Le destin sans frontière
170 pages
Français

Vous pourrez modifier la taille du texte de cet ouvrage

Le destin sans frontière , livre ebook

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170 pages
Français

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Description

Ce récit aborde le dur sujet de la guerre et ses conséquences à travers la vie et les souvenirs d'enfance de l'auteur. Nous découvrons l'arrivée en France, avec le choc des cultures puis la nostalgie de cet ouvrier immigré qui espère jusqu'à la retraite un retour au pays natal avec ses enfants; ses questionnements quant à ce pays, l'Algérie, tant aimée qui pourtant désenchante sa jeunesse...

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 01 février 2012
Nombre de lectures 26
EAN13 9782296481695
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,0000€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

Le destin sans frontière
Lettres du monde arabe
Collection dirigée par Maguy Albet
et Emmanuelle Moysan


Gérard BEJJANI, La parenthèse , 2011.
Abdelkader BENARAB, La bataille de Sétif , 2011.
Mohamed ARHAB, Les Aumônières de Dieu , 2011.
Ridha SMINE, Tout lecteur est un ennemi , 2011.
Sami AL NASRAWI, Fissures dans les murailles de Bagdad , 2011.
Fouzia OUKAZI, L’Âge de la Révélation , 2011.
Rachida NACIRI, Nanna ou… les racines , 2011.
Abdelaaziz BEHRI, Moha en couleurs , couscous light et autres récits …, 2011.
Myriam JEBBOR, Des histoires de grands , 2011.
Moustapha BOUCHAREB, La troisième moitié de soi , 2011.
Ahmed-Habib LARABA, L’Ange de feu , 2011.
Mohamed DIOURI, Chroniques du quartier , 2011.
Nadia BEDOREH FAR, Les aléas de ma destinée , 2010.
Sami Al Nasrawi, L’autre rive , 2010.
Lahsen BOUGDAL, La petite bonne de Casablanca , 2010.
El Hassane AÏT MOH, Le Captif de Mabrouka , 2010.
Wajih RAYYAN, De Jordanie en Flandre. Ombres et lumières d’une vie ailleurs , 2010.
Mustapha KHARMOUDI, La Saison des Figues , 2010.
Haytam ANDALOUSSY, Le pain de l’amertume , 2010.
Halima BEN HADDOU, L’Orgueil du père , 2010.
Amir TAGELSIR, Le Parfum français , 2010.
Ahmed ISMAÏLI, Dialogue au bout de la nuit , 2010.
Mohamed BOUKACI, Le Transfuge , 2009.
Hocéïn FARAJ, Les dauphins jouent et gagnent , 2009.
Mohammed TALBI, Rêves brûlés , 2009.
Karim JAAFAR, Le calame et l’esprit , 2009.
Mustapha KHARMOUDI, Ô Besançon. Une jeunesse 70 , 2009.
Abubaker BAGADER, Par-delà les dunes , 2009.
Mounir FERRAM, Les Racines de l’espoir , 2009.


Dernières parutions dans la collection écritures arabes


N° 233 Rachid OULESBIR, Le rêve des momies , 2011.
N° 232 El Hassane AÏT MOH, Le thé n’a plus la même saveur , 2009.
Ahcène Azzoug


Le destin sans frontière


L’émigration : dernier espoir d’un Algérien


L’H ARMATTAN
© L’H ARMATTAN , 2012
5-7, rue de l’École-Polytechnique ; 75005 Paris
http://www.librairieharmattan.com
diffusion.harmattan@wanadoo.fr
harmattan1@wanadoo.fr
ISBN : 978-2-296-96183-8
EAN : 9782296961838

