Profession Démographe
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Description

« Le texte qui suit n’est pas à proprement parler une introduction à la démographie. Il représente plutôt une vision personnelle d’une discipline qui me passionnedepuis plus de quarante ans et qui m’a permis de mieux comprendre les enjeux fondamentaux des sociétés, que celles-ci soient considérées comme « développées » ou en « voie de développement ». Il est clair que ma conception de la démographie est fortement teintée par ma formation en sociologie et par mes expériences tant québécoises qu’africaines, aussi bien dans la recherche fondamentale que dans l’enseignementet la pratique d’intervention sur le terrain. »Quel est le rôle, dans la Cité, des chercheurs, des intellectuels, des professeurs, des universitaires en général? Qui sont-ils et que font-ils exactement? Quel a été leur parcours intellectuel? La collection « Profession » répond à ces questions.

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 14 janvier 2014
Nombre de lectures 29
EAN13 9782760633360
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,0200€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

Victor Piché

Profession démographe

Les Presses de l’Université de Montréal
Collection Profession Collection dirigée par Benoît Melançon Catalogage avant publication de Bibliothèque et Archives nationales du Québec et Bibliothèque et Archives Canada Piché, Victor, 1946- Profession, démographe (Profession) Comprend des références bibliographiques. ISBN 978-2-7606-3330-8 1. Démographie. 2. Démographes. i. Titre. ii. Collection Profession (Montréal, Québec). hb871.P52 2013 304.6 c2013-941970-5 Dépôt légal: 3 e trimestre 2013 Bibliothèque et Archives nationales du Québec © Les Presses de l’Université de Montréal, 2013 creditwww.pum.umontreal.ca ISBN (papier) 978-2-7606-3330-8 ISBN (PDF) 978-2-7606-3335-3 ISBN (ePub) 978-2-7606-3336-0 Les Presses de l’Université de Montréal reconnaissent l’aide financière du gouvernement du Canada par l’entremise du Fonds du livre du Canada pour leurs activités d’édition. Les Presses de l’Université de Montréal remercient de leur soutien financier le Conseil des arts du Canada et la Société de développement des entreprises culturelles du Québec (SODEC).
À Yves Péron, pédagogue émérite
Prologue
N ous sommes à l’été de 1968. Étudiant en sociologie à l’Université d’Ottawa, je suis embauché comme enquêteur dans le cadre d’une enquête démographique auprès des Cris de la Baie James. Six villages avaient été sélectionnés: trois du côté du Québec (Fort George, Fort Rupert et Moose Factory) et trois du côté de l’Ontario (Moosonee, Attawapiskat et Fort Albany). Cette expérience de terrain m’a mis en contact direct avec la réalité de la pauvreté: n’oublions pas que nous sommes à la fin des années 1960, bien avant les nombreuses ententes qui viendront donner un peu plus de pouvoir aux populations autochtones. C’est à ce moment que j’ai été introduit au concept de Tiers-Monde, terme qu’avait inventé le grand démographe français Alfred Sauvy, et à celui de sous-développement, tel qu’élaboré par des sociologues et économistes latino-américains comme Celso Furtado et André Gunder Frank et l’économiste africain Samir Amin. Ce premier contact avec la démographie m’a fait voir à quel point cette discipline était au cœur des grands enjeux sociaux.
L’été suivant, j’obtiens un emploi d’été comme statisticien au ministère des Affaires indiennes. Très tôt, je suis confronté aux liens entre analyses statistiques et considérations politiques. Le ministère possède un registre de population des Autochtones, ce qui permet de produire un rapport annuel sur les naissances et les décès. Dans un de ces rapports, un médecin avait écrit que la mortalité infantile des populations autochtones avait augmenté de façon considérable. Évidemment, il s’agissait là d’un résultat fort inquiétant et le Parlement du Canada en a été saisi lors de la période des questions. Pris de court, le ministre a refilé la question à la Division de la statistique du ministère. On me demanda de trouver des explications à cette augmentation de la mortalité, en particulier afin de savoir si elle était due à une détérioration des conditions de vie, comme le suggérait l’opposition officielle. La première chose que j’ai faite a été de scruter à la loupe la source des données. Après quelques recherches «sous pression» il fallait faire très vite , il s’est avéré que l’augmentation en question était un artéfact, résultat de la déclaration tardive des naissances qui allait en augmentant chaque année. En langage statistique, cela voulait dire que le dénominateur était largement sous-estimé à cause de l’enregistrement de plus en plus tardif des naissances. Cela expliquait donc l’augmentation du taux de mortalité infantile (mortalité avant un an divisé par les naissances). Ce fut pour moi une leçon que j’ai toujours tenté de transmettre aux étudiants: avant de se lancer dans de grandes explications théoriques, il faut d’abord s’assurer de bien mesurer ce qui est à expliquer. La critique des sources et la fiabilité des données constituent une préoccupation centrale de la profession de démographe.
Ces premières expériences, comme c’est souvent le cas, ont marqué toute ma vie professionnelle, consacrée à la fois à la réalisation d’enquêtes sur le terrain et à l’étude des liens entre la population et le développement, et des inégalités sociales et économiques.
