Un amour radical : Croyance et identité
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Description

« Vouloir vivre en paix avec les autres et en même temps adorer un Texte qui attaque ces autres : voilà le conflit “cornélien” que vivent bien des musulmans d’Europe, la réaction la plus commune est le déni. Il n’y a rien dans le Coran contre les juifs, les chrétiens ou les athées. Un déni bien compréhensible qui aide à vivre. Plus curieux est le fait que, en Europe, on érige ce déni en principe culturel : on peut tout critiquer sauf l’islam. Cela ne fait qu’aggraver le clivage entre discours et réalité, clivage qui n’est déjà pas simple à supporter. D’autant que la pression intégriste et identitaire vient perturber cette posture sommaire ; et que s’y s’ajoutent les jeunes qui veulent faire vivre leur Texte sacré et s’illustrer comme des héros de la foi. C’est cette intrication entre croyance, amour et vindicte qui est ici analysée, éclairant au passage les ressorts de la croyance et les supports inconscients du différend entre Islam et Occident ; différend dont on mesure la dynamique dans ce duo étrange entre terrorisme et amour. » D. S. Daniel Sibony, né au Maroc, de langue maternelle arabe, a un accès direct aux Textes fondateurs. Psychanalyste, il a publié de nombreux ouvrages dont, notamment, Le Grand Malentendu. Islam, Israël, Occident ainsi qu’Un certain « vivre-ensemble ». Musulmans et juifs dans le monde arabe. 

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 02 mai 2018
Nombre de lectures 0
EAN13 9782738144409
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,0750€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

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© O DILE J ACOB , MAI  2018 15, RUE S OUFFLOT , 75005 P ARIS
www.odilejacob.fr
ISBN : 978-2-7381-4440-9
Le code de la propriété intellectuelle n'autorisant, aux termes de l'article L. 122-5 et 3 a, d'une part, que les « copies ou reproductions strictement réservées à l'usage du copiste et non destinées à une utilisation collective » et, d'autre part, que les analyses et les courtes citations dans un but d'exemple et d'illustration, « toute représentation ou réproduction intégrale ou partielle faite sans le consentement de l'auteur ou de ses ayants droit ou ayants cause est illicite » (art. L. 122-4). Cette représentation ou reproduction donc une contrefaçon sanctionnée par les articles L. 335-2 et suivants du Code de la propriété intellectuelle.
Composition numérique réalisée par Facompo
Prologue


