L'usage du terme " ghetto " dans les nombreux discours politico-médiatiques conduit à prendre au sérieux les risques sociaux, écologiques et politiques que les villes encourent suite aux processus de ghettoïsation qui les touchent en ce début de XXIe siècle. La ville d'aujourd'hui s'éloigne de plus en plus de la ville historique, à taille humaine et aux frontières bien délimitées, et prend le chemin d'une ville informe, fractale, s'étendant à l'infini et où les flux franchissent les frontières nationales. Mais loin d'être ouvert, lisse et sans entraves, le monde urbain contemporain est à la fois marqué par une forte mobilité et par le principe séparatif. Les ségrégations sont devenues dans la ville d'aujourd'hui un élément omniprésent, séparant riches et pauvres, classes ouvrières et classes moyennes, étrangers et nationaux, chômeurs et actifs, élites mobiles et indigents sédentaires, ou encore croyants et non-croyants. Aussi est-il possible de repérer toute une série d'espaces bien identifiés, circonscrits, voire ghettoïsés : centres-villes gentrifiés, edge cities, quartiers bourgeois, gated communities, Megachurches, bidonvilles, cités HLM précarisées... S'appuyant sur de nombreux exemples français et étrangers, La ville au risque du ghetto propose une analyse de ces espaces urbains en proie à la ghettoïsation, s'interrogeant ainsi sur le risque qu'ils peuvent représenter pour la cohésion et le développement durable des ensembles urbains, ainsi que pour le dialogue et la compréhension entre tous les êtres humains. Cet ouvrage s'adresse aux chercheurs, aux étudiants et aux enseignants en sociologie et en sciences humaines intéressés par cette question, mais aussi à tous les professionnels concernés par l'aménagement du territoire. Introduction. Chapitre 1. Les formes classiques du ghetto ou l'expression radicale de la ségrégation. Chapitre 2. Les formes contemporaines du ghetto ou les risques de la concentration de la misère. Chapitre 3. Les formes élitaires du ghetto ou les dangers du rassemblement des classes aisées. Chapitre 4. La gestion d'un risque ou la consécration de la mixité. Bibliographie. Index.
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Extrait
Des mêmes auteurs
Hervé Marchal
La diversité en France. Impératif ou idéal ?,Paris, Ellipses, 2010. Mythologie des cités-ghettos,avec la collaboration de Jean-Marc Stébé, Paris, Le Cavalier Bleu, 2009. Traité sur la ville, avec la collaboration de Jean-Marc Stébé. PUF, Paris, 2009. Penser la médiation, avec la collaboration de Fathi Ben Mrad et Jean-Marc Stébé, L’Harmattan, Paris, 2008. La ville. Territoires, logiques, défis, avec la collaboration de Jean-Marc Stébé, Ellipses, Paris, 2008. e La sociologie urbaineéd. 2010)., avec la collaboration de Jean-Marc Stébé, PUF, Paris, 2007 (2 L’identité en question, Ellipses, Paris, 2006. Le petit monde des gardiens-concierges, L’Harmattan, Paris, 2006.
Jean-Marc Stébé
Mythologie des cités-ghettos,avec la collaboration d’Hervé Marchal, Paris, Le Cavalier Bleu, 2009. Traité sur la ville, avec la collaboration d’Hervé Marchal. PUF, Paris, 2009. Penser la médiation, avec la collaboration de Fathi Ben Mrad et Hervé Marchal, L’Harmattan, Paris, 2008. La ville. Territoires, logiques, défis, avec la collaboration d’Hervé Marchal, Ellipses, Paris, 2008. Risques et enjeux de l’interaction sociale, Lavoisier, Paris, 2008. e La sociologie urbaineéd. 2010)., avec la collaboration d’Hervé Marchal, PUF, Paris, 2007 (2 La médiation dans les banlieues sensibles, PUF, Paris, 2005. Les gardiens d’immeubles au cœur de la ville. Figures, métamorphoses et représentations, avec la collaboration de Pierre Sudant, De Boeck Université, Bruxelles, 2002. Architecture, urbanistique et société. Hommage à Henri Raymond, textes choisis et présentés par Jean-Marc Stébé, avec la collabora-tion d’Alexandre Mathieu-Fritz, L’Harmattan, Paris, 2001. e La crise des banlieues, PUF, Paris, 1999 (3 éd. 2007). e Le logement social en France, PUF, Paris, 1998 (4 éd. 2009).
La réhabilitation de l’habitat social en France, PUF, Paris, 1995.
