Regards croisés sur la consommation
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Regards croisés sur la consommation , livre ebook

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Description

« Quant aux Français, loin de tirer parti d’une source aussi riche, ils ont préféré emprunter les étrangers qui les avaient eux-mêmes copiés. [...] Ah ! connaissons mieux la valeur de ce que nous possédons, pénétrons dans la bibliothèque des manuscrits »... Ces lignes, que rédige Paulin Paris, en 1824, valent pleinement aujourd’hui, pour ce qui est de la situation des études académiques de la consommation. Nombreux sont ainsi les travaux qui, dans le monde, s’appuient actuellement sur des auteurs français, s’inspirent de leurs idées – de théories philosophiques, sociologiques, anthropologiques, qu’ils tiennent pour essentielles. Idées, théories, qui s’en reviennent en France sous de nouveaux oripeaux – les origines étant oubliées, sinon connues que par leurs traductions... Plutôt que de s’en remettre à celles-ci, revenons aux sources mêmes !


Ce retour aux sources anime ce livre tout entier (en reprenant l’esprit du premier tome). Il présente à tous ceux qui sont intéressés par le consommateur et la consommation plusieurs des grands auteurs français les plus souvent cités, exploités de part le monde dans les travaux dédiés au développement de ce champ. Le lecteur pourra ainsi trouver dans ce second tome : des figures du tournant structuraliste comme Greimas, Floch, Baudrillard ou Girard et encore Bourdieu ; celles du tournant postmoderne et de la french theory avec Derrida, Deleuze, Lyotard mais aussi Foucault et Maffesoli ; des représentants du tournant pragmatique aux noms de Ricœur, Boltanski et Thévenot ainsi que Callon et Latour ; et enfin un détour par la pensée systémique proposée par Edgar Morin.


Avec ces différents chapitres du tome 2, le voyage théorique initié dans le tome 1 se poursuit alors, portant de nouveaux jeux de bascule entre la pensée des structures agençant ce monde et la réhabilitation des acteurs (et sujets) reconnaissant une puissance d’agir sur ce monde. Chemin faisant, il sera aussi possible de découvrir des approches pragmatiques mettant les objets et les choses du marché sur le devant de la scène...


L’objectif de ces chapitres retours sur les grands auteurs est de fournir aux étudiants, doctorants et chercheurs un soubassement théorique aux approches socio-anthropologiques et philosophiques de la consommation (regroupées sous la dénomination Consumer Culture Theory).

Sujets

Informations

Publié par
Nombre de lectures 14
EAN13 9782847698398
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,0112€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

