208
pages
Français
Ebooks
2005
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Publié par
Date de parution
20 janvier 2005
Nombre de lectures
0
EAN13
9782738183361
Langue
Français
Poids de l'ouvrage
1 Mo
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20 janvier 2005
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EAN13
9782738183361
Langue
Français
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1 Mo
© O DILE J ACOB , JANVIER 2005
15, RUE S OUFFLOT , 75005 P ARIS
www.odilejacob.fr
EAN 978-2-7381-8336-1
Le code de la propriété intellectuelle n'autorisant, aux termes de l'article L. 122-5 et 3 a, d'une part, que les « copies ou reproductions strictement réservées à l'usage du copiste et non destinées à une utilisation collective » et, d'autre part, que les analyses et les courtes citations dans un but d'exemple et d'illustration, « toute représentation ou réproduction intégrale ou partielle faite sans le consentement de l'auteur ou de ses ayants droit ou ayants cause est illicite » (art. L. 122-4). Cette représentation ou reproduction donc une contrefaçon sanctionnée par les articles L. 335-2 et suivants du Code de la propriété intellectuelle.
Ce document numérique a été réalisé par Nord Compo
Liste des auteurs adolescents
Akhtar Sobia
Aridj Souad
Azzoug Brahim
Baig Khurshida
Benghilas Rachid
Benkir Ghaita
Chi Yching
Cognon Rony
Cortes Vanessa
Diallo Kouba
Ghénimi Anissa
Honorel Stéphanie
Joseph Stéphane
Kharkhache Radia
Loubia El Mahfoud
Low Fabien
Marecar Shaoul
Monzili Gaylor
Mouhamad Rabiya
Otmani Kamila
Oumellil Farid
Ousaïd Rachida
Paulino Andréa
Pierre Jessy
Rocagel Marc
Sahi Lila
Saïdi Sofia
Samb Maty
Sulliman Rosemina
Ta Phui-Di
Tou Abdelkader
Tu Michel
Volberg David
Vuong Roselyne
Younes Fadila
Introduction
Voici un livre qui, avec ses photographies et sa mise en page, pourrait faire figure de « beau livre ». À ceci s’ajoute le fait que la mémoire familiale, dans le contexte de familles immigrées d’une banlieue populaire, semble constituer le type même du « beau sujet ». Les souvenirs de famille, la mémoire en général, ont le vent en poupe par les temps qui courent. Il y aurait là matière à réhabiliter la mémoire d’une population souvent pointée du doigt par les médias et les politiques. Notre propos se situe sur un axe de réflexion qui n’a rien à voir avec la question de la valeur du passé de tel ou tel groupe social. Tout du moins, si l’entreprise, dans sa version primitive, revêtait une telle dimension, le travail d’enquête et d’analyse a fait que la perspective s’est totalement dégagée de ce type d’interrogation. Il s’agit donc d’un livre à la fois plus modeste dans sa forme et plus ambitieux dans son contenu. Il traite, de manière assez ordinaire, de faits sociaux non moins ordinaires, bien que situés dans un contexte spécifique. Mais il contient des données et des analyses qui mettent à mal la conception établie de la mémoire familiale.
Cet ouvrage a une histoire longue et compliquée. Cela a commencé en 1997. Nous sommes alors une équipe enthousiaste de trois enseignants (histoire-géographie, lettres, arts plastiques), au collège Poincaré de La Courneuve, en Seine-Saint-Denis. Nous avons monté, avec une classe de 3 e , un atelier d’écriture et de recherche documentaire sur la mémoire familiale. L’idée est de faire paraître les productions des élèves, qui sont associés d’emblée à ce projet éditorial. L’affaire paraît facile et devrait pouvoir être menée dans des délais raisonnables. À la fin de l’année, nous projetons une exposition au sein du collège, avec vernissage et petits-fours ethniques, comme cela se fait souvent dans les établissements de banlieues « multicolores ». Nous comptons rédiger un texte de présentation, mettre le tout en forme et « emballer le paquet » avant la fin de l’été.
L’année suivante, les activités de l’atelier sont pourtant reconduites, avec une deuxième classe de 3 e . Le projet changera plusieurs fois de nature : livre de témoignages ; édition d’un « beau livre » encyclopédique se rapportant aux pays d’où sont originaires les familles des élèves ; grande exposition interactive avec catalogue professionnel. L’atelier sera renouvelé encore deux années supplémentaires. Finalement, nous retiendrons la formule d’un ouvrage de sciences sociales, intégrant les productions des élèves des deux premières classes (avec contrat d’édition pour chacun d’entre eux). Entre-temps, une série d’entretiens a été entamée auprès de tous les adolescents concernés, afin d’enrichir les matériaux d’enquête, principalement constitués par le corpus de textes et de photos et par des notes d’observation prises en classe et lors des nombreuses visites préliminaires rendues aux familles.
