Vers une civilisation du loisir ?
82 pages
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Vers une civilisation du loisir ? , livre ebook

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Description




Travailler plus pour gagner plus, liberté d’entreprendre, réduction du temps de travail comme réponse au chômage, instauration d’un revenu universel sont autant de visions qui interrogent la place du loisir dans nos vies et le droit au délassement, au divertissement, au libre développement.


Texte visionnaire publié en 1962, Vers une civilisation du loisir ? est d’une actualité bouillonnante. Il apporte des éléments de réflexion, comme par anticipation, à un grand nombre de questions qui nous animent aujourd’hui : la relation du temps libre et du temps travaillé, la place du loisir dans l’épanouissement personnel des femmes et des hommes (bricoler, cuisiner, jardiner, lire, aller au théâtre ou partir en vacances), les conditions et les limites d’accès à la culture...


Son auteur, Joffre Dumazedier, a été un militant de l’éducation populaire, un penseur singulier, un homme d’action et de réflexion qui n’aura eu de cesse d’œuvrer pour un droit au loisir toujours plus grand, car il croyait aux vertus du temps libre et à ce qu’il permet : se rencontrer, échanger, collaborer. Finalement : se cultiver et devenir meilleurs.


Près de 60 ans après sa publication, le texte est réédité pour la première fois et accompagné d’un avant-propos d’Edgar Morin qui nous éclaire sur les enjeux de ce texte majeur.




Informations

Publié par
Nombre de lectures 8
EAN13 9791092305494
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,0075€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

Vers une civilisation du loisir ?

[ introduit par un entretien avec Edgar Morin ]
[collection les essais médiatiques]

dirigée par Michaël Bourgatte



www.mkfeditions.com

© Éditions du Seuil, 1962, Points Essais , 1972
© MkF éditions, 2018 Edition Papier : 979-10-92305-48-7 Droits de reproduction réservés aux organismes agréés ou ayants droit.
[La collection]

Les Essais médiatiques donnent aux lecteurs les clefs d’un débat sur les enjeux culturels, économiques, politiques et sociologiques liés aux médias et à la médiation. L’objectif est de permettre à chacun de se forger une opinion et d’appréhender ce qui se joue actuellement dans notre société, dans le cadre d’une réflexion ouverte et critique.
Chaque pan de notre vie est aujourd’hui concerné par les médias et les systèmes médiatiques. Ils nous entourent et sont omniprésents dans notre quotidien : la presse, la radio ou la télévision, bien évidemment. Mais également tout un ensemble de formes médiatiques telles que les rassemblement citoyens, les festivals, les expositions… Par ces biais, nous nous distrayons, nous nous informons, nous nous cultivons, nous façonnons nos représentations et nos idéologies.
Il s’avère aujourd’hui essentiel de s’interroger sur la relation que chaque individu entretient avec ces formes médiatiques. Il importe également de se pencher sur les mutations de notre société façonnée par des médias et des médiations qu’elle a elle-même fabriquées.

Pourquoi une importance toujours plus grande est-elle donnée aux systèmes médiatiques dans notre société ? De quelle manière impactent-ils notre relation au monde ? Quel portrait dressent-ils des événements qui ponctuent notre quotidien ?
La collection souhaite mettre l’ensemble de ces questions en débat. Pour y répondre, nous souhaitons privilégier une réflexion pluridisciplinaire et transversale. Ainsi, des approches anthropologiques, communicationnelles, économiques, ethnologiques, historiques, philosophiques ou encore sociologiques vont se croiser et se côtoyer. Il importe à la collection de mettre en discussion un phénomène complexe afin que Les Essais médiatiques rencontrent un écho tant par leur capacité à poser des questions que par leur intention de réunir une somme d’exposés lucides et éclairés sur le sujet.
[Sur Joffre Dumazedier] Entretien avec Edgar Morin
Ma rencontre avec Joffre Dumazedier
J’ai rencontré Joffre Dumazedier au lendemain de la Seconde Guerre mondiale. Nous étions tous deux au Parti communiste. C’était le moment de l’introduction en France du « jdanovisme culturel », c’est-à-dire la mise au pas des écrivains et des intellectuels dans le sens du réalisme socialiste, contre la littérature bourgeoise. Il y a naturellement eu une fronde à laquelle j’ai pris part avec des amis comme Robert Antelme. Elle conduisit à l’organisation d’une réunion avec Laurent Casanova, le responsable à la culture du bureau politique.

Au cours de cette rencontre, certaines prises de paroles allaient dans notre sens en soutenant l’idée que le front de la culture et le front de la politique ne devaient pas être confondus. D’autres considéraient par contre qu’il fallait se rallier à l’idée que la culture doit exalter le socialisme. Joffre Dumazedier, que nous ne connaissions pas avec mes amis, était de notre côté. Il prit la parole : « vous savez, il y a des livres de Camus à la bibliothèque des usines Renault. Les ouvriers lisent Camus et ils trouvent ça intéressant. Je ne peux quand même pas leur dire que c’est un provocateur, un fauteur de guerre ou un ennemi du prolétariat ». Ça m’avait frappé cette manière qu’il avait de défendre la cause de la liberté culturelle. Mais au fond, rien d’étonnant. Avec Peuple et Culture 1 , il était au cœur des réalités populaires et ouvrières. Après ça, il prit ses distances avec le parti. Nous, nous sommes restés tout en étant des dissidents culturels.

