L enfer khmer rouge
240 pages
Français
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Date de parution 01 janvier 1997
Nombre de lectures 232
EAN13 9782296349957
Langue Français
Poids de l'ouvrage 6 Mo

Informations légales : prix de location à la page 0,0800€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

L'ENFER
KHMER ROUGE
UNE ENFANCE AU CAMBODGE@ L'Harmattan, 1997
ISBN 2-7384-5893-9MAIAYPHCAR
YVES GUlHENEUF
L'ENFER
KHMER ROUGE
UNE ENFANCE AU CAMBODGE
Éditions L'Harmattan L'Harmattan Inc.
5-7, rue de l'École-Polytechnique 55, rue Saint-Jacques
75005 Paris Montréal (Qc) - CANADA H2Y lK9Les auteurs expriment une particulière reconnaissance à :
-Catherine Guiheneuf
- Marie-Louise, André et Chendareth Phcar
Ils remercient également:
-Pierre Blet
- Jean-François Duranton
- Vladimir Guiheneuf
- Christian Haguet
- Eric J eanjeanDédicace
A l'heure où le soir tombe sur mes esquisses des temples
d'Angkor, souvent je songe à mon pays lointain, le
Cambodge. Je n'ai rien oublié: aucun des chemins de la
jungle, aucun des corps mutilés,
ni le visage de mon père,
ni le sourire de ma mère,
ni celui de mes frères et sœurs.
C'est pour eux que j'ai écrit ce livre, pour qu'ils ne meurent
pas une seconde fois dans l'indifférence du monde.
La plupart de mes souvenirs sont autant de brûlures qui
peuplent mes cauchemars malgré les années écoulées. Ils
témoignent des horreurs que peut commettre la folie des
hommes.
C'est ma famille, puis mes petits frères, qui m'ont donné
jour après jour l'énergie de continuer à me battre. J'étais si
jeune et j'ai vu tant de morts que je ne sais comment j'ai
survécu. Parfois, dans le silence de la nuit je m'interroge: qui
donc a tenu le fil de ma vie pendant toutes ces années, le
hasard seul ou bien Dieu?
Je dédie ces pages à ma famille.
Je les dédie également aux enfants du Cambodge et à tous
ceux qui, dans le monde, souffrent à cause des rêves fous de
.
quelques uns de leurs frères humains.\
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5>Préface
En 1965, peu de temps après mon arrivée au Cambodge,
j'ai entendu parler de la grande famille des Phcar. Le père,
un entrepreneur à l'esprit ouvert et courageux, s'était porté
garant d'un journal d'opinion, Le Messager, lancé par un
prêtre des missions étrangères. Il fallait du courage à
l'époque pour cautionner un tel journal! Le Messager a
d'ailleurs dû clore ses colonnes, quelques mois après sa
naissance, sur pression du prince Sihanouk.
Puis les tempêtes ont déferlé sur le Cambodge... Bien des
années plus tard, le 28 mai 1997, dans l'avion qui me ramène
à Phnom Penh, je lis L'Enfer khmer rouge, que m'a remis
Malay quelques jours plus tôt. Je découvre alors l'histoire de
cette vieille famille du village "Noalang" de Phnom Penh.
Malgré ma proximité de cœur, j'ignorais tout de ce
qu'avaient vécu ces amis,. l'épreuve était demeurée cachée
sous le voile du sourire khmer que la discrétion m'avait
interdit de lever.
Félicitations, Malay, et un grand merci pour ce livre
agréable à lire, on comprend bien le drame de ta famille, et
par elle, celui du peuple khmer tout entier. Ta sensibilité
douloureuse affleure à chaque ligne.
Durant les dernières années, la communauté
internationale palabrait inlassablement sur un éventuel
procès de Pol Pot. Ce livre est un témoin accablant de cerégime kafkaïen dans lequel tout sentiment humain semblait
avoir déserté les responsables.
Puisse le Cambodge ne pas connaître à nouveau un tel
drame, dont les scènes initiales sont en train de se rejouer
ces derniers jours.
Battambang, le Il juillet 1997
1François Ponchaud
1 Le Père François Ponchaud a vécu de nombreuses années au Cambodge
avant 1975, et y réside actuellement. Il fut un des tout premiers, si ce n'est
le premier, a dénoncer le régime khmer rouge dans les colonnes du journal
Le Monde et dans son livre Cambodge Année Zéro.I - "Dans ma famille nous étions quatorze"
Juin 1966 à mars 1975
Je suis né au Cambodge en 1966, à Phnom Penh, sur les
bords du Tonlé Sap, le puissant affluent du Mékong. C'était
