose chez la jeune mère qui cherche à retrouver son corps d’avant la grossesse ; le sentiment d’obligation s’immisce chez l’épouse qui accepte un rapport sexuel parce qu’au bout d’un moment « il faut bien le faire ». L’inquiétude étreint celle qui marche dans la ville et anticipe ne pas trouver de toilettes publiques ou celle qui a peur de tacher ses vêtements par un sang menstruel venu trop en avance. Présence restreinte, tonitruante, gelée mais jamais muette, ce mystère qu’on désigne par le « corps » s’immisce constamment dans les interstices du quotidien. Et parce que les femmes, historiquement, ont longtemps été désignées par leur corps (beau, sensuel, dangereux, érotique ou souillé), la manière de vivre le nôtre aujourd’hui dépasse notre seule existence. Le corps de l’adolescente qui a ses premières règles renvoie à celui des sorcières du Moyen Âge autant qu’aux mythes, histoires et préjugés dont le sang menstruel a été entouré depuis des siècles.
Nous revient ici l’exemple d’un jeune client en thérapie avec l’un des auteurs de ce texte. En questionnement sur son identité de genre, il nous confiait avec émotion le plaisir trouvé dans notre bureau, à parler en ayant les jambes croisées, une posture jugée trop féminine, qu’il ne s’autorisait pas dans le reste de ses interactions sociales. Marion Iris Young (1990) aurait aimé cette confidence, elle qui a montré combien l’éducation des filles modelait chez elles une posture inhibée, à la fois dans la mise en œuvre de leurs muscles et de l’habitation du corps dans l’espace. À travers son analyse du lancer de balle, c’est toute la place faite aux femmes qui était mise à jour.
La phénoménologie appelle ainsi à

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