La socialisation temporelle des apprentis
281 pages
Français

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La socialisation temporelle des apprentis , livre ebook

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Description

Que peuvent bien nous raconter les rapports aux temps des apprentis, ces jeunes qui, à l’issue de leur scolarité obligatoire, rejoignent le monde professionnel ? Et si cette population tellement connue en Suisse et pourtant si peu étudiée constituait un terreau immensément fertile pour comprendre nombre d’enjeux sociaux ? C’est en portant le regard sur la transformation des rapports des jeunes aux temps durant leur socialisation professionnelle initiale au sein de deux métiers différents, médiamaticiens et assistantes en soins et santé communautaire, que cet ouvrage explore les effets des inégalités en matière d’organisation du temps, interroge les nouvelles compétences temporelles enseignées aux apprentis ou encore effrite les stéréotypes présentistes fréquemment mobilisés pour dépeindre les jeunes. Enfin, et c’est probablement là le plus grand apport de ce livre, il est proposé de concevoir les différentes façons dont nous nous représentons le temps et le gérons comme autant de marqueurs que nous adressons constamment aux autres et à nous-mêmes pour affirmer nos appartenances à différentes catégories sociales et signifier la place que nous occupons dans le monde. Le temps n’est pas qu’une information qui tourne en boucle dans un cadran, il est aussi, et surtout, un langage social profondément passionnant à décrypter.

Sujets

Informations

Publié par
Nombre de lectures 0
EAN13 9782889304141
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,0165€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

C OLLECTION «  E THNOGRAPHIES »
Dans le prolongement des « Recherches et travaux de l’Institut d’ethnologie de Neuchâtel », la collection « Ethnographies » rassemble aujourd’hui les thèses de doctorat, essais et ouvrages thématiques de chercheuses et chercheurs issus de l’anthropologie et d’autres disciplines des sciences humaines et sociales. Elle se focalise sur les recherches qui fondent leur analyse des processus socioculturels sur des enquêtes qualitatives de longue durée en privilégiant l’observation participante (ou l’immersion), le décentrement et la réflexivité. La collection entend dynamiser et faire rayonner la démarche ethnographique en l’envisageant au-delà du seul cadre de l’anthropologie et en soulignant sa pertinence pour de multiples disciplines. De par son format et son style, « Ethnographies » s’adresse à un large public (acteurs du monde académique, mais aussi praticiens et professionnels des différents champs étudiés), soucieux de réfléchir à la complexité culturelle et sociale.
La collection est dirigée par Hervé Munz et encadrée par un comité scientifique représentant le monde romand de l’anthropologie et des sciences humaines et sociales.


© Éditions Alphil-Presses universitaires suisses, 2021
Case postale 5
2002 Neuchâtel 2
Suisse
 
 
 
www.alphil.ch
 
Alphil Distribution
commande@alphil.ch
 
 
DOI : 10.33055/ALPHIL.03181
 
ISBN papier : 978-2-88930-412-7
ISBN PDF : 978-2-88930-413-4
ISBN EPUB : 978-2-88930-414-1
 
 
 
Les Éditions Alphil bénéficient d’un soutien structurel de l’Office fédéral de la culture pour les années 2021-2024.
 
Publié avec le soutien du Fonds national suisse de la recherche scientifique.
 
Illustration de couverture : © iStock
 
Couverture, maquette et réalisation : Nusbaumer-graphistes sàrl, www.nusbaumer.ch
 
Responsable d’édition : Marie Manzoni


Sigles et abréviations
AFP
Attestation fédérale de formation professionnelle
ASSC
Assistantes en soins et santé communautaire
CFC
Certificat fédéral de capacité
CPNV
Centre professionnel du nord vaudois
ES
École supérieure
ESSC
École de soins et de santé communautaire
HES
Haute école spécialisée
HEU
Haute école universitaire
NTIC
Nouvelles technologies de l’information et de la communication
LFPr
Loi fédérale sur la formation professionnelle
OCDE
Organisation de coopération et de développement économiques


