LA Jeune fille qui venait d ailleurs
113 pages
Français

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LA Jeune fille qui venait d'ailleurs , livre ebook

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Description

Née dans un pays en guerre, une jeune enfant assiste aux déchirements de son foyer jusqu’au jour où un bateau les éloigne de leur terre natale. Ce déracinement ne met pourtant pas fin à leurs problèmes – loin s’en faut. Commence alors une série d’expériences qui obligeront Ryma à se construire une nouvelle identité. L’enfant, peu à peu, se transforme en une jeune femme en quête d’épanouissement, entre féminisme et tradition, adaptation et repli, émancipation et nostalgie. Elle découvre que sa famille, aussi imparfaite soit-elle, n’est peut-être pas la pire des familles et que, derrière les remontrances et l’apparente dureté, parfois, c’est un océan d’amour qui bouillonne.
Plein d’humour, de tendresse et d’émotions, ce récit saura vous transporter dans l’univers particulier, mais si universel, du passage de l’enfance à l’âge adulte – cette période qui n’est encore que le prélude à l’âge de la sagesse.
Le passant suivant, approché par ma mère, nous avait crié que nous étions malpolies. Plusieurs tentatives plus tard, j’avais perdu tout espoir. Quand on me regardait en rigolant, j’étais persuadée qu’on se moquait de moi. Chaque fois que des gens nous remontraient une crotte de chien, ma mère fulminait davantage. Certains désignaient des crottes de chien en prononçant « caca », puis me pointaient du doigt. On me traitait de merde de chien!
La mésaventure connut son apothéose quand ma mère explosa de colère et invectiva des passants en arabe : « Bande de racistes! Vous n’êtes que des monstres! Des barbares! Des chiens comme vos merdes de chiens! Ma fille vaut mille Français et vos merdes, un jour, je vous les ferai manger! »
Ma mère avait crié tout en me serrant la main comme si elle voulait proclamer à l’univers : « Vous ne réussirez pas à faire du mal à ma fille. Je la protège et je vous crache à la figure! »

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 21 août 2019
Nombre de lectures 0
EAN13 9782764438718
Langue Français
Poids de l'ouvrage 2 Mo

Informations légales : prix de location à la page 0,0550€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

Projet dirigé par Éric St-Pierre, éditeur

Conception graphique et mise en pages : Nathalie Caron
Révision linguistique : Sophie Sainte-Marie
En couverture : Photomontage à partir de l’oeuvre de Maria Raz / shutterstock.com
Conversion en ePub : Marylène Plante-Germain

Québec Amérique
7240, rue Saint-Hubert
Montréal (Québec) Canada H2R 2N1
Téléphone : 514 499-3000, télécopieur : 514 499-3010

Nous reconnaissons l’aide financière du gouvernement du Canada.
Nous remercions le Conseil des arts du Canada de son soutien. We acknowledge the support of the Canada Council for the Arts.
Nous tenons également à remercier la SODEC pour son appui financier. Gouvernement du Québec – Programme de crédit d’impôt pour l’édition de livres – Gestion SODEC.


Catalogage avant publication de Bibliothèque et Archives nationales du Québec et Bibliothèque et Archives Canada

Titre : La jeune fille qui venait d’ailleurs / Myrna Chahine.
Noms : Chahine, Myrna, auteur.
Collections : Collection Littérature d’Amérique.
Description : Mention de collection : Littérature d’Amérique
Identifiants : Canadiana 20190021373 | ISBN 9782764438695
Classification : LCC PS8605.H332 J48 2019 | CDD C843/.6—dc23
ISBN 978-2-7644-3870-1 (PDF)
ISBN 978-2-7644-3871-8 (ePub)

Dépôt légal, Bibliothèque et Archives nationales du Québec, 2019
Dépôt légal, Bibliothèque et Archives du Canada, 2019

Tous droits de traduction, de reproduction et d’adaptation réservés

© Éditions Québec Amérique inc., 2019.
quebec-amerique.com




À ma mère, avec amour et reconnaissance


Prologue
Montréal, aujourd’hui
Je pensais que c’était terminé. Cependant, les eaux se sont agitées encore et des vagues de réfugiés nouveaux ont déferlé sur l’Occident.
En synchronie avec cette marée, l’écume d’anciens jours a rejailli en torrent, m’obligeant à sortir d’une amnésie temporairement salutaire. Ces souvenirs, entremêlés de cauchemars et de périodes d’hébétude, attendaient le moment opportun pour être assumés.
Je me suis alors souvenue de la guerre et j’ai entendu les bombes. Je me suis rappelé la fuite, la peur, la longue adaptation. La lutte pour la survie.