Introduction Tome 2
Eric Rémy et Philippe RobertDemontrond
Les « tournants » se succèdent en sciences sociales, donnant le tour nis... Tournant linguistique, discursif, narratif, argumentatif, interprétatif, ou herméneutique, tournant affectif, tournant sensoriel, tournant somatique... Chaque tournant corrigeant des oublis, des absences, des négligences, poin tant des impensés à penser d’urgence. Tantôt, ainsi, la consommation, que les économistes n’envisagent le plus souvent que dans sa rationalité calculatoire, est nouvellement considérée sous l’angle du signe, ou du texte, parfois du mythe, en insistant sur les signifiants, ou les signifiés ; tantôt elle est étudiée dans sa dynamique émotionnelle. Tantôt, seuls l’esprit et ses œuvres sont interrogés ; tantôt, c’est le corps qui est interpellé. Et tantôt, alors, le corps comme objet de culture, tantôt le corps comme sujet de culture. Tantôt donc, ce dont il s’agit est le corps comme dispositif d’expression, support commu nicationnel sur lequel se font pesants les projets culturels ; tantôt ce dont il s’agit est le corps pensant – posant le problème, pour la science, du préré flexif, de l’antéprédicatif.
Par delà ces divers tournants, des retours se dessinent. Le précédent tome trace ainsi le « retour au sujet », l’attention aux microprocessus, comme une réponse aux théories des macrostructures, où ont été originellement pensées les déterminismes cachés des comportements individuels. Le pré sent tome trace le « retour à l’acteur », comme une réponse aux théories qui, répondant ellesmêmes à ces théories du micro, ont repris la question des causalités œuvrant les individus à leur insu.
D’un côté, se tient une théorisation du fait social : on a là, originelle ment, l’approche holiste et positiviste de Durkheim et ses continuateurs, pour
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qui les comportements individuels sont socialement conditionnés, régis par des lois que seule la science permet d’élucider ; puis l’approche antihuma niste des structuralistes, pour qui tout processus social est déterminé par des structures fondamentales – le plus souvent inconscientes (cf. le tournant structuraliste).
De l’autre côté, tout en opposition, tout en « versus », se tient une théori sation de l’action sociale – attentive à la signification subjective de l’action, pour son auteur, et soucieuse de sa compréhension, de son interprétation. Dans cette perspective, originellement promue par Weber, les systèmes de valeurs, les codes et modèles, les référentiels normatifs, sont pluriels, et sou vent contradictoires. L’individu est ainsi en situation de choix ; il dispose de marges de liberté ; il est arbitre – et créateur, porteur de nouveautés (cf. le tournant postmoderne et le tournant pragmatique).
En insistant sur le signifiant, et sur la grammaire, sur l’idée que la rela tion et la forme priment sur les éléments, sur la substance, le structuralisme a offert à des disciplines variées – linguistique, psychologie, sociologie, an thropologie – un dispositif conceptuel commun. Ce en quoi il a permis une transdisciplinarité jusqu’alors sans pareil. Avec toujours la même ambition théorique : révéler des règles d’action ignorées par les acteurs euxmêmes, accéder à un niveau agissant de la réalité, invisible, invariant – les structures sémionarratives profondes (chez Greimas), les structures élémentaires de la parenté et la formule canonique des mythes, ou dans le désir mimétique (chezGirard), le champ et l’habitus (chez Bourdieu), l’épistémè (chez Foucault), etc. Le structuralisme est ainsi «retournement d’une fonction constituante en fonction constituée» (Balibar, 2005, 15) – «conversion d’un point de vue du sujet constituant au point de vue du sujet constitué» (ibid.), «renversement du sujet constituant en subjectivité constituée» (ibid.). Le structuralisme est déconstruction du sujet comme archè (comme cause, principe originaire) et reconstruction de la subjectivité comme un système d’effets (Balibar, 2005, 5) – la structure est, «de façon générique, l’opérateur de production de la subjectivité» (ibid.).
Dans le souci, réactif, de ne pas oublier l’individu, de penser son agency – son agentivité, sa « puissance d’agir » – , le retour à l’acteur s’est effectué en insistant sur la réflexivité de l’individu, réhabilitée, réinstallée au cœur des questionnement théoriques (cf. toute la French theory). La recherche part alors des phénomènes, des actions, des activités observées, pour étudier la conscience que les individus en ont, les objets et les choses comme point de centralité (cf. Callon et Latour). Elle s’astreint à suivre les acteurs au plus près de leur travail interprétatif ; elle écoute leurs explications, leurs arguments, leurs justifications, sans viser à leur réduction ou à leur disqualification (cf. Boltanski et Thévenot).
