Léon Gérin, devenir sociologue dans un monde en transition
251 pages
Français

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Description

L’auteur s’inscrit dans une longue tradition sociologique au Québec – de Léon Gérin en passant par Jean-Charles Falardeau, Fernand Dumont, Gilles Houle, Nicole Laurin et Nicole Gagnon – et permet sa redécouverte. Il nous montre le cheminement de Léon Gérin, « le premier sociologue cana­dien », en même temps que celui d’une certaine société, comme une trame évolutive de l’individu et de la collectivité dans laquelle il s’active.
Le recours à la correspondance nourrie de Gérin, ainsi qu’à de riches fonds d’archives, nous fait entrer dans le privé, aborder des aspects difficiles à déceler dans d’autres types de sources et reconstituer les réseaux de relations du sociologue. Les connaissances qui en découlent apportent un éclairage qui nous fait mieux comprendre la société québécoise de cette époque, mais aussi d’aujourd’hui.

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 05 novembre 2018
Nombre de lectures 0
EAN13 9782760639560
Langue Français
Poids de l'ouvrage 1 Mo

Informations légales : prix de location à la page 0,1200€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

Léon Gérin, devenir sociologue dans un monde en transition
Frédéric Parent
Les Presses de l’Université de Montréal




Catalogage avant publication de Bibliothèque et Archives nationales du Québec et Bibliothèque et Archives Canada Parent, Frédéric, 1977-, auteur Léon Gérin, devenir sociologue dans un monde en transition / Frédéric Parent. (Corpus-PUM) Comprend des références bibliographiques. Publié en formats imprimé(s) et électronique(s). ISBN 978-2-7606-3954-6 ISBN 978-2-7606-3955-3 (PDF) ISBN 978-2-7606-3956-0 (EPUB) 1. Sociologie - Histoire - 19 e siècle. 2. Sociologie - Canada - Histoire - 19 e siècle. 3. Gérin, Léon, 1863-1951. I. Titre. II. Collection: PUM-Corpus. HM445.P37 2018   301.09’034   C2018-941356-5 c2018-941357-3 Mise en pages et epub: Folio infographie Dépôt légal: 4 e trimestre 2018 Bibliothèque et Archives nationales du Québec © Les Presses de l’Université de Montréal, 2018 www.pum.umontreal.ca Cet ouvrage a été publié grâce à une subvention de la Fédération des sciences humaines de concert avec le Prix d’auteurs pour l’édition savante, dont les fonds proviennent du Conseil de recherches en sciences humaines du Canada. Les Presses de l’Université de Montréal reconnaissent l’aide financière du gouvernement du Canada par l’entremise du Fonds du livre du Canada pour leurs activités d’édition et remercient de leur soutien financier le Conseil des arts du Canada et la Société de développement des entreprises culturelles du Québec (SODEC).



À toutes ces femmes qui travaillent et qui ont travaillé dans les profondeurs de «l’infrastructure» relationnelle au cœur du procès de re-production des sociétés et de la sociologie.