Contacter les auteurs : http://sociologieurbaine.fr
directeur du Centre de recherche sur les Risques et les Crises (CRC), Mines ParisTech / ARMINES
La
ville au risque du ghetto
Hervé Marchal maître de conférences en sociologie Nancy université – Université Nancy 2
série « Notes de synthèse et de recherche » Modélisation dynamique des systèmes industriels à risques Maîtrise des risques et sûreté de fonctionnement : repères E. Garbolino, J.-P. Chéry, F. Guarnieri, 2010historiques et méthodologiques A. Lannoy, 2008 Introduction à la sécurité économique G. Pardini, 2009La défense en profondeur – Contribution de la sûreté nucléaire à la sécurité industrielle Retour d’expérience et maîtrise des risques – Pratiques E. Garbolino, 2008 et méthodes de mise en œuvre J.-L. Wybo, W. Van Wassenhove, 2009Le cadre juridique de la gestion des risques naturels V. Sansévérino-Godfrin, 2008 Cadre juridique de la prévention et de la réparation des risques professionnels Les plans de prévention des risques : la prévention des risques P. Malingrey, 2009majeurs par la maîtrise de l’usage des sols G. Rasse, 2008 Pratiques de prévention des risques professionnels dans les PME C. Martin, F. Guarnieri, 2008Risques et enjeux de l’interaction sociale J.-M. Stébé, 2008 Maîtriser les défaillances des organisations en santé et sécurité du travail – La méthode TRIPOD Retour d’expérience et prévention des risques – Principes J. Cambon, F. Guarnieri, 2008et méthodes W. Van Wassenhove, E. Garbolino, 2008
série « Références » Aide à la décision et expertise en gestion des risques L’expertise : enjeux et pratiques M. Merad, 2010 K. Favro, coord., 2009 Traité du risque chimique Introduction à l’analyse probabiliste des risques industriels N. Margossian, 2010 H. Procaccia, 2009 Risque environnemental et action collective. Application Le syndrome de vulnérabilité aux risques industriels et d’érosion côtière dans le Pas-de-CalaisJ. Bouisson, 2008 O. Petit, V. Herbert, coord., 2010 La politique de sécurité routière – Derrière les chiffres, des vies Risques et territoires — Interroger et comprendre la dimensionJ. Chapelon, 2008 locale de quelques risques contemporains La catastrophe AZF – L’apport des sciences humaines T. Coanus, J. Comby, F. Duchêne, E. Martinais, coord., 2010 et sociales G. de Terssac, I. Gaillard, coord., 2008
série « Innovations » Le risque in,odation. Diagnostic et gestion Climat et risques : changements d’approches F. Vinet, 2010 D. Lamarre, 2008 La santé au travail à l’épreuve des nouveaux risques Sociologie d’une crise alimentaire : les consommateurs N. Dedessus-Le-Moustier, F. Douguet, coord., 2010à l’épreuve de la maladie de la vache folle J. Raude, 2008 Les paradigmes de la perception du risque C. Kermisch, 2010La réduction de la vulnérabilité des PME-PMI aux inondations P.-G. Mengual, 2008 Réduire la vulnérabilité des infrastructures essentielles – Guide méthodologique B. Robert, L. Morabito, 2009 série « Débats » Le débat public, un risque démocratique ? L’exemple Violences routières – Des mensonges qui tuent de la mobilisation autour d’une ligne à très haute tensionC. Got, 2008 D. Boy, M. Brugidou, coord., 2009
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Contrairement à une tradition sociologique qui établit une rupture entre pensée savante et pensée ordinaire, inspirée entre autres de la philosophie du « non » de Bachelard, n’est-il pas pertinent – sur le plan heuristique – de regarder les décou-pages territoriaux au sein des villes en reprenant des notions véhiculées par le sens commun, autrement dit de s’inscrire dans une sociologie du « oui » ? Celle-ci n’hésite pas à se nourrir de schémas de perception largement partagés par le plus grand nombre pour les affiner conceptuellement et les travailler sociologiquement. Dans ce sens, ne faut-il pas porter une attention particulière au vocable « ghetto » pour, sinon en faire un concept opératoire, du moins pour le reconsidérer, dès lors que l’on s’attache à comprendre les évolutions structurelles d’ordre social, écono-e mique et culturel qui organisent la ville en ce début dexxisiècle ? La prégnance du terme « ghetto » dans les discours politicomédiatiques ne conduit-elle pas à prendre au sérieux lesrisques(sociaux, écologiques et politiques) qu’encourent les villes au regard des processus de ségrégation, de séparation, voire de ghettoïsation de leur espace ?