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Antagonistes, les perspectives sont à articuler. Comme le note ainsi Waldenfels (2005, 57), la querelle opposant les structuralistes et poststruc turalistes français aux phénoménologues relève d’ «un fratricide frôlant parfois le parricide», tant ces deux programmes transformèrent les idées traditionnelles de la raison et du sujet, et questionnèrent les oppositions conventionnelles, si culturellement ancrées, du corps et de l’esprit, de «l’inté rieur» et de «l’extérieur» du sujet, de l’individu et du monde. Trois derniers points sont à signaler, au seuil des différents textes qui suivent. Il s’agit, tout d’abord, d’observer l’importance du livre, comme format d’expression des pensées. Les théories rapportées ici sont massivement af faire de productions livresques. Et non pas d’articles, courts et dispersés dans des revues académiques. C’est là un fait à toujours méditer – contre les pres sions académiques actuelles à la multiplication desoutputsscientifiques et l’obsession courttermiste desrankings. Où se perd l’ambition d’une œuvre. Il s’agit, également, de reconnaître ici l’héritage original de la pensée ar tistique. La pensée française, dans son actualité, est très significativement marquée par la double rupture, entreprise par Mallarmé et Rimbaud, de l’al liance entre les mots et le monde – alliance hantant l’histoire intellectuelle, en Occident, depuis les présocratiques. Rupture accomplie par Mallarmé, lorsqu’il introduit un modèle d’énonciation inattentif aux référents – modèle « musical » et non plus « pictural », où ne valent plus que les signifiants («Aboli bibelot d’inanité sonore” ; « à la nue accablante tu»...). Et rupture entreprise par Rimbaud, lorsqu’il déconstruit le sujet en proclamant : «Je est un autre»... Comme le note Steiner (1991, 123), «ces deux entreprises, et tout ce qu’elles impliquent, font éclater les fondations de l’édificehébraïcohéllénicocarté sien qu’occupaient la ratio et la psychologie de la tradition de communication occidentale. Comparées à cette rupture, il n’est jusqu’aux grandes révolutions politiques et aux grandes guerres de l’histoire de l’Europe des derniers siècles qui ne paraissent secondaires»... Depuis cette double rupture, le signe appa raît arbitraire et le monde est entré dans « l’ère de l’épilogue ». Depuis cette double rupture, la signification est pensée comme libre donation de sens. Pensée dont on ne cesse d’explorer les conséquences.
Il s’agit, finalement, de reconnaître le fait que, dans le jeu des tournants et des retours, les effets de mode sont d’importance : ainsi Foucault atil longtemps été, et reste encore, un auteur fétiche, s’avérant actuellement l’un des plus cités au monde ; Latour lui succède ; Deleuze pourrait être le pro chain – les travaux philosophiques de Castoriadis, de Simondon, de Rancière, suscitent également un intérêt nouvellement marqué, sinon même un cer
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1 tain engouement ... Osons alors, dans l’évocation d'auteurs non étudiés ici, suggérer de s’intéresser aussi à Bergson : si Deleuze, étudiant les fondements du structuralisme, en sciences sociales, en a révélé l’essence bergsonienne (par l’attention portée à la différence et à la pensée du « devenirautre », et par la substitution du possible/réel par le virtuel/actuel), les travaux phi losophiques de cet auteur demeurent trop peu exploités. Longtemps, avant le développement du structuralisme, ils n’ont guère servi que comme « an tithèses » – leur critique conceptuelle et méthodologique permettant ainsi l’avènement, en France, d’une sociologie « scientifique » (dans la perspec tive de l’école durkheimienne). Longtemps encore, pendant le développement même du structuralisme, ils n’ont inspiré qu’en silence les travaux en eth nologie et sociologie (Delitz, 2012). Au regard des orientations et préoccu pations théoriques actuelles, les thèses qu’ils portent s’avèrent très promet teuses. Elles sont à mobiliser – notamment celles qui, affirmant l’immanence du corps et de l’esprit, du signifiant et du signifié, soulignent l’importance de l’affectivité, de la corporéité, dans le champ du social. Ce qui, comme le note Arppe (2014), constitue l’un des apports les plus conséquents, les plus fructueux, de lafrench social theory...
Références Arppe T. (2014),Affectivity and the Social Bond. Transcendence, Economy and Violence in French Social Theory, Ashgate. Balibar É. (2005), Le structuralisme : une destitution du sujet ?,Revue de métaphysique et de morale, 45, 1, 522. Delitz H. (2012), L’impact de Bergson sur la sociologie et l’ethnologie françaises,L’Année sociologique, 62, 1, 4165. Mucchielli L. (2000), Réflexions sur les usages contemporains de Tarde. Tardomania ?, Revue d’Histoire des Sciences Humaines, 3, 161184. Steiner G. (1991),Réelles présences, Paris, Gallimard. Waldenfels B. (2005), Normalité et normativité. Entre phénoménologie et structura lisme,Revue de métaphysique et de morale, 45, 1, 5767.
1. Tarde a aussi fait l’objet d’une attention récente très soutenue. « Tardomania », selon l’expression de Mucchielli (2000)…
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