En Europe, et notamment en France, nombre de musulmans supportent en silence une dure contradiction : ils veulent vivre avec les autres et, en même temps, leur tradition leur transmet des contenus hostiles aux autres. Le Coran, que presque tous vénèrent, enseigne que les « gens du Livre » (juifs et chrétiens) sont pour la plupart des pervers, qu’ils sont maudits par Allah en tant que mécréants, qu’il en a fait des singes et des porcs, etc. 1 .
Cette contradiction n’est pas simple à vivre, elle n’est d’ailleurs pas évoquée par les intéressés, beaucoup décidant de l’ignorer, non sans raison : pourquoi traîner avec soi ce boulet ? D’autres décident plus simplement de la nier : il n’y a pas de problème car il n’y a pas dans le Coran d’appels violents envers les autres. Ce déni aussi est compréhensible : si vous-même, cher lecteur, aviez un texte problématique ou une histoire identitaire agressive par principe envers ceux qui vous entourent aujourd’hui, vous n’aimeriez pas qu’on l’évoque, vous auriez tendance à la minimiser, ou à la nier carrément si les circonstances s’y prêtent ; et ceux qui la rappellent, vous les verriez à bon droit comme des gens malveillants, ce qu’ils ne sont peut-être pas.
Or le texte coranique est sans cesse rappelé par des musulmans eux-mêmes, dans un besoin fort légitime de perpétuer la tradition, et par des intégristes qui veulent connaître et proclamer l’intégrité de leurs racines ; ainsi que par des radicaux qui cherchent à s’en approcher autant qu’ils peuvent, et à les mettre en acte lorsqu’ils les voient à l’abandon 2 . Cela alourdit la contradiction qu’endurent des musulmans paisibles, qui se récrient : « nous n’avons rien à voir avec ces gens, ne faites pas d’amalgame ». Ils n’ont pas tort, du reste la plupart des citoyens ne font pas cet amalgame et ne prennent pas « les musulmans » pour des violents, encore moins pour des terroristes, mais ils doutent fort que les discours intégristes et les pratiques radicales n’aient rien à voir avec l’islam. On a beau leur dire que l’islamisme n’est pas l’islam, la langue leur assène que les deux mots ont même racine. La plupart des musulmans le savent, et cela accentue la contradiction que certains résolvent par le déni, et d’autre par le simple refus de savoir.
Le problème est que ce déni est endossé par la doxa organisée : des fonctionnaires (politiques, culturels, médiatiques) croient faire du bien aux musulmans en prenant ce déni à leur compte, et donc au compte de la nation. Ce faisant, ils les enferment dans ladite contradiction, devenue opaque puisqu’il n’y a plus rien à en dire, sauf à osciller entre « il n’y a pas de problème », ce qui est faux, et « il y a un problème affreux », ce qui l’est aussi. On oscille entre le déni et l’indignation affolée. Dans les deux cas, on délimite un groupe où un problème est évoqué qui, en dehors du groupe, doit rester secret. C’est comme une mise au secret des musulmans. Si l’on considère une famille, qui est un bon modèle de collectif, on sait qu’un secret connu d’une partie de ses membres finit par l’être de tous les autres mais sur le mode du scandale et de la rancœur ; outre que ceux qui « le savaient » n’ont pas très bien vécu avec.
De fait, chaque fois que l’islam traditionnel est évoqué et réclame plus de place, ou que des jeunes font retour à la religion et y cherchent des repères, ou que l’intégrisme s’exprime sous des formes violentes, le secret est mis à nu et le déni officiel se révèle problématique.
L’argument clé pour justifier cette sorte de cordon sanitaire qui coupe la réalité vécue par les musulmans de celle que vivent les autres est celui-ci : dire qu’il y a de la violence envers les autres dans les fondamentaux de l’islam reviendrait à « condamner » tous les musulmans. Or cela suppose que la plupart des gens sont « racistes » au sens banal de juger les personnes d’après leur origine (ethnique ou culturelle), et non d’après ce qu’ils en font ; et qu’ils confondent aussi les personnes et les Textes. Croire que « les musulmans » seront jugés et exclus à cause de cette origine millénaire agressive, c’est travailler sous la pire hypothèse, celle qui suppose chez « tout le monde » le racisme ou la haine identitaire. L’hypothèse est sans doute fausse, la plupart des non-musulmans sont neutres ou bienveillants envers les musulmans, et comprennent d’où ils viennent, quel chemin ils parcourent, quelle vindicte inscrite ils surmontent – ou décident d’ignorer – pour vivre avec les autres, sous une souveraineté qu’ils acceptent.
Ce qui contrarie cette hypothèse, c’est un minimum de bon sens, outre les sondages et la simple réalité 3 . Pourquoi serait-on exclu si on hérite d’une idéologie agressive ? Si l’islam contient des appels contre les autres, évoquer ce fait non seulement ne condamne pas les musulmans de ce pays, mais au contraire leur fait savoir que ce problème est partagé par ceux qui savent, c’est-à-dire par un grand nombre : les gens ne sont pas aussi bêtes qu’on leur demande de le paraître. C’est constater que le problème est partagé par tout le monde, à charge pour les uns et les autres de l’élaborer comme ils le peuvent. Cette origine, les musulmans n’ont fait qu’en hériter, ils ne l’ont pas eux-mêmes produite, tout dépend de ce qu’ils en font, et vu que l’épreuve est difficile, on pourrait plutôt leur témoigner du soutien, de la bienveillance, de la compassion. Il est vrai que cette compassion est souvent confondue avec la culpabilité (« c’est de notre faute… »), ce qui laisse supposer qu’en amendant nos conduites, qui sont toujours défectueuses, on peut couper des sujets de leurs appels originaires. Et qu’il y a un mode d’être modèle, le nôtre, qui, si l’on y fait entrer tout le monde, empêchera des traditions problématiques de se faire entendre.
Cette hypothèse (la plupart des gens sont racistes) est peut-être une manière de projeter ses propres tendances racistes sur « la plupart des gens ». C’est une façon d’en rajouter sur « nos » bonnes intentions : « Nous sommes si bien disposés envers vous qu’il n’y a rien dans votre Livre qui nous soit hostile. » L’interlocuteur averti est un peu gêné, il n’en demandait pas tant, ou plutôt, il croyait avoir devant lui une épreuve délicate, et on la lui confisque. Dans cette posture condescendante, les bonnes intentions sont payées par un mensonge : il n’y a pas d’appels agressifs ; en outre, ils ne se rapportent qu’à leur époque (ils sont « contextualisés »), enfin seuls des cinglés les proclament 4 .
Il semble que ce ne soit pas une bonne chose de dire que ce qui se passe « n’a rien à voir avec l’islam ». À croire qu’il y a si peu de vérités à se mettre sous la dent, mais se voir assener ce mensonge risque d’en excéder plus d’un.
Lever le déni dans la doxa, ne plus en faire une loi, cela peut améliorer les relations avec les musulmans. Dans les échanges, on n’en sera pas à se demander si l’autre sait que l’on sait le secret ; vu qu’en outre celui-ci ne peut qu’éclater au prochain événement. Il s’ensuivrait des rapports de respect mutuel où l’on respecte l’islam non pas au sens de s’y soumettre mais au sens de reconnaître que c’est une vaste religion qui convient à ses fidèles ; qu’ils veuillent ou non la réformer, c’est leur affaire. Devant un attentat, ils n’auront plus à redouter l’amalgame, ils diront que certains musulmans veulent mettre en acte ces appels d’un autre âge (et ils seront d’un autre âge puisque eux-mêmes auront cessé de les transmettre). Ils pourront dire que la guerre sainte ne fait plus sens, au lieu de dire « il n’y a jamais eu de guerre sainte ni d’appels religieux à la faire », déni qui revient à protéger ces appels à ladite guerre.
En somme, loin d’alléger l’épreuve des musulmans par le déni (le « rien à voir avec l’islam »), la doxa organisée la leur complique. Elle met au-devant de la scène de braves auteurs forcés de mentir (« il n’y a pas d’appels au djihad dans le Coran ») alors qu’ils sont simplement honnêtes et coincés, mais qu’ils doivent servir la bonne cause, le « vivre-ensemble » qui sans doute mérite mieux.
Si nous avons suivi la chose sur des années, ce n’est pas que ces appels radicaux au « combat pour Allah » représentent un danger pour notre civilisation. Certes, ils ont des effets meurtriers, mais les forces qu’ils mobilisent n’ont aucune chance de triompher en Occident. C’est plutôt le délitement qu’elles suscitent du côté de la loi laïque qui pose des problèmes, d’ailleurs intéressants. Le danger en France n’est pas l’islam radical mais la surdose d’hypocrisie et de renoncement que s’impose la République devant l’expansion programmée de l’islam tout court, expansion que l’islam a l’honnêteté d’annoncer, alors que les instances républicaines n’ont pas celle d’en tenir compte. L’islam est fidèle à sa vocation, la République est infidèle à la sienne.
C’est ce que traduis

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