Les Processus d américanisation
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Les Processus d'américanisation , livre ebook

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Description

Après avoir proposé des ouvertures théoriques dans son premier volume, la collection Fabrica Mundi cherche maintenant à poursuivre son enquête sur les voies de l'américanisation. Renversant dès l'introduction le sinocentrisme, actuelle monnaie courante, il s'agit d'approfondir l'idée centrale selon laquelle, à partir du dévoilement de l'Amérique, l'histoire (celle des Occidentaux mais aussi celle des autres ?) s'édifie dans le cadre d'une inscription de l'espace de l'Amérique dans un espace mondial. Ce volume étudie les mécanismes de l'américanisation comme des dynamiques de constructions géographiques et politiques, religieuses ou juridiques : les questions nouvelles d'implantation et de conversion posées par l'Amérique se confrontent en permanence à une série de résonances mondialisées, au niveau des espaces géographiques (la question des portes, des passages, des voies qui opèrent un ensemble de connexions, des projections cartographiques avec l'Asie en permanence dans la mire) et culturels (parcourus par des porteurs d'américanisation comme l'Inca Garcilaso), et au niveau de l'écriture du droit (le rejeu des catégories juridiques entre Ancien et Nouveau Monde) et de l'histoire (celle d'une américanisation préparée dès le Moyen Âge). Dans tous les cas, cela suppose de concevoir l'Amérique comme un laboratoire pour l'Occident : les processus d'américanisation en oeuvre sont autant de raccordements, de filiations, de symétries des temps et des espaces.

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 02 février 2021
Nombre de lectures 0
EAN13 9782304242614
Langue Français
Poids de l'ouvrage 2 Mo

Informations légales : prix de location à la page 0,0500€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

Sous la direction de Louise Bénat-Tachot, Serge Gruzinski et Boris Jeanne
Les processus d’américanisation
Tome 2 Dynamiques spatiales et culturelles
Fabrica Mundi
Éditions Le Manuscrit Paris


© Éditions Le Manuscrit, 2013
© Illustration de couverture : collection particulière
EAN : 9782304042603 (livre imprimé)
EAN : 9782304242614 (Epub)




Dans la même collection
Louise Bénat-Tachot, Serge Gruzinski et Boris Jeanne, Les processus d’américanisation. Tome 1. Ouvertures théoriques , éditions Le Manuscrit, 2012.


« Fabrica Mundi »
Collection dirigée par Louise Bénat-Tachot , Serge Gruzinski et Boris Jeanne
La collection Fabrica Mundi explore les processus d’américanisation à l’œuvre dans le Nouveau Monde depuis le xvi e siècle jusqu’à nos jours. Sans définir ce terme, comme les effets de la culture des États-Unis sur le monde, mais bien comme la métamorphose sur le sol de ce continent, de toutes sortes d’éléments issus des autres parties du globe, tels la religion catholique ou le système juridique d’un pays, il s’agit d’explorer la manière dont la projection outre-Atlantique des sociétés européennes entraîne non seulement des formes d’occidentalisation et des métissages multiples, mais également des phénomènes moins étudiés de reconfiguration et de diffusion continentale de traits, ainsi adaptés, modifiés et territorialisés. En ce sens, Mexico, Lima, Salvador de Bahia, Québec ou New York ne seraient pas que de simples récepteurs d’occidentalisation, mais aussi des caisses de résonance continentales.
Direction du comité scientifique :
Louise Bénat-Tachot, Université de Paris-Sorbonne
Serge Gruzinski, CNRS-EHESS
Boris Jeanne, Mondes Américains-EHESS
Membres du Comité scientifique
Anath Ariel de Vidas, CNRS-EHESS
Carmen Bernand, Université de Paris Ouest Nanterre La Défense
Véronique Boyer, CNRS-EHESS
Armelle Enders, Université de Paris-Sorbonne
Aliocha Maldavsky, Université de Paris Ouest Nanterre La Défense
Jacques Poloni-Simard, EHESS
François Regourd, Université de Paris Ouest Nanterre La Défense
Carmen Salazar-Soler, CNRS-EHESS
Jean-Michel Sallmann, Université de Paris Ouest Nanterre La Défense


