La violence routière (collection SRD, série Débats)
171 pages
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La violence routière (collection SRD, série Débats) , livre ebook

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Description

L'ouvrage met en évidence une société naïve dont les comportements à risque sont souvent le résultat de la manipulation et de la désinformation. L'exemple de la sécurité routière, domaine de la santé publique où les conséquences dramatiques du mensonge parlent d'eux-même, dénonce avec force ces dangers.
Les procédés de manipulation tels que le déni des faits, la falsification de données, l'ambiguïté des propos, la déformation, l'absence de communication, les inventions... sont utilisés dans la gestion de conflits d'intérêts économiques, industriels et politiques. Le mensonge infiltre alors autant les médias que les organisations politiques et les institutions.
Après une description des caractéristiques de l'accident, des règles de sécurité comme l'usage de la ceinture ou la consommation d'alcool et de stupéfiants, l'ouvrage décrit le rôle des interventions des industriels, des publicitaires, des institutions et des politiques dans le comportement des conducteurs et l'opinion publique. La conclusion propose des méthodes pour remédier à cette situation et agir contre la manipulation des faits et ne pas mourir par ignorance.
Introduction. L'accidentologie. La ceinture de sécurité. L'alcool. Les stupéfiants. L'amnistie. Les industriels et les publicitaires. Les institutions. Les médias. Airy Routier. Synthèse des pratiques. Conclusions et propositions.

Informations

Publié par
Date de parution 22 septembre 2008
Nombre de lectures 13
EAN13 9782743018849
Licence : Tous droits réservés
Langue Français
Poids de l'ouvrage 2 Mo

Informations légales : prix de location à la page 0,1150€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

