L'EXCLUSION SOCIALE

Jérémy Fouliard

Description

Mouvement antiraciste, mouvement féministe ou mouvement des Gilets jaunes : les luttes politiques contemporaines expriment la généralisation du sentiment d’exclusion sociale, sentiment de privation de l’accès aux sphères légitimes de l’espace social. Si le sentiment d’exclusion sociale traduit une nouvelle manière de formuler la question sociale, c’est-à-dire la question qui interroge la cohésion de la société, cette notion est encore mal définie alors même qu’elle est pourtant devenue un objectif de politiques publiques. Face aux deux projets nationaliste et néolibéral qui orientent aujourd’hui les horizons politiques, cet ouvrage propose de redéfinir et de rendre compte de l’émergence de l’exclusion sociale. Par là même, il pose les premières briques d’un renouveau politique.

Informations

• Publié par: Studyrama Editions
• Date de parution: 01 janvier 2022
• Nombre de lectures: 5
• EAN13: 9782749552255
• Langue: Français
• Poids de l'ouvrage: 3 Mo

Extrait

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L’exclusion sociale Reconstruire les communs

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L’exclusion sociale

Reconstruire les communs

Jérémy Fouliard

Administrateur de l’INSEE, chercheur associé à la London Business School

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Édition : Myriam Pasek Design et mise en page : Alain Béthune Relecture : Gabriel Casajus et Marie-Noëlle Garnier

© Bréal, mars 2022 Toute reproduction même partielle interdite ISBN : 978 2 7495 5225 5

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AVANT-PROPOS

« Ce que l’on attend de Dieu, on ne l’obtient jamais que de la société qui seule a le pouvoir de consacrer, d’arracher à la acticité, à la contingence, à l’absurdité ; mais – et c’est là sans doute l’antinomie ondamentale – seulement de manière diférentielle, distinctive : tout sacré a son complémentaire proane, toute diction produit sa vulgarité et la concurrence pour l’existence sociale connue et reconnue, qui arrache à l’insigniiance, est une lutte à mort pour la vie et la mort symbolique. “Citer, disent les Kabyles, c’est ressusciter.” Le jugement des autres est le jugement dernier ; et l’exclusion sociale la orme concrète de l’ener et de la damnation. » Pierre Bourdieu,Leçon sur la Leçon, Éditions de Minuit, 1982, p. 52.

« La France ne reconnaît pas les communautés mais nous traite comme telles. Quand les gens sont boycottés, orcément, ils se lassent. Quand on met les gens de côté, orcément, ils s’éloignent. » Youssoupha, « Entourage »,Négriude, 2015.

« […] à tous les désenchantés silencieux, mais qui, à cause de quelque revers, ne sont pas devenus pour autant inactis. Ils sont sur le pont. Fermes devant la meute rageuse des tricheurs, au- dessus du vide et proches de la terre commune, ils voient le dernier et signalent le premier rayon. Quelque chose qui régna, léchit, dis- parut, réapparaissant devrait servir la vie : notre vie des moissons et des déserts, et ce qui la montre le mieux en son avoir illimité. On ne peut devenir ou dans une époque orcenée bien qu’on puisse être brûlé vi par un eu dont on est l’égal. Certains jours il ne aut pas craindre de nommer les choses impos- sibles à décrire. » René Char, « Pauvreté et Privilège »,Recherche de la base e du somme, NRF Gallimard, 1954.