Selon de nombreux chercheurs (Mongin, 2005 ; Sassen, 1996), la ville d’aujourd’hui s’éloignerait, sous l’inf luence de l’économie globalisée, de la ville historique, à taille humaine et aux frontières bien délimitées. La ville d’aujourd’hui prendrait le chemin d’une ville informe, fractale, s’étendant à l’in-fini et où les flux, tant virtuels que matériels, transgressent sans scrupules les frontières nationales. Dans ce concert d’analyses sur les effets de la mondiali-sation des échanges, l’anthropologue Appadurai (2001) veut voir, à travers cette nouvelle donne planétaire, l’émergence d’un véritable « transnationalisme ». Pour cet auteur, il est urgent de focaliser notre attention sur une dynamique culturelle de fonds se déployant partout sur la planète, ladéterritorialisation, concernant aussi bien les multinationales, les marchés financiers que les groupes ethniques, les mouvements religieux et les formations politiques, autant d’institutions au sens large n’hésitant pas à transcender les limites territoriales spécifiques ainsi que les identités particulières.
Le fait que les villes participent des processus de mondialisation a pour consé-quence de faire de l’espace urbain, quel qu’il soit, un univers saturé en références issues de cultures diverses et variées. Partant de ce constat, la tentation est grande de voir dans les citadins des individus pleinement immergés dans une culture globale leur permettant d’interpréter et de s’approprier des modèles culturels venant d’horizons parfois très éloignés des leurs. En d’autres termes, s’opérerait une vaste créolisation des cultures au centre de laquelle les villes globales tiennent une place centrale, dans la mesure où les élites culturelles mondialisées parvien-nent à y mixer les cultures du monde. Cette manière de considérer la vie citadine revient à voir dans la rupture des frontières une condition nécessaire à l’hybrida-tion culturelle planétaire, définie comme une sorte de nouvel âge où les individus, les marchandises et les produits culturels circuleraient indéfiniment et librement pour produire,in fine, un univers mondial qui ressemblerait à une formidable et vaste aire d’échanges dépourvue de toute entrave communicationnelle.
Le problème est que la grande majorité de la population mondiale se voit limitée dans ses déplacements pour des raisons économiques ou politiques, sans compter qu’un nombre important de citadins vit dans des frontières bien réelles. Toutes les catégories sociales urbaines, loin s’en faut, n’ont pas le même accès à la mobilité internationale et aux ressources qu’elle requiert. En réalité, se dessine une nouvelle élite urbaine internationale, composée pour l’essentiel de hauts cadres – en mana-gement, enconsultingen conseil juridique –, de membres du monde d’entreprise, médiatique, de lajet-setqui se déplacent en limousine ou en avion, descendent dans des hôtels qui leur sont réservés ou fréquentent des enclaves protégées des villes globales. Mais en dehors de cette « élite cinétique », pour reprendre l’expression de l’architecte Koolhaas (http://www.wired.com/wired/archive8.06/koolhaas.html/), la plupart des citadins continuent de vivre plus ou moins à l’écart des réseaux plané-taires.De facto, tous les citadins ne voient pas la planète du même point de vue que celui qui est véhiculé par cette « classe internationale » (Wagner, 2007). À ce propos, l’ethnologue Friedman (2000) souligne combien tout un chacun n’a pas « une vue aérienne » de la terre qui lui permettrait de voir la planète commesonvillage global. Contrairement à ce que véhicule une « vulgate transnationaliste » mettant en scène des citadins mondialement intégrés, une grande majorité d’indi-vidus urbains continue à mener sa vie et son existence dans un tout petit monde, à construire son univers de travail, d’échanges et de représentations et à définir ses identités collectives et individuelles à partir d’ancrages territoriaux circons-crits, localisés. Ces individus sont proches de la figure du citadin « insulaire » (Le Breton, 2004) dont la caractéristique essentielle est de ne pas se représenter le territoire comme un ensemble continu et solidaire, mais au contraire de voir l’espace urbain organisé autour de zones à éviter et de frontières, de zones inter-dites, de repoussoirs et de territoires douloureux. Les ségrégations vécues par les citadins exclus de la mondialisation s’incarnent dans des ruptures spatiales et dans la constitution de « frontières mentales ». Contrairement à ce que pourrait laisser imaginer la notion de « fluidité » chère au sociologue Bauman (2006), les processus de mondialisation facteur de mobilité ne sont ni fluides, ni partout, ni pour tous. En effet, émergent aux quatre coins de la planète certaines frontières, plus ou moins étanches, et parfois même sous haute protection, ce quirisquede remettre en cause