Nos cheminements intellectuels
Dumazedier s’est d’abord occupé de questions d’accès à la lecture et de bibliothèques. Ses positions restent d’une actualité brûlante : d’ailleurs les politiques publiques continuent de s’alimenter avec les idées dumazediennes. Après il pensa qu’il fallait utiliser d’autres moyens pour diffuser la culture. Quand la télévision apparut, les gens n’avaient pas les moyens d’en acheter. Alors Dumazedier a vu là un moyen de créer de la convivialité et de susciter de l’échange dans les villages de France. Le principe était simple. On investissait un bistrot, on y installait une télévision et on proposait aux gens de se retrouver autour. J’ai dû participer à deux ou trois séances car je trouvais vraiment intéressant ce que faisait Dumazedier avec Peuple et Culture . Mais dès que la télévision s’est démocratisée et que les prix ont baissé, les choses ont rapidement changé : les gens se sont achetés des téléviseurs et sont restés chez eux devant leur écran. Ce fut la fin de ces rassemblements conviviaux.

Nous nous sommes perdus de vue pendant un temps. Au tournant des années 1950, j’ai fait ma demande pour entrer au CNRS. J’ai retrouvé Joffre Dumazedier, qui y était aussi en poste, et nous nous sommes un peu côtoyés au Centre d’études sociologiques, jusqu’à ce que je le quitte pour rejoindre le Centre d’études des communications de masse. À cette époque, c’est la sociologie du travail et les études quantitatives qui dominaient. Avec Dumazedier, nous nous occupions des communications de masse et de la culture populaire ce qui était considéré comme tout à fait insignifiant. Mais Dumazedier essayait de tirer sa légitimité de son travail quantitatif. Il reportait alors sur moi la critique qu’on lui adressait — parce qu’il s’occupait comme moi de loisirs — en me reprochant de ne pas utiliser de méthodes quantitatives. Nous nous voyions, nous discutions, et il me disait : « Edgar tu n’es pas assez scientifique », parce qu’il croyait beaucoup aux chiffres que l’on tire des questionnaires, des sondages et toutes ces choses-là auxquelles je ne croyais guère. Je croyais à une autre forme de sociologie, alors que lui vouait un culte à la statistique. Mais au fond, on était l’un et l’autre assez marginaux. Nous sommes donc restés un peu amis et un peu concurrents, lui un peu critique à mon égard et moi un peu critique au sien.

À cette époque, je m’intéressais au cinéma et à la culture de masse, c’est-à-dire à la radio, à la télévision, à la presse, aux magazines, aux vacances… Donc tout cela recoupait les loisirs. Dans ce contexte, j’ai bien évidemment lu Vers une civilisation du loisir ? . Et lui a sans doute été amené à lire L’homme imaginaire , mon livre sur le cinéma, ou L’esprit du temps . Mais nous examininions ces loisirs chacun d’un point de vue très différent Dumazedier et moi. Lui, c’était sous l’angle de la libération des travailleurs face aux contraintes du travail pour qu’ils accèdent à une civilisation plus libre. Sa préoccupation essentielle était l’émancipation humaine des carcans du travail et l’épanouissement à travers le loisir. Moi je m’intéressais aux contenus des objets qui façonnent cette culture de masse, aux messages, aux mythologies qui y sont rattachées.

Le mépris de la culture de masse
Quand je faisais de la sociologie du cinéma comme stagiaire de recherche, j’allais très souvent au cinéma, mais comme je n’avais qu’un salaire très faible, j’ai demandé au CNRS qu’on me rembourse mes places de cinéma. La demande sembla tellement incongrue qu’une commission a été réunie et la commission a déclaré qu’elle ne pouvait pas rembourser quelque chose constituant plus un plaisir qu’un travail. Par contre, on accepta de me rembourser les tickets de métro ! Ce n’est que progressivement que le cinéma a acquis ses lettres de noblesse. Cela commença avant la guerre avec le cinéma de la rue Tholozet, le Studio 28, mais il a fallu beaucoup de temps pour qu’on ne reconnaisse pas seulement les films de Renoir ou de Carné comme des grands films, mais qu’on reconnaisse aussi des thrillers, des films noirs ou des westerns, comme des chefs d’œuvre. Il y a des navets, mais il y a aussi des chefs-d’œuvre. Je me souviens, dans les années 1970, je donnais une conférence à Florence et, je ne sais pas pourquoi, j’ai déclaré aimer le western. Et là, le sociologue marxiste Lucien Goldmann se rua sur le micro, me le prit et déclara : « ce n’est pas possible d’aimer le western. C’est une aliénation épouvantable de la classe ouvrière ». Ça, c’est le mépris marxiste.

Pour moi, le débat se situait ailleurs, car j’ai toujours pensé que le cinéma n’était pas seulement une évasion de la vie, mais aussi une façon de retrouver la vie d’une autre manière. Donc je me positionnais et polémiquais principalement avec les gens qui faisaient une critique radicale de la culture des masses. Des personnes issues de la tradition de l’école de Francfort, comme Adorno ou Marcuse, pour qui le cinéma et tout ce qui suit étaient des moyens d’abrutir les masses et de les détourner de la Révolution. Marcuse, que j’ai connu, n’avait jamais vu un film de cinéma. Donc quand je prenais le cas d’Hollywood qui est une sorte de machine à fabriquer des rêves artificiellement, je disais que même si le but est le profit maximum, la production a aussi besoin de création et d’originalité : il y a une relation antagoniste et complémentaire entre le producteur qui cherche à faire de l’argent et le créateur qui apporte les idées.

La question de l’engagement politique
Il y a une autre chose dont nous étions conscients Dumazedier et moi, et peut-être plus encore Georges Friedmann qui eut un rôle très important à l’époque. L’aliénation ouvrière dans le système industriel n’est pas seulement marquée par un projet d’exploitation économique – ce sur quoi les communistes et la gauche en général insistaient beaucoup. Il y a aussi une aliénation qui est due à l’organisation du travail : la spécialisation, la bureaucratisation, la hiérarchisation, la mécanisation. Nous souscrivions à l’i

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