directeur du Centre de recherche sur les Risques et les Crises (CRC), Mines ParisTech / ARMINES
La violence routière
Des mensonges qui tuent
Claude Got
11, rue Lavoisier F-75008 Paris
Dans la même collection
La politique de sécurité routière : derrière les chiffres, des vies série « Références » J. Chapelon, 2008
Climats et risques – Changements d’approches série « Innovations » D. Lamarre, coord., 2008
La réduction de la vulnérabilité des PME-PMI aux inondations série « Innovations » P.-G. Mengual, 2008
La catastrophe AZF – L’apport des sciences humaines et sociales série « Références » G. de Terssac, I. Gaillard, coord., 2008
Risques et enjeux de l’interaction sociale série « Notes de synthèse et de recherche » J.-M. Stébé, 2008
Le cadre juridique de la gestion des risques naturels série « Notes de synthèse et de recherche » V. Sansévérino-Godfrin, 2008
Maîtrise des risques et sûreté de fonctionnement – Repères historiques et méthodologiques série « Notes de synthèse et de recherche » A. Lannoy, 2008
Retour d’expérience et prévention des risques – Principes et méthodes série « Notes de synthèse et de recherche » W. Van Wassenhove, E. Garbolino, 2008
DAN GER LE PHOTOCOPILLAGE
TUE LE LIVRE
© LAVOISIER, 2008 ISBN : 978-2-7430-1086-7 ISSN : 1962-6045
Toute reproduction ou représentation intégrale ou partielle, par quelque procédé que ce soit, des pages publiées dans le présent ouvrage, faite sans l’autorisation de l'édi teur ou du Centre français d’exploitation du droit de copie (20, rue des-Grands-Augustins - 75006 Paris), est illicite et constitue une contrefaçon. Seules sont autorisées, d’une part, les reproductions strictement réservées à l’usage privé du copiste et non destinées à une utilisation collective, et, d’autre part, les analyses et courtes citations justifiées par le caractère scientifique ou d’information de l’œuvre er dans laquelle elles sont incorporées (Loi du 1 -juillet 1992 - art. L 122-4 et L 122-5 et Code pénal art. 425).
Table des matières
Chapitre 1 Introduction. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 1
Chapitre 2 L’accidentologie. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 7
1. 2. 3. 4. 5. 6. 7.
L’accident . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 7 Le contexte. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 10. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Comprendre le fonctionnement d’un système11. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . La distinction entre les composantes du système . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 12 Les enjeux du système. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 13 La nature de la manipulation14. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Quelle place pour les sentiments ? . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 15
Chapitre 3 La ceinture de sécurité. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 17. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
1. Les enjeux . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 17 2. Les faits établis . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 18 3. Les décisions et leurs résultats . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 19 4. Les réactions provoquées par cette décision et leurs composantes de désinformation et de manipulation . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 19 5. Les formes non spécifiques de la manipulation. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 20 6. Les formes de manipulation spécifiques utilisées pour contester l’efficacité de la ceinture de sécurité . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 21 6.1. Les cas isolés. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 22 6.2. Les analyses erronées . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 24 7. Vingt ans plus tard. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 26 © Lavoisier – La photocopie non autorisée est un délit
IV
La violence routière
Chapitre 4 L’alcool. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 29
1. L’émergence progressive de la connaissance et de la gravité du problème . . . . . . . . . . . 29 2. Le passage à l’acte politique . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 30 3. Les premières manœuvres de lobbying manipulateur . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 31 4. L’évolution de la situation à la fin des années soixante-dix. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 34 5. La manipulation avec constat d’huissier . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 37
Chapitre 5 Les stupéfiants41. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
1. Le Livre blanc de 1993 et l’incertitude sur les connaissances. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 42 2. Le passage à l’acte politique . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 44 3. La manipulation des faits par les producteurs de résultats concernant la recherche de stupéfiants dans les accidents de la circulation. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 45 4. La présentation du problème dans les médias écrits. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 47 5. La manipulation des faits au cours du débat parlementaire. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 48 6. La désinformation « institutionnelle » . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 49 7. La publication des résultats de l’étude SAM. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 50. . . . . . . . . . 8. La persévérance dans l’exagération après la publication de l’étude SAM. . . . . . . . . . . . 51
Chapitre 6 L’amnistie. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 57 1. La problématique de l’amnistie et son histoire. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 58 2. L’évolution de l’annonce de l’amnistie à venir dans les médias et de la position des candidats à l’élection présidentielle sur ce problème. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 60 3. L’émergence progressive des connaissances. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 61 4. L’analyse des méthodes utilisées pour affirmer ou infirmer l’influence d’une amnistie à venir sur l’accidentalité . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 64 5. Le débat médiatique sur le risque induit par une amnistie prévisible . . . . . . . . . . . . . . . 70 6. La fin du double débat . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 72
Chapitre 7 Les industriels et les publicitaires. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 75 1. Le Livre blanc de 1988-1989 . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 77 2. Les commentaires des constructeurs . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 79 3. Comment argumenter de tels propos ?. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 82 4. Le blocage de la recherche. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 85 5. « La réserve de puissance qui permet de doubler en toute sécurité ». . . . . . . . . . . . . . . 88 6. Le blocage de la normalisation. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 90 7. Le rôle des publicitaires91. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 8. Comment lutter contre ce type de désinformation ?. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 93
© Lavoisier – La photocopie non autorisée est un délit
Table des matières
V
Chapitre 8 Les institutions . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 95 1. L’effet d’annonce de 1997 . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 95 2. Les projets français de 2002 : une réussite et un échec . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 97 3. Le projet européen . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 99 4. Le projet de la Commission. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 101 5. Comment un choix aussi contraire au projet initial a-t-il pu être proposé par la Commission ? . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 104 6. Quelles réactions face à une telle manipulation du projet initial ?. . . . . . . . . . . . . . . . 109