Première partie
Déracinement (Liban, hiver 1984)


Chassés de chez soi
Les bombardements s’intensifiaient dans notre quartier de Beyrouth et nous devions fuir. Comme le village de ma grand-mère maternelle venait d’être détruit, nous sommes partis nous réfugier dans le village paternel au sud du Liban. Nous possédions jadis une maison à cet endroit, mais nous ne pouvions plus y séjourner : elle était désormais occupée par les soldats. En effet, des hommes armés pro tégeaient notre village, tout en l’occupant. Ils nous rapportaient des biscuits au sésame au retour de leurs expéditions en Syrie. Puis, derrière les portes closes, chaque famille s’inquiétait du destin qui l’attendait. Avec les militaires, nous étions tout sourire, nous les logions et leur préparions des repas, mais, en même temps, nous les craignions.
C’est dans ces circonstances que nous avons été obligés d’habiter dans la maison de ma grand-mère paternelle, Angélique, en plein cœur du village.
Un après-midi, ma sœur Sana a commis l’erreur de marcher devant l’église du village, seule avec un garçon. Quelqu’un l’a vue. Le soir même, mes oncles, accompagnés d’autres hommes, ont investi la maison de ma grand-mère pour que mon père inflige une correction à sa fille. De cette façon, leurs propres filles se souviendraient de ne pas se comporter aussi honteusement. Tout le village racontait encore l’histoire de ma cousine Leila et chaque père craignait que sa fille ne le quitte.


Leila
Ma cousine Leila venait de fêter ses dix-sept ans. Elle était tombée follement amoureuse d’un homme du village voisin : Antoine. Il avait le double de son âge. Après quelques mois de fréquentations discrètes, ils ont convenus qu’Antoine irait demander la main de son amoureuse à son père, mon oncle Fez. La promesse s’était cependant déjà ébruitée. Le père de Leila, dont l’impulsivité était notoire, est allé chercher son fusil avec la ferme intention de donner une bonne leçon à Antoine. Comment ce dernier avait-il pu présumer que celui-ci accepterait de le recevoir chez lui alors qu’il avait eu l’outrecuidance de voir sa fille en cachette, sans son autorisation ?
Tandis que Leila était enfermée dans une pièce de la maison, Antoine, averti par ses amis de la chasse qui s’engageait, s’est réfugié avec leur aide dans le réservoir d’eau au-dessus de la maison de… mon oncle Fez ! Pendant trois jours et trois nuits, Fez a ameuté les hommes du village pour mettre la main sur le prétendant et venger l’injure. Les villageois ont cherché, et le père de Leila criait qu’il ne l’emporterait pas au paradis. Il invectivait furieusement le lâche qui avait déshonoré sa fille. Le village était sens dessus dessous. Les uns tentaient de calmer Fez, les autres voulaient l’assister dans son délire.
Entre-temps, avec la complicité de sa mère, Leila et Antoine se sont enfuis du village durant la nuit pour aller se marier en cachette dans un autre village.
Ce genre de mariage précipité n’était pas exceptionnel à l’époque pour les jeunes qui manquaient d’argent pour la cérémonie ou lorsque les circonstances honteuses l’exigeaient.
Leila a agi contre la volonté de son père. Elle a dérogé aux règles et est partie vivre avec la famille de son mari, à l’abri de toute menace de représailles.
À notre arrivée au village, on parlait encore de cette histoire qui venait de se conclure ; on les jugeait, on s’indignait. Tandis que certains plaignaient mon oncle pour son honneur bafoué, d’autres enviaient le courage des amoureux comme le bonheur que leur avenir promettait.