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Ce livre a pris, depuis près de six ans, une place particulière dans ma propre vie. Il commence au moment où, tout juste arrivé à Paris, j’entre à l’École normale supérieure. Dans le cadre d’un premier travail ethnographique, je décide de comprendre l’existence des sans- domicile. Je veux étudier l’exclusion, comprendre s’il est possible que des individus vivent totalement séparés du reste de la société. Les sans-domicile que j’ai eu la chance de connaître pendant plus d’un an et demi paraissent de prime abord typiquement exclus : ils vivent sous le pont du périphérique parisien, ils n’ont pas d’emploi, sont des immigrés polonais et ne bénéicient d’aucun lien social avec le reste de la population parisienne. Il aurait été néaste pour mon projet d’étude de découvrir leur quotidien à travers la position de l’ethnographe, position qui n’aurait ait que renorcer à mes yeux les diférentes ormes de relégation qu’ils subissent. Pour contourner ce biais, je décide de me aire passer pour un jeune géographe, employé par la mairie de Paris, dont l’objecti est d’étudier les conséquences de la présence du périphérique parisien sur la vie des habitants, ce qui a l’avantage de justiier la présence de mon carnet. Je commence par m’asseoir près d’eux sous le pont du périphérique, plusieurs heures par jour. Au bout de trois semaines, Jakub est venu me demander l’heure. Au ur et à mesure des mois, je découvre qu’Aleksander, Jakub, Stean et les autres entretiennent des contacts réguliers avec les salariés d’une grande entreprise qui passent chaque jour sous le pont où ils vivent. Chaque jour ces salariés discutent, rient avec eux, leur donnent des cigarettes et de l’argent. Pourtant, quand un sans- domicile outrepasse son rôle et va demander une cigarette sur le parvis de l’entreprise, les salariés appellent généralement la sécurité. Ce que je comprenais ici, c’est la réalité du processus d’exclusion. L’exclusion n’est pas une séparation hermétique avec le reste de la société. Elle est un processus d’assignation à une position illégitime au sein de l’espace social. Être exclu, c’est être cantonné sous le pont, à la position du « sans-domicile ».

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Après un premier mémoire d’étude, je m’aperçois que cette re- déinition de l’exclusion sociale permet de comprendre diférentes ormes de relégation que subissent les individus au sein de l’espace social. Vient un premier ouvrage à destination du public scolaire. Près de quatre ans après ce travail ethnographique, Myriam Pasek me pro- pose ce nouveau projet. Je travaille alors à Londres et ai quitté Paris quelques années auparavant pour les États-Unis. Je n’ai jamais eu la orce de dire adieu à Aleksander, Jakub et Stean. Mes premiers remerciements vont à Myriam Pasek sans qui ce pro- jet n’aurait jamais abouti et dont l’écoute, la patience, l’enthousiasme et la inesse ont accompagné mes rélexions. Je remercie Gabriel Casajus pour sa relecture attentive, érudite et précise, ainsi que toute l’équipe de Bréal/Studyrama qui a permis à ce projet de voir le jour. Je remercie Éric Keslassy de m’avoir ait coniance pour mener ce projet et tiens à lui témoigner toute ma reconnaissance. Ces remerciements vont également à Hélène Rey, la plus grande économiste vivante que je connaisse, et qui ne cesse d’être, pour moi, un modèle de cher- cheuse, de proesseure mais aussi d’humanité. Je remercie Nicolas Duvoux pour m’avoir éclairé de ses précieux conseils bibliographiques et dont les travaux sur la pauvreté ont contribué à préciser ma pensée. Je remercie Geofroy de Lagasnerie d’avoir accepté de discuter de l’usage de la orce par les services de police et dont l’ensemble des travaux est toujours une source d’ins- piration. Je remercie Dominique Méda d’avoir partagé sa vision sur les réormes relatives aux dispositis de lutte contre la pauvreté et contre l’exclusion. Je remercie Dominique Schnapper pour ses pré- cieux conseils sur le plan et l’architecture conceptuelle de cet ou- vrage. Enin je remercie tout particulièrement Olivier Schwartz pour ses remarques bienveillantes et lumineuses portant sur la redéinition conceptuelle de l’exclusion et le propos général de l’ouvrage. Ce ut un grand honneur de m’entretenir avec des interlocuteurs de si grande qualité.

