UN MONDE ENCLAVE , livre ebook

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2017

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La chute du mur de Berlin a fait miroiter un monde où tous les murs tomberaient, mais jamais l’humanité n’en a érigés autant qu’aujourd’hui. Dans un reportage de terrain vivant et sensible, Un monde enclavé nous amène à la rencontre des femmes et des hommes qui vivent à l’ombre du béton armé. Du Sahara occidental, à la clôture qui sépare un quartier riche d’un quartier pauvre dans la ville de Montréal, en passant par Ceuta et Melilla, Chypre, le Bangladesh, la Palestine, l’Irlande et le Mexique, Marcello Di Cintio donne à voir l’étendue des ravages causés par la construction d’enclaves.
Qu’elles soient hérissées de barbelés ou faites de ciment et de pierres, ces barrières échouent généralement dans leurs prétentions sécuritaires, et nourrissent la peur et la haine. Mais paradoxalement, comme le montrent ceux et celles qui ont le courage de les surmonter et l’imagination pour les transformer, les murs inspirent aussi leur propre subversion.
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Publié par

Date de parution

21 septembre 2017

Nombre de lectures

1

EAN13

9782895967187

Langue

Français

© Lux Éditeur, 2017
www.luxediteur.com
© Marcello Di Cintio, 2012, 2013
Titre original: Walls. Travels Along the Barricades
Conception graphique de la couverture: David Drummond
Dépôt légal: 3 e trimestre 2017
Bibliothèque et Archives Canada
Bibliothèque et Archives nationales du Québec
ISBN (papier): 978-2-89596-248-9 ISBN (epub): 978-2-89596-718-7 ISBN (pdf): 978-2-89596-909-9
Ouvrage publié avec le concours du Programme de crédit d’impôt du gouvernement du Québec et de la SODEC . Nous reconnaissons l’aide financière du gouvernement du Canada pour nos activités d’édition, ainsi que du Programme national de traduction pour l’édition du livre, une initiative de la Feuille de route pour les langues officielles du Canada 2013-2018: éducation, immigration, communautés, pour nos activités de traduction.