Avant-propos
Par le fait même qu’on élève un individu au-dessus de la mesure humaine, on rabaisse les autres. Or, la compréhension de la performance d’un artiste et la joie que procurent ses œuvres ne se trouvent pas compromises, mais au contraire plutôt renforcées et approfondies, par l’effort pour saisir le lien entre ses œuvres et sa vie dans la société des hommes. Le talent particulier que possède un individu, «le génie», comme on disait à l’époque de Mozart, non pas qu’il est mais qu’il a, fait lui-même partie des éléments déterminants de son destin social et constitue dans cette mesure aussi un fait social, exactement au même titre que les simples dons des êtres qui ne sont précisément pas géniaux 1 .
Pour une sociologie du Québec
Depuis déjà une dizaine d’années, je travaille à temps perdu à la correspondance de Léon Gérin, en parallèle, d’une certaine façon, à des recherches ethnographiques davantage axées sur le temps présent. Mon directeur de thèse, maintenant décédé, a jadis refusé que je modifie mon projet doctoral – une enquête monographique dans un village québécois – pour me consacrer à un travail sociologique sur le Fonds d’archives Léon Gérin que je venais de découvrir à Saint-Jérôme. Je travaillais alors aux débats méthodologiques concernant l’usage de la monographie en sociologie pour répondre à l’une de trois questions de synthèse soumises autrefois au terme de la scolarité de doctorat à l’Université de Montréal.
Ces réflexions m’ont ensuite amené à collaborer avec la Société d’économie et de science sociales, celle-là même où Gérin a été formé, et à participer en 2006 à un colloque à l’École des Mines de Paris sur l’héritage de Frédéric Le Play. Je ne le regrette évidemment pas, même si je sais fort bien que je me trouve encore aujourd’hui aux prises avec les justifications d’une enquête sociologique sur le passé dont les retombées – les impacts pour d’autres – ne semblent pas évidentes a priori , comme si les sociologues et la sociologie avaient un pouvoir particulier de transformer le monde et que c’était par ailleurs leur objectif. Comme si nous pouvions également isoler les sociologues et leur sociologie de la société dont ils sont issus à la manière d’une variable statistique pour ensuite en distinguer la cause de l’effet. Même si les sciences de la vie (biologie, neurologie, etc.) se sont éloignées de la causalité, comme le remarquait déjà Gérin au XIX e siècle (voir son texte inédit reproduit en annexe 6), la sociologie semble s’embourber dans cet ancien modèle lorsqu’elle considère la vie en société à la manière de probabilités statistiques construites par des questionnaires et des sondages. À trop vouloir rendre la sociologie «utile», elle devient muette, ne lui restant plus qu’à jouer le jeu d’une sempiternelle quête d’originalité inscrite dans des courants de recherches dominants qui ne sont pas issus du Québec. Les sociologues d’ici en rencontrent d’autres dans des colloques internationaux, où curieusement ils discutent des mêmes théories sans égard aux conditions mêmes de production de ce savoir. Et si la sociologie au Québec n’apparaissait plus dans l’espace politico-médiatique parce qu’elle n’avait plus rien à dire de particulier sur la société québécoise si ce n’est que pour défendre les bonnes idéologies qu’elle cherche à imposer aux autres?
Les conditions de vie et les conditions de travail se sont transformées depuis Léon Gérin et l’état actuel de la sociologie renvoie sans doute à ses propres conditions d’exercice, que j’expérimente maintenant depuis quelques années. Je trouve en même temps que ces conditions se transforment trop rapidement en conditions «objectives» et que nous participons bien souvent à la reproduction même de ces conditions. Autrement dit, nous oublions que l’objectivité sociale est humaine, que les règles, les normes et les contraintes sont celles que les humains s’imposent dans et par leurs relations sociales. Les conditions de vie et de travail renvoient à l’état plus général des rapports sociaux dans une société particulière, qui ne se réduisent pas à des conditions économiques et matérielles. La comparaison avec différents espaces sociaux, que ce soit avec d’autres sociétés ou à l’intérieur de sa propre société, permet justement de dégager cette originalité ou cette particularité dans le but de reconstruire une dynamique sociale complexe et diversifiée à la mesure même d’une réalité tout aussi complexe et diversifiée. S’il n’est pas du ressort de la sociologie de se prononcer sur ce qui est mieux ni de consacrer un âge d’or des sociétés et de la sociologie, il est de son devoir d’étudier cet enracinement du savoir dans un territoire. Sinon, en quoi la sociologie ne devient-elle pas seulement la reconduction des idées ou des théories dominantes issues de sociétés, de groupes et d’individus particuliers?
Les exemples de travaux comparatifs sont nombreux dans l’histoire de la sociologie (et en anthropologie), puisque son intention initiale consiste, me semble-t-il, à montrer que la société est une re-production humaine d’individus en relations. De la tradition sociologique de Chicago en passant par les écoles durkheimienne et leplaysienne de sociologie, de nombreux travaux ont déjà balisé le chemin et ont cherché à montrer que toute connaissance est localisée socialement. Plus près de nous, l’école de Laval et son projet de recherche sur les mutations du Québec contemporain, et notamment les travaux de Nicole Gagnon et de ses étudiants sur l’étude du vécu par l’analyse d’histoires de vie, sont d’un enseignement tout à fait intéressant 2 . Les étudiants à qui j’enseigne connaissent les Cultural Studies britanniques, travaux par ailleurs très intéressants, mais pas ce qui s’est fait ici, dans une perspective pourtant assez proche de ces mêmes Cultural Studies , notamment la critique du concept d’idéologie durant les années 1970. Pour le peu que je connaisse des travaux britanniques rangés sous cette étiquette trompeuse, notamment ceux de Paul Willis et de Stuart Hall, de même que ceux de l’école de Laval, leur perspective ne reconduit pas forcément l’opposition entre culture et structure sociale, mais cherche au contraire à montrer leur nécessaire imbrication. Formé au sein de l’école de Laval, Gilles Houle a prétendu développer tout au long de sa carrière une sémantique structurale 3 .
À l’époque de Gérin, la conception dualiste de la réalité sociale était mise en forme à partir des catégories suivantes: morale, religion, spirituel, âme, d’un côté, et science, sociologie, matériel et corps, de l’autre. Sans doute nécessaire dès le départ pour bien marquer la séparation de la sociologie d’avec la religion et la doctrine sociale de l’Église, cette conception duale se prolonge au Québec dans les années 1970-1980 avec l’opposition marxiste entre la superstructure et l’infrastructure et que reconduit plus récemment Jean-Philippe Warren 4 . Les mauvaises langues pourraient faire l’amalgame rapide entre la sociologie et les formes générales de la pensée religieuse, plus transcendante et surplombante, avec des principes posés a priori . Marcel Fournier et Gilles Houle avaient déjà souligné le caractère plus «macrosociologique» et plus engagé politiquement de la sociologie du Québec, tout comme Guy Rocher qui mentionnait dans un entretien vidéo le fait que la sociologie québécoise était «singulièrement enclavée» dans sa société, situation que nous ne retrouverions pas, à son avis, dans la sociologie américaine, française et allemande. Dans les deux cas, il est précisé que le type de sociologie correspond à une société particulière, soit, dans le cas qui nous occupe, la société québécoise. Mon intention n’est nullement de reprendre les débats entre nation et société, par exemple, mais d’indiquer seulement le lien nécessaire entre les deux, entre la sociologie et la société. Nicole Laurin écrivait d’ailleurs fort justement que «[l]’existence de la société québécoise en tant qu’objet d’interprétation est le postulat le plus implicite et le plus évident pourtant de notre sociologie» 5 . Il faut étudier cette évidence qui ne l’est plus, tellement elle en est une.
La nécessité d’élucider les

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