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Je remercie toutes les institutions au sein desquelles j’ai eu ou j’ai l’honneur d’évoluer et qui m’ont donné la possibilité de mener mes travaux de recherche, même s’ils ne concernaient pas la question de l’exclusion. Je pense à la Banque des règlements internationaux, l’École normale supérieure (Paris-Saclay), l’INSEE, la London Business School et l’Université de Berkeley. Les rélexions qui suivent ont été menées à titre personnel et n’engagent aucune de ces institutions. Je remercie toutes celles et ceux avec qui j’ai eu l’honneur de m’en- tretenir et sans qui cet ouvrage ne serait pas grand-chose, Louise Barbier, Adrien Bay, Marie-Anne Bechereau, Anne-Cécile Broutelle, Sabine Collardey, Louis Lapeyrie et Éléonore Richard. Je remercie Élise Delavaud pour m’avoir donné le courage de com- mencer ce travail ethnographique. Je n’oublie pas que, sans elle, rien de tout cela n’aurait été possible. Je remercie du ond du cœur ma amille et mes proches qui m’ont soutenu pendant toutes ces années. Je pense à ma grand-mère, ma tante et ma mère, au courage dont elles ont dû aire preuve pour aire ace à toutes les ormes de reléga- tion, et qui sont des modèles. Je pense enin à Aleksander, Jakub, Stean et à toutes celles et tous ceux qui se sont, un jour, senti·e·s. exclu·e·s. Cet ouvrage leur est dédié.

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SOMMAIRE

Introduction – La pensée de l’exclusion : de l’imprécision conceptuelle au renouveau politique..................................... 9 Quel est ce nouvel âge du social ?........................................................................... 12 Le paupérisme comme question sociale................................................................ 15 L’exclusion ou la nouvelle question sociale ........................................................... 18 Nouvelle question sociale et crises de l’État-providence .................................... 20 Penser la transormation : l’exclusion comme renouveau politique .................. 22

Partie I Qu’est-ce que l’exclusion sociale?

Chapitre 1 – La reconquête d’une notion................................................................. 27 Existe-t-il des individus «hors de la société»? ..................................................... 28 L’exclusion comme concept binaire ....................................................................... 32 Quelles conséquences politiques? La condamnation naturaliste....................... 34 Quelles conséquences politiques? L’avènement des politiques d’insertion ...... 36 L’analyse de Simmel ou la reconquête d’une notion............................................. 37 Sortir de la binarité : l’exclusion comme processus.............................................. 41 Par où commence l’exclusion ? ............................................................................... 42

Une époque ormidable? Paradoxe de l’exclusion................................................ 44

Chapitre 2 – Figures de l’exclusion............................................................................ 47 Écouter les exclus .................................................................................................... 48 L’expérience de l’intérim ......................................................................................... 54 Stigmate spatial et exclusion sociale...................................................................... 56 Exclusion et ethnicité .............................................................................................. 64 Le genre de l’exclusion ............................................................................................ 69 Massiication scolaire et exclusion sociale ............................................................ 72 Difusion généralisée : l’exclusion comme un risque ............................................ 76

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Partie II Comment rendre compte du processus d’exclusion sociale?

Chapitre 1 – La transormation d’un mode d’intégration sociale........................ 81 De la communauté à la société ............................................................................... 81 La construction d’une légitimité............................................................................. 86 Marché du travail, marchés des biens et État-providence.................................... 91 Intégration sociale et conjoncture économique ................................................... 97

Chapitre 2 – Un autre monde économique et social?........................................... 101 Un retournement de la conjoncture économique............................................... 101 Un changement durable? ..................................................................................... 103 Marché du travail et naissance de l’exclusion...................................................... 104 Marché des biens et naissance de l’exclusion...................................................... 107 La crise de l’État-providence ................................................................................ 110 La in de l’emploi .................................................................................................... 112 Marché des biens, inégalités et retrait de l’État-providence .............................. 117

Chapitre 3 – Individualisme, société néolibérale et exclusion........................... 121 Une société des individus ..................................................................................... 126 L’émancipation politique ...................................................................................... 129 L’émancipation religieuse...................................................................................... 132 L’émancipation amiliale ....................................................................................... 134 L’émancipation des appartenances sociales ....................................................... 135 Individualisme, société néolibérale et exclusion ................................................ 138 Société néolibérale, aillite du modèle républicain ............................................ 144

Conclusion – La lutte contre l’exclusion, l’art de la révolte et la reconstruction des communs.................................................................... 149 L’art de la révolte : irruption du collecti et usage de la compréhension........... 149 Bilan de l’ofre politique en 2022 : l’impasse Macron/Zemmour à l’aune de l’exclusion ................................................................................................... 153 Comment mettre in à l’exclusion sociale ?.......................................................... 155

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