La violence de l’honneur
En attendant, ma sœur Sana n’avait nullement l’intention d’épouser qui que ce soit et, sur le parvis de l’église, elle ne faisait que vivre sa jeunesse. Mes oncles et les autres pères ne l’entendaient pas ainsi. Attroupés devant la maison de ma grand-mère, ils invectivaient mon père, le pressant d’agir :
— Nous ne voulons pas d’une autre Leila au village ! protestaient les hommes.
— Mais elle n’a que quinze ans, minimisait mon père.
— Leila n’en avait que dix-sept, s’énervaient-ils.
Mes parents ont tenté de les rasséréner, mais le ton a tellement monté que mon père a cédé à la pression. Il m’a alors demandé de lui apporter un balai de la salle de bain. Quand je suis revenue, il n’a pas tardé à battre ma sœur sur la terrasse qui donnait sur le chemin. Admirant la scène, les villageois ont déclaré que la vertu de leurs filles s’en trouvait mieux protégée. Ma mère a tenté de retenir mon père, puis de le calmer. J’ai hurlé autant que je le pouvais, suppliant mon père d’arrêter. Pourquoi avais-je accepté de lui apporter ce balai ? Je me sentais complice et idiote. Du haut de mes huit ans, je me faisais la promesse de les détester tous avec leurs regards satisfaits.
J’ai imploré ma mère d’arrêter ce supplice. Impuissante, elle s’est contentée de m’ordonner : « Recule. Il n’est plus lui-même depuis que tu lui as remis le balai. Tu es trop crédule. Apprends ta leçon. »
J’aurais voulu mourir. Ma sœur, mon idole, ma deuxième mère, était humiliée devant le regard prédateur des hommes du village. Comment mon père, si doux avec moi, pouvait-il devenir si violent ?
Ma mère n’en voulait pas à mon père. Elle savait qu’il avait dû se montrer fort devant les autres hommes. Elle sentait que son regard avait changé par rapport aux autres villageois, que ceux-ci ne représentaient plus des frères pour lui. D’ailleurs, ils ne trouveraient plus jamais grâce à ses yeux ni aux miens.
Quant à moi, c’était décidé : je donnerais ma virginité au premier venu pour qu’elle ne devienne jamais l’objet de quelqu’un d’autre, mais reste le mien.


Les souvenirs de guerre
Ma mère supportait mieux les bombes de Beyrouth que l’esprit étroit des villageois du sud, alors après cet épisode, nous sommes rapidement retournés en ville, malgré les dangers.
Les avantages les plus appréciables de la guerre étaient l’indulgence des adultes envers les petits enfants, les fréquentes fermetures des écoles et les plaisirs éphémères dans les moments difficiles.
Au sous-sol de l’immeuble où nous vivions à Beyrouth se trouvait notre abri pendant les bombardements : la chambre de la chaudière à mazout que nous partagions avec les voisins. Parfois, après plusieurs jours de réclusion souterraine, des accalmies nous permettaient de remonter pour constater les dégâts. Il fallait alors ramasser toutes les douilles qui jonchaient le sol, nettoyer les traces de brûlures quand c’était possible, remettre les sacs de sable devant les fenêtres et obturer avec des pellicules de plastique les trous causés par les obus. Je me souviens du découragement que j’éprouvais même quand ma mère se réjouissait que notre appartement du sixième ait encore été épargné . En effet, notre immeuble n’était pas, comme de nombreux autres, à moitié détruit par l’impact des balles, mais seulement parsemé de trous. Voyant notre découragement, elle essayait de nous motiver : « Ce n’est rien ! En une heure nous aurons tout ramassé ! »
Une heure libanaise… ce qui signifiait une bonne demi-journée ! Et nous nous mettions au travail. Pour ma part avec énormément de tristesse et de désolation. J’étais habitée par un sentiment de résignation grandissant.
Puis nous redescendions au refuge. De ce refuge obscur, je ne garde pas que de mauvais souvenirs. Les conflits sur mon alimentation cessaient avec ma mère parce qu’on ne pouvait rien y apprêter. Nous mangions surtout du pain avec du fromage, et souvent, ma mère le faisait fondre sur le petit réchaud de fortune que toutes les familles partageaient. Comme je détestais les plats cuisinés, c’était le bonheur !
Pour se désennuyer, quand il y avait de l’électri

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