Pour Amedeo
INTRODUCTION
La maladie du mur
La promenade de Jérusalem à Bethléem, la veille de Noël, n’a pas été l’extraordinaire révélation biblique à laquelle je m’attendais. Plutôt qu’un sentier rocailleux traversant de vastes pâturages, j’ai parcouru des trottoirs pavés qui longeaient une autoroute. Mon «pèlerinage» a duré moins de deux heures. Il faisait froid – pour une rare fois, la neige avait recouvert Jérusalem –, mais c’était l’anxiété plutôt que le mercure qui faisait frissonner les visiteurs. En cette fin d’année 1999, les craintes entourant l’arrivée du nouveau millénaire ajoutaient une couche de tension aux festivités de Noël. À Bethléem, les équipes de télévision du monde entier brandissaient leurs microphones devant les visages des touristes et demandaient à ceux-ci pourquoi ils n’avaient pas peur. En Palestine, la rumeur courait que le dirigeant, Yasser Arafat, refusait de s’adresser aux foules de peur d’être assassiné. Aucun attentat n’a eu lieu, bien entendu, et après plus d’une décennie marquée par l’intifada, la guerre, le terrorisme et l’effondrement économique, on ne peut que ressentir une certaine nostalgie en pensant à la menace fantôme du bug de l’an 2000.
Je garde bien peu de souvenirs de ma balade vers Bethléem, si ce n’est le bruit de la circulation et l’odeur du gaz d’échappement en guise d’encens. Ce dont je me souviens, toutefois, c’est comment les périphéries de Jérusalem et Bethléem se fondaient, indistinctes, quelque part sur l’autoroute 60. Je n’arrivais pas à dire où commençait et finissait chacune des villes saintes.
À mon retour à Jérusalem, huit ans plus tard, un mur avait clarifié cette ambiguïté entre «ici» et «là-bas». En effet, de grandes plaques de béton séparaient maintenant Bethléem et Jérusalem. L’existence de ce mur ne m’a pas surpris; les médias internationaux s’en moquaient depuis les débuts de sa construction en 2002. Lorsque j’ai fini par le voir en vrai, le mur de Cisjordanie faisait déjà partie, avec le Mur occidental – ou mur des Lamentations, lieu saint du judaïsme par excellence – et les anciennes fortifications de pierre entourant la vieille ville, de la trinité de murs que les voyageurs visitent et photographient à Jérusalem. J’étais stupéfié par la taille impressionnante du mur, par l’austérité de son béton et par l’inexorable précision de la ligne qu’il traçait entre les deux villes. J’ai également été frappé par l’immense bannière suspendue du côté israélien du mur, sur laquelle était écrit, en trois langues et apparemment sans ironie: «Que la paix soit avec vous.»
Un peu plus tard lors de ce même voyage, j’ai visité Ramallah, une autre ville entourée par le mur, sur la rive ouest du Jourdain. C’était un vendredi pendant le ramadan. De ce côté du mur, des centaines de Palestiniens s’étaient rassemblés pour traverser la barrière et assister à la prière du vendredi à la mosquée al-Aqsa, à Jérusalem. Quelques jours avant, j’avais lu que les soldats de Tsahal, l’Armée de défense d’Israël, prévoyaient de proscrire aux jeunes hommes l’accès à Jérusalem. Puis, j’ai entendu une rumeur selon laquelle tous les hommes, peu importe leur âge, se verraient refuser le passage, et que seules les femmes pourraient entrer. Personne ne savait vraiment ce qui allait se passer. En dépassant la foule, j’ai remarqué que Tsahal avait décidé de bloquer complètement le poste de contrôle. Des hommes âgés et des femmes attendaient le long du mur, appuyés contre le béton froid, espérant que l’armée change de nouveau d’avis. Pour me rendre au centre-ville de Ramallah, j’ai partagé un taxi avec un Palestinien âgé. Je ne comprenais pas ce qu’il me disait en arabe, mais j’arrivais à deviner en le voyant hocher la tête et lever les mains au ciel. Il s’était impatienté et avait décidé d’aller prier à la maison. En rentrant ainsi chez lui, il abdiquait silencieusement devant le mur.
* *    *
La construction de murs a toujours été au cœur des préoccupations de la civilisation humaine. Au premier siècle de l’ère chrétienne, l’empereur romain Hadrien a fait ériger un mur de calcaire de 120 kilomètres dans la province romaine de Bretagne. Encore aujourd’hui, les universitaires débattent des intentions qui ont motivé la construction du mur d’Hadrien. Certains suggèrent qu’il voulait exclure de son empire les sauvages qu’il n’avait pas réussi à conquérir, ou bien qu’il cherchait à contrôler le commerce et l’immigration dans la région. D’autres encore doutent que le mur, flamboyante et spectaculaire démonstration du pouvoir impérialiste, ait servi à autre chose qu’à en mettre plein la vue. Sous le soleil du nord, ce mur emplâtré et blanchi brillait sans doute à des milles à la ronde.
Le mur d’Hadrien a continué d’impressionner bien après que son plâtre s’est émietté et que l’Empire romain a cédé sa place à l’Empire britannique. En 1754, l’antiquaire anglais William Stukely s’extasiait devant ce mur, qui selon lui n’était surpassé en grandeur que par la reine en titre des murs construits par les humains, la Grande Muraille de Chine. Stukely a d’ailleurs écrit que «la muraille de Chine dessine une formidable figure sur le globe terrestre, et pourrait bien être visible depuis la Lune». Il y a lieu de saluer l’audace de ce scientifique du XVIII e  siècle qui, les deux pieds bien ancrés sur la terre ferme, s’est attaché à décrire ce que l’on percevait depuis l’espace. En réalité, son affirmation était aussi intrépide qu’erronée: on ne voit aucune trace de la Grande Muraille depuis la Lune. Cependant, le mythe, tout comme la muraille, persiste.
Persiste aussi ce besoin de construire des murs. Dans les années 1800, les Danois ont récupéré un mur de l’ère viking pour en faire des fortifications militaires pendant la guerre contre les Prussiens. Dans les années 1870, l’Argentine a construit une ligne de tranchées et de miradors, appelée Zanja de Alsina, pour protéger la province de Buenos Aires de l’invasion du peuple autochtone mapuche. Au début de la Seconde Guerre mondiale, la France a bâti la ligne Maginot, un mur de béton s’étendant le long de la frontière française, pour se défendre des attaques de l’Allemagne nazie. Fortifiée à l’aide de bataillons d’artillerie, de mitrailleuses et de barricades antichars, la ligne Maginot n’a toutefois pas impressionné l’armée d’Hitler, qui s’est contentée de la contourner. Plus tard, l’Allemagne de l’Est érigeait son propre mur. Le mur de Berlin, construit en 1961, a séparé les parties est et ouest de la ville pendant près de trente ans.
Les murs ne font pas que nous diviser. Ils nous rendent malades. Ils ont le pouvoir de nous rendre fous. En 1973, le psychiatre Dietfried Müller-Hegemann, un Allemand de l’Est, notait chez les Allemands qui vivaient près du mur de Berlin la présence accrue de psychoses, de schizophrénie et de phobies. Ils souffraient aussi d’accès de colère, de dépression et d’alcoolisme, et étaient plus susceptibles de tenter de mettre fin à leurs jours que la moyenne. Plus ses patients vivaient près du mur, remarquait le psychiatre, plus leurs troubles étaient sévères. Parfois, leur traumatisme émotionnel s’exprimait physiquement; un des patients de Müller-Hegemann souffrait m&#

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