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Description
Sujets
Informations
Publié par | Iggybook |
Date de parution | 05 juillet 2018 |
Nombre de lectures | 0 |
EAN13 | 9782363158031 |
Langue | Français |
Informations légales : prix de location à la page 0,0250€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.
Extrait
SAMU, Médecins, Intouchables ?
Catherine Moret-Courtel
2018
Cet ebook a été réalisé avec IGGY FACTORY. Pour plus d'informations rendez-vous sur le site : www.iggybook.com
Du même auteur
La Caissière, Belfond 2008 Prix du Premier roman du Rotary 2009
Ne reviens pas sur tes pas , De Borée 2014
À Matthieu
Avertissement
Ce témoignage raconte une histoire vraie.
D’abord pénible, puis tragique, qui a bouleversé nos vies.
Celle d’un cancer traité avec inconscience, mais surtout, celle de la mort, à l’âge de 26 ans, d’un jeune homme, fils, frère et fiancé.
Quand on a l’habitude de croire qu’on a toute la vie devant soi, lui, s’est éteint seul, dans la souffrance, parce que ceux qui avaient été appelés et celui qui l’avait examiné ont failli à leur devoir de soin.
Cette histoire, j’ai voulu la raconter à la troisième personne, comme vue de l’extérieur, avec un semblant de détachement, comme pour l’exorciser… Excepté le moment où j’apprends la terrible nouvelle.
J’ai voulu aussi donner corps aux protagonistes. Elle, puis Lui. Des humains qui n’ont plus été que des numéros, des cas, des gêneurs, des dommages et intérêts, totalement déshumanisés pour Eux, les médecins, l’administration, les avocats, les magistrats.
Je n’ai pas voulu en faire un réquisitoire, puisque la justice est passée.
Les lieux, les centres médicaux, les tribunaux, les noms, rien n’est précisé.
Cela aurait pu arriver n’importe où.
Personne n’est, hélas, à l’abri de ce genre de drame.
ELLE
2006, novembre
Il sentit une main légère effleurer son dos. Mais il n’eut pas le temps de se retourner.
« Baloo, je vais pas bien ».
D’abord, il détestait qu’elle l’appelle Baloo. Cela suggérait une allure pataude et enveloppée qui lui renvoyait une image peu flatteuse de ce qu’il pensait être à un peu plus de cinquante ans…
Et surtout, quand elle utilisait ce petit nom ridicule, cela ne présageait rien de bon. Cet amollissement bêtifiant annonçait en général l’imminence d’une catastrophe.
Finalement, il se retourna.
« Qu’est-ce qui ne va pas ? »
La tête au ras de la couette, sa femme avait l’air tout à fait normal dans la pénombre matinale. Juste un peu emmaillotée dans l’imprimé oriental, ce qui lui donnait l’aspect assez comique d’une momie bariolée.
Et qui parlait.
Volubile. Intarissable.
Une vraie logorrhée pour lui préciser tout ce qui n’allait pas, le coté du dos, le ventre, la douleur, la gêne quand elle essayait de bouger, l’incompréhension et pour finir cette précision :
— Je n’ai plus de médecin.
— Eh bien, tu en cherches un, les pages jaunes, c’est fait pour ça…De toute façon, tu peux aller chez n’importe qui, il ne sera pas pire que le précédent.
Il secoua la tête. Cette idée aussi d’écouter ses copines. De filer grossir la clientèle féminine d’un charlatan beau parleur. Cela faisait deux ans que de temps à autre, sa femme se plaignait d’une douleur dans le dos à gauche, un peu plus bas que la taille. Sans que cela n’eut d’une quelconque façon intéressé l’homme de l’art.
Elle sentit l’agacement. S’excusa.
« Baloo, je suis désolée, mais vraiment ça va pas. Je n’ai pas besoin qu’en plus tu m’engueules… ».
On était en décembre, début de week-end, il était sept heures trente. Il se leva avec un soupir, balaya l’espace d’un geste de la main, comme pour chasser des mouches importunes sans se douter qu’à partir de ce matin-là, plus jamais sa vie ne connaîtrait d’insouciance heureuse.
Elle avait vraiment mal au ventre.
Un peu à gauche. Rien de spécial à gauche ?