Prologue De l’européocentrisme au sinocentrisme
La meilleure manière de sortir de l’européocentrisme, c’est de remettre l’Europe à sa place. Dès lors la confrontation avec les autres continents s’impose, à commencer par la Chine. L’idée n’est pas nouvelle. Pierre Chaunu dans les années 1960 s’y était efforcé. Qu’est-ce qui distingue P. Chaunu des historiens comme Roy Bin Wong ou Kenneth Pomeranz qui aujourd’hui réouvrent le débat sur la « grande divergence » ? Pour R. Bin Wong ou K. Pomeranz, la confrontation Europe/Chine débute au mieux au XVI e siècle ; pour Chaunu, c’est du XI e siècle qu’il faut partir : « En fait, depuis le XI e siècle, un décalage se creuse entre la Chine et l’Europe ». Apparemment, « si l’on se borne à l’histoire événementielle des techniques, l’équation s’écrit sans peine Chine=Europe » 1 . En fait, l’espace clos qu’est l’Europe occidentale apparaît bien mieux pourvu en chevaux-vapeur, quatre à cinq fois plus que la Chine : celle-ci, en revanche, maîtrise le gouvernail d’étambot, la voile, la boussole mais elle ne possède pas les millions de bœufs, de chevaux et de stères de bois que comptabilise l’Europe 2 . Tient-on là l’explication du démarrage européen ? Paradoxalement l’historien du quantitatif, des statistiques, de l’économie-monde change alors de registre et bouscule les interprétations matérialistes : que manque-t-il à la Chine pour dépasser l’Europe ? Les motivations : « l’échec chinois au XV e siècle, découle moins de ce manque relatif de moyens que du manque de motivations ». Et d’ajouter : « La principale motivation est le besoin, souvent inconscient d’espace ». Nous voilà du domaine des techniques et des sources d’énergie projetés dans la sphère des mentalités qui est aussi pour P. Chaunu celle de la foi. Mais l’apport de Pierre Chaunu ne s’arrête pas là.
Il a bien vu qu’ une histoire-monde exclusivement bâtie sur un face-à-face entre Europe occidentale et Chine tendait à escamoter le poids et l’impact du Nouveau Monde et de l’Islam . En 1969, il mettait en garde son lecteur : « La polarité Chine-Méditerranée, cette tentation de demain, risque, en effet, de renforcer notre européocentrisme latent en l’élargissant à une dimension supérieure : celle des 45 % véritablement favorisés de l’humanité ». Et d’ajouter : « Restent 55 %, au moins, de l’humanité. Leur rôle n’est pas purement passif. Cette moitié a le droit d’être un peu mieux qu’un objet » 3 . Ce qui signifie, entre autres choses, que ce qu’on appelle « l’Amérique précolombienne » – quand bien même elle constitue « une notion sans contact avec le réel » – représente elle aussi dans tous les sens du terme « une unité dynamique profondément inscrite dans le temps de l’histoire ». Il en va de même pour l’Afrique.
Cette vision bipolaire du passé continue en fait de porter l’histoire globale. Avec la crise et la montée de la Chine, la balance s’incline vers la Chine. En 2008, elle a profité des jeux olympiques pour revisiter son histoire et la projeter à la face des autres nations du globe. Il s’agissait de répondre à la même question que plus tard à Londres (2012) : comment apparaître historiquement sur la scène planétaire du XXI e siècle ? D’où une histoire toute en images et en sons dont l’orchestrateur est un grand cinéaste, Zhang Yimou, à qui l’on doit Epouses et concubines (1991) et Hero (2004). Le passé qu’il ainsi mis en scène en plein accord avec les autorités chinoises n’est pas qu’une suite d’images d’Épinal ou de démonstrations folkloriques. Il repose sur une trame solide qui installe l’idée d’une continuité absolue entre un présent radieux et le passé impérial. Tout au long du spectacle courent les thèmes de l’ordre et de l’harmonie empruntés à Confucius 4 . Le passé impérial inspire une épopée écrasante et grandiose qui reste toujours, et c’est important, à la portée d’un public planétaire.
On peut donc voir dans la cérémonie d’ouverture des Jeux olympiques de Pékin une contribution chinoise à l’élaboration d’une histoire-monde sinocentrée . Le passé qui y est représenté se distingue par sa manière de parler et de ne pas parler de l’Occident. Il vaut autant par ses silences que par ses choix. S’il met en avant la célébration culturelle des grandes dynasties, l’exaltation des expéditions maritimes du XV e siècle et le rappel des inventions chinoises, il escamote le XIX e siècle – les assauts de l’impérialisme occidental – et la plus grande partie du XX e siècle – la révolution communiste – pour aboutir triomphalement à la construction de la Chine contemporaine. Ne pas évoquer l’Occident risquait de rendre purement exotique la fresque proposée, parler des conflits du XIX e siècle et de la révolution maoïste était susceptible d’indisposer les Occidentaux et de semer le trouble au sein du parti. Mais l’Occident n’est pas absent pour autant. Il apparaît en filigrane dans l’évocation du passé chinois. L’ouverture reprend des symboles adoptés ou forgés par l’Occident pour illustrer la grandeur de la civilisation chinoise 5 . Comme on le sait, l’orientalisme européen s’est attaché à créer des images en tout genre de l’Orient et ces images charriaient généralement l’idée d’un déclin irrésistible de cette partie du monde. Il est intéressant d’observer que la cérémonie d’ouverture a systématiquement repris ces images pour les retourner en faveur de la Chine. De feux splendides d’un passé révolu, les clichés orientalistes sont devenus les signes annonciateurs d’un destin grandiose.
C’est le cas de figure de l’amiral Zheng He, que l’historien Joseph Needham avait donné à connaître au milieu du XX e siècle et que le best-seller de Gavin Menzies, 1421 , a popularisé en 2002. Zheng He a dirigé plusieurs expéditions dans les mers asiatique

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