Le texte qui suit n’est pas à proprement parler une introduction à la démographie. Il représente plutôt une vision personnelle d’une discipline qui me passionne depuis plus de quarante ans et qui m’a permis de mieux comprendre les enjeux fondamentaux des sociétés, que celles-ci soient considérées comme «développées» ou en «voie de développement». Il est clair que ma conception de la démographie est fortement teintée par ma formation en sociologie et par mes expériences tant québécoises qu’africaines, aussi bien dans la recherche fondamentale que dans l’enseignement et la pratique d’intervention sur le terrain.
Introduction
T ous les jours, on parle de démographie, que ce soit dans les médias, dans les débats publics ou encore pour justifier des politiques. Au Québec, où la démographie est particulièrement présente, les questions démographiques sont au cœur des préoccupations sociales et politiques. Voici quelques exemples: la faible fécondité actuelle ne permet plus le renouvellement de la population, ce qui, à moyen terme, pourrait se traduire par sa décroissance; un tel régime de fécondité, combiné à une plus grande longévité, entraîne le vieillissement de la population, avec ses conséquences sur les soins de santé et les caisses de retraite; les ruptures d’union ont un impact important sur la situation de pauvreté des familles monoparentales, dirigées surtout par des femmes; l’espérance de vie augmente certes, mais pas nécessairement l’espérance de vie en bonne santé; les niveaux d’immigration actuels en inquiètent plusieurs quant à l’avenir de la langue française; l’intégration des immigrants refait constamment surface dès qu’il est question d’accommodements raisonnables; le recours de plus en plus fréquent à des travailleurs étrangers temporaires soulève toute la question des droits de la personne; la diversité ethnique et religieuse, résultat de l’immigration, pose de nouveaux défis quant à l’impact des échanges interculturels sur les valeurs fondamentales et l’héritage culturel québécois.
C’est parce que ces questions sont au cœur de l’avenir de la société qu’elles sont omniprésentes dans les discussions politiques. Il est impossible de les éviter, même si les réponses ne font pas toujours l’unanimité. Comme on le verra, le travail des démographes est d’offrir des analyses explicatives approfondies, de présenter des scénarios de projections de population et d’élaborer des indicateurs statistiques permettant de situer les débats à l’intérieur de balises scientifiques.
Pour comprendre la profession de démographe, nous allons aborder sept aspects qui caractérisent la pratique de la démographie. D’abord, je pose la question: sur quoi travaillent les démographes? Dans le chapitre intitulé «La démographie, une science sociale», je propose de définir de façon succincte les thèmes sur lesquels se penchent les démographes, en d’autres mots, de dire en quoi consiste la démographie. En deuxième lieu, je discute des grands enjeux démographiques quant à l’avenir des sociétés tout au long du XXI e siècle. Troisièmement, j’avance que la démographie occupe plus que n’importe où ailleurs dans le monde une place centrale et privilégiée dans la société québécoise. Une fois dessiné le contour de la discipline, je me demande, dans le quatrième chapitre, ce qui attire les personnes à la démographie et j’aborde de façon concrète ce que font les démographes sur le marché du travail. Dans le cinquième chapitre, j’insiste sur le fait que les chiffres ne parlent que s’ils sont situés dans leur contexte théorique, social et politique. Comme le disait Albert Einstein, «C’est la théorie qui décide de ce que nous pouvons expliquer.» Je donne un exemple, celui des catégories ethniques et raciales, pour illustrer le fait que les statistiques ne sont pas neutres et qu’elles font l’objet de débats théoriques et politiques. Le sixième chapitre aborde un outil privilégié de la démographie, soit la notion de cohorte, qui permet de situer les comportements démographiques dans l’expérience concrète que vit chaque cohorte en fonction de son contexte historique. En démographie, on parle dans ce cas d’approche longitudinale et j’illustre cette approche en donnant un exemple concret de recherche portant sur l’intégration des immigrants à Montréal. Enfin, un dernier chapitre présente un point de vue personnel: pour moi, la démographie est une science éminemment proche de la problématique des droits de la personne.
1
La démographie, une science sociale
L a démographie est une science sociale et elle partage avec les autres sciences l’étude d’une partie de la vie en société. En fait, ce qui la distingue vraiment des autres sciences sociales est le fait que son champ d’investigation et d’intervention est bien délimité: la démographie étudie essentiellement les mécanismes à la base du renouvellement des populations. On peut concevoir la démographie comme l’étude d’un système d’entrées et de sorties qui font augmenter (naissances, immigration) ou diminuer (mortalité, émigration) la population. Par exemple, à la fin d’une année, la population d’un pays (ou de toute autre région géographique) aura augmenté grâce aux nouvelles naissances et aux nouveaux immigrants, mais elle aura également diminué à cause des décès et des personnes qui sont parties, à savoir les émigrants. Il s’agit de questions vitales et toutes les sociétés cherchent les moyens d’atteindre des objectifs démographiques en lien avec leurs aspirations économiques et politiques. Ce n’est pas toujours évident, comme en témoignent les débats actuels sur le spectre de la décroissance et de ses effets sur les besoins en main-d’œuvre, ou encore sur les effets du vieilli

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