L Amour du corps
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L'Amour du corps , livre ebook

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Description

Support de tous les fantasmes, cible principale du commerce et de la publicité, le corps représente peut-être plus que la parole les mouvements et la pensée de l’individu. L’obsession de l’image de soi, la souffrance et le handicap, le regard des autres, la difficulté à trouver la jouissance, la recherche de la perfection, la violence : toutes ces situations sont ici explorées avec la finesse de l’analyste. Médecin et psychiatre de formation, entré à l’École freudienne de Paris en 1967 et proche de Jacques Lacan, Francis Hofstein est psychanalyste.

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 20 mars 2005
Nombre de lectures 0
EAN13 9782738187994
Langue Français
Poids de l'ouvrage 1 Mo

Informations légales : prix de location à la page 0,1000€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

© Odile Jacob, janvier 2005
15, rue Soufflot, 75005 Paris
www.odilejacob.fr
EAN : 978-2-7381-8799-4
Le code de la propriété intellectuelle n'autorisant, aux termes de l'article L. 122-5 et 3 a, d'une part, que les « copies ou reproductions strictement réservées à l'usage du copiste et non destinées à une utilisation collective » et, d'autre part, que les analyses et les courtes citations dans un but d'exemple et d'illustration, « toute représentation ou réproduction intégrale ou partielle faite sans le consentement de l'auteur ou de ses ayants droit ou ayants cause est illicite » (art. L. 122-4). Cette représentation ou reproduction donc une contrefaçon sanctionnée par les articles L. 335-2 et suivants du Code de la propriété intellectuelle.
Ce document numérique a été réalisé par Nord Compo
Teaching the lawyers and the doctors
A man ain’t nothing but his mind
Blind Willie Johnson (~ 1902-1949)
Présentation

Les psychanalystes, quand ils parlent et quand ils écrivent, sont face à un dilemme. Il est simple à résoudre lorsqu’ils s’adressent à leurs pairs, supposés parler le même langage, mais il est à peu près insoluble lorsqu’ils visent un autre public.
Les psychanalystes, cependant, ne choisissent pas leurs patients. Ils arrivent de tous bords, de tous horizons, et leur parole va du discours savant, informé, au balbutiement à la limite de l’intelligible que leur souffrance leur impose. Dans le fauteuil, derrière ou en face d’eux, ce n’est facile ni de garder le silence ni de dire, tandis que l’interprétation ne se délivre pas en fonction du niveau culturel de l’analysant, mais en fonction de ce qui surgit dans sa parole et impose intervention, irruption, à un analyste qui a moins à se soucier d’être compris que d’être entendu.
Lacan, dont l’enseignement était ouvert à tous, et qui avait accepté une émission de télévision 1 , répond au dilemme et à son paradoxe en expliquant : un, que « l’errement consiste en cette idée de parler pour que des idiots me comprennent » ; deux, qu’« il n’y a pas de différence entre la télévision et le public devant lequel je parle depuis longtemps, ce qu’on appelle mon séminaire » ; trois, qu’il parlait « à ceux qui s’y connaissent, aux non-idiots, à des analystes supposés » ; quatre, qu’il n’attendait « rien de plus des analystes supposés que d’être cet objet grâce à quoi ce que j’enseigne n’est pas une auto-analyse » ; cinq, qu’il ne leur parlait pas, mais parlait d’eux, « ne serait-ce que pour les troubler ».
Ainsi, toute révérence gardée, aurais-je pu répondre à chacun de ceux, ami et éditeur, qui m’ont demandé à qui j’adressais ce que j’avais écrit. Écrire m’est une façon de me retrouver, de ne pas laisser en friche les questions qui me traversent et de retourner aux sources de mon savoir, personnel, propre, et théorique, institué. C’est ensuite, quand cela prend du volume et de l’importance que me vient l’envie du partage, de l’échange, de la réponse, du débat.
Je ne les attends de personne en particulier et rien ne les garantit. À l’imprévisible de chaque analyse répond l’imprévisible des retours de lecture, tandis que la pratique de l’analyse rend difficile, sinon impossible, la définition du lecteur idéal.
En réalité, il y a peu d’idiots et beaucoup de lecteurs potentiels qui ont peur de ne pas comprendre un essai de psychanalyse ou hésitent comme devant l’entrée d’un sanctuaire. Le savoir analytique à la fois les attire et les repousse : peut-on, alors que Freud interdisait à ses patients toute lecture théorique et alors qu’on n’est pas soi-même en analyse, intégrer le cercle des initiés et accéder à la connaissance psychanalytique ? N’y court-on pas le risque que ce savoir morde sur soi, touche, change, modifie la pensée, le comportement, le corps ? À notre insu de surcroît, sans qu’on soit sûr de garder la maîtrise ?
Certes. Car à quoi servirait une psychanalyse si elle n’était qu’un cautère sur une jambe de bois ? Et pourquoi écrire si on n’a pas l’ambition, même infime, de susciter une ouverture, un déplacement, une question ? L’analyste ne demande rien. Il ouvre un espace-temps et il attend avec d’autant plus de tranquillité que l’autre est venu le trouver. Mais, quand il écrit, c’est lui qui demande et c’est là qu’il est dans l’embarras.
Car comment rendre dans l’écriture le cours fluctuant de l’analyse, cette curieuse affaire entre un psychanalyste, un psychanalysant et un discours qui ne serait pas du semblant ? Comment faire entendre que l’analyse, comme le dit une analysante à la veille de mettre un terme à son travail, que « l’analyse, au fond, c’est la vie » ?
Si la confrontation à l’autre est une nécessité pour l’analyste, et il a pour cela les groupes de travail, les cartels, les colloques, les congrès et les associations d’analystes, écrire ne l’est pas. Page blanche ou écran vide ne renvoie qu’à soi, et l’analyste n’est pas obligé de recourir à l’écriture pour réfléchir sa pratique. S’il y recourt, il n’est pas obligé de publier, c’est-à-dire de se poser la question de l’adresse, autant celle de l’habileté à lier ensemble savoir théorique, expérience pratique et écriture, que celle du destinataire, réel et imaginaire. Et s’il publie, peut-il partir d’un autre matériau que celui qui constitue le quotidien de son écoute et de son regard ?
Le discours analysant passe d’un instant à l’autre de la banalité la plus plate à l’élaboration la plus aiguë, de la résistance et de la défense les plus acharnées à la fulgurance du lapsus et à la stupéfaction de la découverte attendue. L’analyste tient ces extrêmes ensemble et passe comme ceux qu’il reçoit de l’ordinaire de la vie à la sophistication de la théorie. Ainsi fait-il son travail. À sa manière. Dans son style et dans une jouissance à laquelle, si l’on écoute Paul Celan 2 , l’écriture, qui l’altère, fait la loi.
L’écriture part de l’homme, de son histoire, de son angoisse, de son corps. Elle se greffe sur une lecture, un mot ou une phrase, la remarque d’un ami, un incident de rue, une impatience devant ce qui se dérobe et refuse une avancée, une solution, la butée sur un symptôme qui ne prend pas sens, qu’on y touche ou non. Mais l’écriture n’est pas la parole et son temps comme son espace manque d’autre, cet autre qui permet d’échapper à l’auto-analyse et oblige à éclairer le discours alors même qu’on écrit de la place de l’analysant.
C’est un choix, qui déplace la rigueur de la forme vers le fond. C’est un pari, qui institue chaque lecteur en sujet supposé savoir. Et c’est une gageure que de s’adresser du même pas, de la même écriture aux psychanalystes et à tout le monde, en cheminant sur une ligne de crête où ne rien céder sur son désir d’analyste tient du respect de l’autre, ce lecteur qu’on voudrait interlocuteur.
Mais pourquoi le corps, là, aujourd’hui, alors qu’en son office, il est bien plus représentation, parole que geste et action, sinon parce qu’il y trouve ou retrouve un statut et cesse d’être cette absence que sa présence hurlante et mutique masque au quotidien ? À l’image de cette jeune femme qui, le soleil revenu avec l’été, quittait avant chaque séance le décolleté et la minijupe qu’elle remettait à la sortie, jusqu’au jour où elle oublia, en fit l’aveu, s’économisa le transport tri-hebdomadaire d’un lourd sac de vêtements, et se mit à prendre la vie comme elle venait, à l’image de l’analyste, dit-elle, à qui elle ne demanda jamais s’il s’était aperçu de son manège.