au mois de juin, quand le fleuve commence sa crue pour
couvrir trois mois plus tard la plaine de ses eaux grises. Mon
pays ne portait pas encore ce terrible nom de "Kampuchéa
démocratique" que lui donnèrent les Khmers rouges. Selon la
légende, l'étymologie du mot "Kampuchéa" remonte à un
lointain brahmane du nom de Kambu. Mais dans les camps,
les Khmers rouges nous disaient que le nom de notre pays
venait de Kam, la fatalité et de Puchéa, la pureté de la race.
Cette étymologie leur convenait parfaitement, car ils
voulaient extraire de la masse du peuple cambodgien une race
pure, parfaitement fidèle à leur doctrine, et ce quel qu'en fût
le prix. Quant à la démocratie, elle ne vit jamais le jour au
"Kampuchéa démocratique". Au contraire nous avons
souffert d'une dictature sans nom qui extermina froidement
plus de deux millions d'êtres humains. C'est pourquoi je
maudis ce nom de "Kampuchéa démocratique"
Dans les années soixante Phnom Penh passait pour être la
plus belle ville d'Indochine; elle était même surnommée "le
petit paradis de l'Asie du sud-est". Sa beauté remontait en
partie au protectorat français qui nous avait protégé du Siam
et du Vietnam, entraîné sur la voie d'une scolarisation presque
totale du pays, et appris à déchiffrer les écritures des temples
13d'Angkor. En 1966 Norodom Sihanouk gouvernait le
Cambodge. Les Khmers vivaient en paix. Ils ne se souciaient
pas de ce qui se passait à l'est, au Vietnam. La guerre
semblait lointaine et impossible. Pourtant des nuages
obscurcissaient déjà l'horizon. A Paris ou à Hanoï, Saloth Sâr,
qui n'avait pas encore pris le nom de Pol Pot, étudiait avec
une attention implacable les plus extrêmes des doctrines
communistes. Depuis peu la "piste Ho Chi Minh" traversait le
nord-est du pays, permettant au Vietcong de mener ses
attaques vers le Sud-Vietnam. Notre gouvernement
n'intervenait pas pour que ces incursions cessent. Il semble
qu'il essayait de jouer un jeu difficile et hasardeux entre
Hanoï d'un côté, Saïgon et Washington de l'autre. Quelques
années plus tard cette politique se désagrégea, et les
conséquences furent tragiques pour le Cambodge.
Cependant en ce mois de juin 1966 je n'étais qu'un bébé de
quelques jours, parfaitement insouciant, le septième enfant de
mes parents. Mon père avait choisi de m'appeler "Malay". Ce
prénom a vraisemblablement la même origine indienne que le
mot Malaisie formé à partir de Malaju, le nom de l'antique
cité du royaume malais. Des Pakistanais m'ont aussi affirmé
que "Malay" est le nom donné à une plante sauvage qui
pousse sur les pentes de la chaîne de l'Himalaya. Notre nom
de famille appartient lui aussi au monde végétal car en
cambodgien "Phcar" veut dire "fleur".
Mais, à la place de "Malay" choisi par mon père, ma mère
préférait me prénommer "Veasna", ce qui signifie "la
destinée" ; celle qui selon la légende déviderait le fil de son
écheveau de la naissance jusqu'à notre dernier souffle. Dans
la famille, on m'appelait donc indifféremment "Malay",
"Veasna" ou "Sna", le diminutif de "Veasna".
En 1966, mon père avait quarante ans. Il portait les
prénoms d'André et de Kralap qui lui venaient de son
ascendance eurasienne. En effet son propre père était un
Cambodgien et sa mère une. Française. Je tiens d'elle ma
nationalité française. Mon grand-père paternel vint suivre ses
14études en France au début du siècle. Il fut un des premiers
Cambodgiens à obtenir un diplôme d'ingénieur. A son retour,
il fit fortune et créa une entreprise de briqueterie à Preak Tar
Prom, un village situé aux environs de Phnom Penh. Par la
suite mon père lui succéda et dirigea l'affaire avec succès
pendant plusieurs années. A l'origine elle était la seule
briqueterie de la région, et les affaires marchaient bien. Mon
père employa jusqu'à deux mille ouvriers. Mais des
concurrents apparurent. Ils fabriquaient des briques moins
cuites, donc moins solides, mais aussi moins chères. Mon
père se refusa à ces pratiques, si bien que son entreprise

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