C’est avec une sorte de conscience enchantée que nous avons abordé ce travail, tant du point de vue pédagogique que du point de vue ethnologique. Nos élèves étaient originaires d’une vingtaine de pays différents, répartis sur quatre continents. Appartenant aux classes populaires urbaines, ils étaient issus, par leur famille, de mondes ruraux et souvent agricoles. Ils figuraient comme doublement « déracinés ». Quoi de plus enrichissant et salutaire, pour eux, que d’écrire sur leurs origines, convoquer leurs aïeux, rechercher et sélectionner des traces matérielles et symboliques de leur passé, notamment sous forme de photos de familles ? Le rôle de l’institution scolaire ne pouvait que s’en trouver embelli. De plus, les témoignages croisés de ces adolescents allaient nous fournir des données remarquables sur les sociétés traditionnelles et sur des univers culturels variés. Il y avait là du « grain à moudre » pour des enseignants, volontiers amateurs d’altérité culturelle, voire cultivant une certaine curiosité pour l’histoire des temps révolus. Il nous a fallu revenir assez brutalement à des réalités plus concrètes et contraignantes.
D’abord, il n’y a eu ni miracle pédagogique, ni miracle ethnographique. Nos conceptions sur l’enrichissement et le salut personnel de nos élèves par la mémoire familiale n’ont guère rencontré d’écho ! Nos espoirs de participation très active des adolescents à l’enquête ou à la recherche elle-même sont restés lettre morte. Même si, au final, nous avons obtenu un corpus assez consistant (textes, photos, comptes rendus d’entretiens, notes d’observation), qui donne du poids à l’analyse, le travail de production des textes, des documents et des données a été beaucoup plus ardu que prévu.
Ensuite, nous avons bataillé sur un temps très long, c’est-à-dire, en fait, jusqu’à l’achèvement de ce travail, pour définir les contours de notre objet et la problématique de notre étude. Cela s’est fait en plusieurs étapes, selon la procédure classique de la « grounded theory » (Glaser, Strauss, 1967), par allées et venues entre les données recueillies et la réflexion théorique.
Qu’est-ce que la mémoire familiale ?
Un ensemble de souvenirs vécus en famille, dans des maisons ou des lieux familiaux ; un savoir généalogique, une connaissance des ancêtres, des ascendants, des personnes qui nous sont apparentées ; un patrimoine de biens, d’objets et d’images familiales. Tout le monde sait cela ! Pourtant, il convient de s’interroger sur cette définition commune – et qui semble admise en sciences sociales. D’une part, est-ce que tous les gens, dans tous les contextes sociaux, distinguent leurs souvenirs familiaux de leurs autres souvenirs ? D’autre part, si tant est que la mémoire familiale soit autonome, se réduit-elle aux lieux de famille, à la généalogie, aux images et aux objets familiaux ? Nous verrons que notre ouvrage conduit à mettre en doute la pertinence sociologique du concept de « mémoire familiale » et à reformuler ce concept, de manière à le rendre plus conforme aux données empiriques.
Pourquoi étudier la mémoire familiale ?
Anne Muxel, qui a recueilli les discours et les souvenirs d’une trentaine d’adultes de professions et d’âges variés, s’est posé la question, du point de vue individuel, des contenus et des fonctions de la mémoire familiale. Elle a passé en revue les thèmes classiques de la réminiscence (lieux, maisons, tablées, cuisines, odeurs, sons, corps d’enfant, objets, photos, arbres généalogiques) et a cherché à dégager les fonctions principales des souvenirs de famille. Elle en retient trois : la transmission, correspondant au besoin de se perpétuer ; la reviviscence, correspondant au besoin affectif ; la réflexivité, correspondant au besoin d’évaluer sa vie (Muxel, 1996).
Ce genre de problématique paraît doublement marqué par le point de vue de la psychologie et par un certain ethnocentrisme social – qui pourrait être culturel, d’époque, de classe, voire d’âge et même de sexe. Les besoins individuels de mémoire familiale sont-ils universels ? Existent-ils depuis toujours ? Dans toutes les sociétés ? Dans tous les contextes ? Dans toutes les catégories de population ? Et cela semble une perspective étrange de se demander à quoi sert la mémoire familiale. Les gens choisissent-ils de se souvenir ou de ne pas se souvenir en fonction de tel ou tel besoin qu’ils éprouvent et peuvent identifier ? Si tel est le cas, comment expliquer l’existence de ces besoins ? Sont-ils explicables par le travail de la mémoire ? Le questionnement est tautologique.
Dans une autre perspective, plus orientée du côté de la sociologie, des chercheurs ont tenté de saisir les variations de la mémoire familiale et du sens que les gens attribuent à leur passé familial en fonction de leurs appartenances sociales. Si aucune analyse comparative n’a été menée, il existe des travaux portant sur différents contextes sociaux : l’aristocratie (Mension-Rigau, 1990), la bourgeoisie parisienne (Le Witta, 1988), les classes moyennes urbaines (Le Witta, 1984), les paysans (Segalen, 1985 ; Zonabend, 1980), les ouvriers (Firth, 1956). Certains chercheurs ont mesuré la profondeur ou l’étendue de la mémoire généalogique, renvoyant à tel ou tel usage social de la parenté. D’autres ont identifié des formes différentes de rapport au passé en fonction du sexe (Langevin, 1991). D’autres ont plus particulièrement examiné les modalités de construction collective des souvenirs familiaux au sein du couple (Coenen-Huther, 1994). Seulement, les interprétations qu’ils proposent se fondent généralement sur les classements préconstruits d’une sociologie assez simpliste : les classes soc