1 - Jacques Lacan, Télévision , Seuil, 1973, p. 9-10 (repris dans Autres Écrits , Seuil, 2001, p. 509-510).

2 - Paul Celan, Le Méridien , in Le Méridien & autres proses , Seuil, 2002.
Prologue

Installé dans son fauteuil, un psychanalyste écoute et entend. Les bruits du monde se feutrent, s’amortissent à son abord et font place à l’unique, au singulier de chacun de ceux qui franchissent son seuil, et, le temps d’une séance, le temps d’une psychanalyse, s’installent dans son lieu. Là, le psychanalyste fait lien, un lien qui sépare et unit en même temps le dehors et le dedans, le public et le privé, l’intime et l’affiché, le conscient et l’inconscient, le signifié et le signifiant. Sa passivité est aussi apparente que grande consommatrice d’énergie et son attention, aussi flottante soit-elle, exige une présence qui, nécessaire à l’instauration puis au déroulement de la cure, n’est pas demande mais désir. L’analyste matérialise ainsi ce lieu autre où, d’un Autre à l’autre, s’interrogent en liberté ceux qui se sont risqués à chercher en analyse une destination à leur souffrance.
L’analysant n’est pas que parole. Il a un corps qu’il assied ou allonge et dont il est impossible de faire abstraction, même quand il n’est pas le support, l’interprète ou la victime des difficultés et des problèmes de son habitant. Avec le symptôme hystérique et le trouble obsessionnel, le psychanalyste est à son affaire. Entre ses connaissances théoriques et son expérience pratique d’une part, les éléments biographiques et les histoires que lui confie son analysant d’autre part, l’analyste a creusé ce savoir singulier et spécifique, propre à chaque patient, qui, dans le silence éloquent ou l’interprétation sidérante, met l’analysant face à lui-même. Et l’oblige, sinon à changer, au moins à entendre, à porter un regard sur lui et sur son corps. À tenter de distinguer ce qu’il tient de sa généalogie de ce qu’il doit à son éducation, à son environnement et au poids des contraintes sociales.
Mais comment porter un regard sur le corps quand son exhibitionnisme constant en fait disparaître l’exhibition ? Quand il n’est plus montré mais partout visible et sans cesse en vue ? Le corps, notamment féminin et plus ou moins déshabillé, est proposé à une jouissance permanente dont on ne tire plus plaisir, et son image omniprésente saccage les rêves et cadre, bride l’imagination. Le but de l’imagerie véhiculée et imposée par les magazines, la publicité, la télévision et les entreprises n’est pas de stimuler l’invention, mais de promouvoi

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