Chapitre 9 Les médias . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 113 1. La spécialisation des rôles . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 115 2. Les réactions aux propositions du Livre blanc sur la sécurité routière de 1989. . . . . . 126 3. Quelle est l’évolution du déni médiatique ?. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 128
Chapitre 10 L’association des procédures. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 131. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 1. Les techniques utilisées par Airy Routier132. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 2. Les erreurs relevant de la logique formelle. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 132 3. L’usage de paralogismes informels . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 139 4. Les techniques d’influence visant à dévaloriser l’État et les personnes. . . . . . . . . . . . 140 5. Désigner d’autres cibles pour détourner l’attention . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 142 6. La dévalorisation de tous les propos contraires à la « doctrine ». . . . . . . . . . . . . . . . . 143 7. La place d’un tel « journaliste » dans un journal tel queLe Nouvel Observateur . . . . 144
Chapitre 11 Synthèse des pratiques . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 147 1. L’importance du vocabulaire, des faits et de leur usage . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 147 2. Les motivations du manipulateur . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 147 3. Les procédés . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 148 4. Le contexte des pratiques de manipulation . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 150
Chapitre 12 Conclusions et propositions. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 153 1. Faut-il faire quelque chose ? . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 153 2. Quels principes et quelles méthodes pour combattre la manipulation ? . . . . . . . . . . . . 154 3. Il faut créer une Agence de la connaissance . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 156 4. Une application de ce dispositif à la gestion d’un problème spécifique : le risque lié à la vitesse . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 157 5. Conclusions : avoir conscience de l’importance du mensonge et de la manipulation dans la vie d’une société. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 160 © Lavoisier – La photocopie non autorisée est un délit
1
Introduction
J’ai fait le choix depuis des décennies de ne pas renoncer à utiliser les mots « mensonge », « manipulation », « désinformation », quand ils caractérisaient au mieux certains actes. C’est en travaillant sur la notion de « délits non intention-nels » et de « mise en danger délibérée d’autrui » que j’ai compris la nécessité de ne pas avoir peur des mots quand leur usage s’imposait. Ce fut le cas notamment en rédigeant leRapport sur le sida1988 à propos de la contamination d’un de partenaire sexuel par une absence de protection associée à l’absence d’avertis-sement d’une séropositivité connue. Les rencontres avec les associations qui s’étaient opposées avec un certain succès à « l’amendement Fauchon » qui visait à réduire les possibilités d’actions pénales dans le cadre des délits non intention-nels ont été une autre occasion de préciser ces notions de limites appliquées à la sincérité et à la connaissance occultée, dans des domaines où la vie d’autrui est en danger. Je ne me sens pas isolé dans ce combat. Il y a des lectures qui me confortent dans mes pratiques de lutte contre le déni de la réalité observée. « En vérité le mentir est un maudit vice. Nous ne sommes hommes, et ne nous tenons les uns aux autres que par la parole. Si, comme la vérité, le mensonge n’avait qu’un visage, nous serions en meilleurs termes : car nous prendrions pour certain l’opposé de ce que dirait le menteur. Mais le revers de la vérité a cent mille figures et un champ illimité ». (Michel de Montaigne –Essaislivre 1 chapitre 9). C’est l’aspect le plus fascinant du mensonge et Montaigne l’identifie avec sa précision et sa concision habituelles. La réalité est unique, même si elle prend des visages différents, le mensonge est sans limites dans sa diversité puisqu’il s’agit d’une construction imaginaire, comme une religion ou un roman. Le menteur ayant l’initiative, il peut sortir à tout moment de son chapeau une nouvelle affirmation qu’il faudra analyser pour la réfuter. Cela demande du temps et des connaissances. C’est pour cela que le débat oral sur un plateau de télévision ou dans une conversation est inadapté pour démonter un mensong e et le faire appa-raître comme tel. Le commentaire écrit, produit après analyse et vérification des © LafvoaiistiesralLlaépghoutoécso,pieensotnlaautosreisuéeleestpurnodcéléitdure adaptée pour le mettre à bas.
2
La violence routière
Hannah Arendt, qui connaissait bien l’œuvre de Montaigne, a développé des notions très proches dans plusieurs de ses essais. « Le mensonge est souvent plus plausible, plus tentant pour la raison que la réalité, car le menteur possède le grand avantage de savoir d’avance ce que le public souhaite e ntendre ou s’attend à entendre. Sa version a été préparée à l’intention du public, en s’attachant tout particulièrement à la crédibilité, tandis que la réalité a cette attitude déconcer-tante de nous mettre en présence de l’inattendu, auquel nous n’étions nullement préparés ». (Hannah Arendt –Du mensonge à la violence). La situation du menteur et celle du chercheur de vérité qui observe une réalité seront toujours asymétriques. L’un a la liberté d’inventer et de construire les mensonges plausibles qui conforteront sa manipulation, l’autre est contraint par les faits et ne peut que les décrire et les commenter. Avant de débattre sur la vie, la mort, le plaisir, la contrainte, la liberté, le respect des autres, il faut regarder les faits et se mettre d’accord sur leur solidité et leur sens, entre personnes de bonne foi. « La liberté d’opinion est une farce si l’information sur les faits n’est pas garantie et si ce ne sont pas les faits eux-mêmes qui font l’objet du débat ». (Hannah Arendt –La crise de la culture). Traiter du mensonge et de la manipulation est une nécessité, il faut s’opposer aux pratiques de ceux qui abandonnent les « références à des principes qui débor-dent toutes les appartenances sociales et culturelles : la raison scientifique et technique et le respect des droits individuels considérés comme de nature univer-selle ». (Alain Touraine –Penser autrement). Le débat qui a suivi au printemps 2008 l’annulation judiciaire d’un mariage pour une absence de virginité de l’épouse a mis en évidence la gravité de la confu-sion des genres dans ce domaine. Une société est en danger quand elle confond les altérations de la vérité qui modifient la confiance entre deux personnes et celles qui peuvent conduire à la mort. L’affirmation publique de faits inexacts, qu’ils concernent les individus ou la réalité d’un risque, doit être totalement séparée des conflits privés. Que la justice accepte d’intervenir en accordant le statut de valeur essentielle à une notion discriminatoire (la preuve physique de la virginité n’existe pas dans le sexe masculin) concernant une relation privée, alors qu’elle demeure passive quand il s’agit de propos mettant en danger la vie d’autrui, exprime une inversion des valeurs. Organiser par la loi le droit de réponse à un « déni de réalité dangereux » est devenu une nécessité. Une frontière, parfaitement bornée en théorie mais difficile à reconnaître sur le terrain, sépare l’erreur de la faute. L’auteur d’une erreur aurait voulu l’éviter, alors que la faute implique la conscience de s’affranchir des règles. Le scientifique qui ne veut pas combattre directement ceux qui n’ont pas ses références méthodolo-giques fait un choix facile. Il se limitera à son travail et aux commentaires de ses pairs, en refusant de sortir de ce cercle. Ce choix le mettra à l’abri des conflits avec le monde extérieur, mais en l’éloignant des réalités de la vie. Une forme de sagesse peut alors être considérée comme une autocensure exprimant le renonce-ment à une analyse élargie du fonctionnement d’un système.
© Lavoisier – La photocopie non autorisée est un délit
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