Introduction
Le lundi.
En Suisse, dans des dizaines de milliers de chambres de jeunes apprentis, des réveils sonnent le glas du week-end, dispersant aux aurores les dernières vapeurs de liberté qui flottent dans l’air. Les jeunes gens s’apprêtent. Certains passent un complet-cravate ou un tailleur, d’autres endossent un bleu de travail. Beaucoup n’ont cependant pas besoin de vêtements particuliers, mais qu’à cela ne tienne. Tous sont attendus par un employeur qui les a retenus, eux, pour leur apprendre un métier. Se hâter est nécessaire. Il ne faudrait pas arriver en retard. Parfois, les quelques minutes passées à rêvasser au creux d’un coussin suffisent pour écorner l’image d’employé fiable et sérieux renvoyée jusqu’ici.
Le lundi, il s’agit de raccorder à un rythme généralement plus contraignant que celui qui a prévalu pendant le week-end. En début d’apprentissage, l’exercice est souvent éprouvant. D’autant plus qu’à la nécessité de faire bonne impression, s’ajoute la charge d’un nouveau cycle de formation, ainsi qu’un travail de réorganisation temporelle autour de ce nouveau temps dominant qu’est la formation professionnelle initiale. Dans bien des cas, un important sentiment de fatigue caractérise cette période qui a également pour corolaire de pousser nombre d’apprentis à faire l’impasse sur des activités sportives, artistiques ou sociales qui parfois rythmaient leurs vies depuis la prime enfance. L’enjeu est bien d’éviter le surmenage et de s’aménager suffisamment de temps pour réviser. Souvent, la réussite de la formation en dépend.
Au fil de l’apprentissage, un nouveau rythme de vie est adopté. Sur les différents lieux de formation d’abord, la maîtrise d’un certain nombre de compétences professionnelles et la connaissance approfondie du « cadre temporel » qui y prévaut conduisent à intérioriser des habitudes, mais aussi à maîtriser des tactiques pour s’économiser. Les apprentis apprennent que le temps « se joue » ; qu’il est possible de se réapproprier des moments pour soi, afin de se ménager. Ils comprennent progressivement aussi que « prendre le temps » permet parfois de faire son travail au plus près de son éthique professionnelle, lorsque cette dernière est – comme c’est par exemple le cas dans les métiers des soins – mise à l’épreuve par une cadence de travail qui impacte la qualité de la relation aux patients.
Mais des changements s’opèrent également en dehors de la formation. Parce que de nouveaux espaces sociaux sont fréquentés, de nouvelles amitiés se tissent, des relations amoureuses se nouent, nécessitant alors de leur consacrer du temps. Parfois, les jeunes se découvrent aussi des nouveaux loisirs et s’y adonnent plus ou moins longuement. Dans un mouvement d’autonomisation, notamment face à la sphère familiale (Z AFFRAN , 2010), la capacité à savoir organiser son temps acquiert de l’importance pour pouvoir coordonner différentes activités. Pour ce faire, les apprentis font notamment usage de toute une série d’outils rattachés aux nouvelles technologies de l’information et de la communication (NTIC) auxquelles ils ont été accoutumés depuis leur plus jeune âge. Leurs expériences du temps s’en trouvent immanquablement impactées.
Aussi, lorsque les jeunes sont interrogés sur leurs expériences temporelles, les incohérences ne sont pas rares. Ils peuvent à la fois se décrire comme particulièrement soucieux de bien organiser leur temps, et être tout à fait capables de le faire, et quelques instants plus tard déclarer adorer l’improvisation et ne rien vouloir planifier. Mais ces incohérences sont toutes relatives. Elles se dissolvent même, si l’on accepte l’idée que les individus sont porteurs d’identités sociales plurielles et non forcément cohérentes entre elles (L AHIRE , 2011). Loin d’être contradictoires, ces propos soulignent un élément fondamental : les normes temporelles qui cadrent les interactions sociales ne sont pas les mêmes selon les espaces et les personnes fréquentées. Plus important encore, ils permettent de mettre en évidence que les temporalités sont variables et reliées aux identités sociales mises en jeu. C’est à la croisée de la sociologie de l’éducation, du travail, mais aussi des âges et des générations, du genre et des identités sociales, que ce livre invite à continuer l’exploration des pratiques et représentations temporelles des jeunes, pour insister sur le fait qu’il n’existe pas une, mais bien des jeunesses que parfois (presque) tout oppose.
Les apprentis : une population qui s’impose au prisme de problématiques multiples
Si l’apprentissage ne concerne qu’une partie des jeunes et que sa durée ne couvre pas la totalité de cette tranche de vie qu’est la jeunesse, pourquoi s’intéresser en particulier à la catégorie sociale des apprentis ? Quatre raisons principales ont sous-tendu ce choix.
La première découle du manque d’études consacrées aux apprentis comparativement au nombre de jeunes qui effectuent un apprentissage à la suite de leur scolarité obligatoire. Il faut en effet savoir que cette orientation concerne près de deux jeunes sur trois en Suisse (SEFRI, 2016). Et bien que le système de formation professionnelle initiale helvétique soit fréquemment cité en exemple à l’international, que ce soit dans la littérature scientifique ou dans les médias, nombre de ses facettes restent encore inexplorées par la recherche. Il s’agit ainsi de participer à remédier à cette importante lacune, qui a notamment pour co

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