De toute façon, même à droite, cela n’aurait rien voulu dire car l’appendice, cela faisait longtemps qu’on lui avait enlevée et ce genre de boyau, ça ne repousse pas.
Elle ne comprenait pas. Tout avait l’air de fonctionner comme il faut. Simplement une grosse fatigue, une terrifiante fatigue qui lui imposait, les soirs où elle n’en pouvait plus, de monter pour la trentième fois au premier étage de leur maison…à quatre pattes. Oui, ce n’était pas glorieux, mais c’était plus facile et elle s’assurait que personne, pas même son mari ne remarquait son manège. L’épuisement, pas la récession à un mode de locomotion animale, bien sûr, elle l’avait déjà signalé à son médecin. Cela n’avait suscité aucune réaction. Peut-être était-ce dans l’air du temps de finir les soirées dans un tel état d’épuisement ? Peut-être aurait-elle dû préciser alors, à ce médecin distrait, qu’elle en arrivait à abolir des centaines de milliers d’années de progrès qui nous avaient permis de passer d’une posture horizontale à un aplomb vertical, du statut de pithécanthrope alalus , le singe vaguement humain mais qui ne pouvait causer, à celui d’homo erectus, ce qui avaient permis par de nombreuses modifications fonctionnelles, la parole. Et le fait qu’elle pouvait maintenant, intelligemment se plaindre d’être exténuée. Horriblement exténuée.
Mais on peut imaginer qu’alors elle aurait intéressé le praticien pour des motifs n’ayant rien à voir avec son harassement et qu’elle en aurait fait les frais. Vous pensez, une patiente qui marche à quatre pattes et s’en vante, ça sent l’atteinte psychiatrique. Elle aurait eu beau préciser « les escaliers », parce que sur le plat, on a perdu la pratique, c’est plutôt difficile et crevant, elle n’aurait fait qu’aggraver son cas et aurait eu droit, pour commencer, à ces pilules dont parait-il nous sommes les premiers consommateurs en Europe, mais qu’on n’obtient que sur ordonnance, donc avec la complicité indulgente d’un toubib. Histoire de soigner ce qui ne pouvait être, bien sûr, qu’une dépression passagère.
Comme son état s’aggravait, elle prit la décision de consulter, selon l’expression consacrée.
Pages jaunes et une carte. Le tout sur Internet. Il n’y a que ça pour vous fournir carte et pages jaunes en même temps. Et, de plus, le temps précis pour vous rendre à l’adresse que vous avez sélectionnée.
Et elle trouva.
Le médecin le plus proche, mais dans le département d’à côté. Au sud.
Parce que dans le département où elle habitait, non merci. Département sinistré. Région sinistrée. Pas assez de médecins, de dentistes, de kinés… Fallait attendre pour tout. Pénurie. Se faire soigner était une aventure, une partie de patience durant des semaines, voire des mois. La gynécologue ? Trois mois d’attente…Le dentiste ? Au moins deux mois. La rage de dents imposait alors d’avoir de réels talents de comédien pour faire passer, au téléphone, toute la douleur d’un abcès vrillant le crâne dans un souffle de voix mourante afin d’émouvoir la secrétaire-cerbère et d’obtenir un rendez-vous dans la semaine. Le lendemain ? N’y pensez pas.
D’ailleurs, elle avait remarqué que la loi de l’offre et de la demande faussait un peu le code de déontologie…Car dans son département, le dernier médecin fréquenté, avec l’alibi du secteur deux, faisait semblant de l’écouter moins de dix minutes pour le prix d’une visite majorée, très majorée. Le plus grand soin et le temps nécessaire n’étaient pas respectés.
Ses douleurs dans le dos, à gauche, à la taille ? Silence ennuyé. Sa gêne cardiaque qui la faisait tousser ? Pour toute réponse, des petites pastilles aux plantes, du genre à donner aux mouflets pour faire dodo. Le Docteur avait décrété avec un mouvement las de la main qui évacuait toute pathologie sérieuse qu’elle avait des palpitations. Diagnostic qui vous relègue à l’état de mémère qui s’énerve pour un rien et qui la vexait.
Le tout avec un air de ponte, sûr de sa longue expérience, qui l’exaspérait.
Elle se fâcha et décida que ce genre de m