Fabrication numérique : Actissia Services, 2012
Je dédie mon livre à tous ceux qui ont souffert
des guerres et à ceux qui luttent pour la paix
dans le monde.
*1*
Quelque chose a changé dans ce village grouillant de gens et d’animaux. Les femmes réduisent leur temps et leurs commentaires à la fontaine, leur agence d’information. Les hommes ne rentrent pas trop tard le soir du travail ou de la mosquée. Les gens se parlent moins, chuchotent. Le regard et le pincement des lèvres deviennent un nouveau langage, imprécis pour les non encore initiés. De la méfiance peut-être ? De quoi ? Drôles de conversations pour des Méditerranéens aux fortes tonalités, précipitées, toujours accompagnées de signes agiles des mains. D’habitude, du levé au couché du soleil, les bergers se font entendre, lancent des appels stridents d’une colline à l’autre, poussent leur bétail haut dans la montagne jusqu’aux versants accessibles riches en herbes, jouent de la flûte en roseau de leur propre fabrication. Dans les champs les paysans s’envoient des compliments, des bénédictions de réussites pour la journée de labeur. Dans les foyers on entend les cris des mamans qui éduquent et des enfants qui ont faim.
Maintenant on apprend de nos aînés une nouvelle langue de signes faciaux et manuels. Les murs, les arbres ont-ils des oreilles ? Encore enfant, occasionnellement berger, écolier débutant, je ne comprends rien. Pourquoi communiquer comme des personnes malentendantes ? Il nous a été averti de ne rien répéter de ce que nous voyons et entendons. De notre silence dépend notre sécurité. Les montagnes sont habitées par des hommes miraculeux. Tantôt ils sont visibles, tantôt invisibles et parfois ils se transforment en oiseaux, en moutons… Ils entendent tout. Rien ne peut leur échapper. Point de secret pour eux. Ils coupent la langue et le nez de ceux qui répètent et insultent. Je croyais que seuls les animaux à quatre pattes et les animaux ailés habitaient notre majestueuse montagne, haute jusqu’à la voûte céleste. Sont-ce des histoires nouvelles exagérées qui s’ajoutent aux contes des grands-mères pour obtenir de nous une sagesse absolue ?
L’air sérieux et la peur se lisent sur leurs visages. J’avais l’âge d’un enfant qui s’éveille à la vie. Je parle le kabyle à la maison et au village. Je fréquente l’école française éloignée d’une dizaine de kilomètres, ainsi que l’école arabe à la modeste mosquée le jeudi et le dimanche. A la maison, j’écoute les légendes berbères racontées par ma grand-mère.
Ce qui me tient aussi alerte, ce sont ces histoires de morts qui se réveillent aux cimetières. Impossible d’avoir le courage de vérifier la nuit qu’un mort puisse se réveiller et sortir de sa tombe. Mais vu qu’il y a des miracles qui donnent la vie et ensuite la mort, comment ne pas croire aux miracles des morts qui se réincarnent en divers animaux ou monstres ? Nos adultes, par innocence ou par bêtise, croyaient-ils vraiment à ce genre d’histoires qu’ils racontent sans se rendre compte du traumatisme qu’ils peuvent provoquer dans l’esprit vierge des enfants ? Le chemin que nous empruntons pour aller et revenir de l’école traverse le cimetière, les tombes sont dispersées des deux côtés. Cela ne nous facilite pas le passage des nuits d’hiver. Sur le qui-vive, nous surveillons les tombes à peine visibles. Un jour, un cheval s’est égaré entre les tombes, était-ce vrai ou était-ce le fruit de notre imagination ? À notre retour de l’école, c’était la panique, j’ai failli perdre mon cartable dans cette fuite collective. Nous n’avons stoppé notre course qu’à une distance de sécurité suffisante pour que le cheval de la mort ne puisse nous atteindre. Après avoir étudié collectivement la géographie du village, aucune autre route ne mène à nos maisons. Nous avons refait la traversée du cimetière, en rang serré. Nous n’avons pas revu le cheval. Certains jurent qu’ils l’ont vu. Moi, je n’ai rien vu, mais la frousse, je l’ai eue.
Tout se mélange dans ma tête. Mon sommeil est agité plusieurs nuits de suite. J’avais des ailes à la place des bras. Je volais au-dessus du village et des collines qui l’entourent. J’étais heureux dans le ciel loin des spectres du cimetière, mais j’avais une immense frayeur au-dessus du belvédère de Thasga et du bas-fond appelé Thaghzout , lieu où ne se dissipent les derniers brouillards qu’en demi-journée, j’avais peur de tomber, mes ailes se bloquaient, ce qui me réveillait en sursaut et tremblant de tout mon corps. Seul moyen pour échapper aux monstres fabriqués par ma subconscience, dirais-je aujourd’hui.
J’ai raconté à ma mère mes promenades dans le ciel, pour justifier mes cauchemars et mes réveils en sursaut. Elle m’a répondu qu’il n’y a aucune raison d’avoir peur : « c’est parce que tu dors les jambes recourbées et les bras croisés ». J’ai bien essayé de dormir droit, mais ce n’est pas mieux, ça me faisait penser aux morts, droits sur une civière, emballés dans un linceul de tissu blanc, mode musulmane. J’en ai vu souvent des cortèges d’hommes les porter sur leurs épaules et traverser le village en direction du cimetière et en répétant « Dieu est grand ». Les morts à cette époque étaient souvent des vieillards et des nouveau-nés.
Voir une silhouette blanche dehors la nuit me donne des frissons comme si le dernier décédé s’était échappé de sa tombe. Je vérifie les visages de nos vieux enveloppés dans leurs burnous blancs, je préfère les tenues sombres. Bientôt l’arrivée des tenues vertes, panachées.
Qui sont-ils ces nouveaux locataires invisibles de nos montagnes qui font grandir chaque jour notre curiosité ? Nos anciens nous racontent souvent les histoires des monstres qui sortent des forêts, de la mer, à chaque décès dans le village des revenants des cimetières qui me donnent des cauchemars la nuit, de Thamineza à sept têtes qui dévore les enfants pas sages.
Un jour, je vois mon oncle descendre de la montagne, par un chemin étroit habituellement fréquenté par les bergers et leurs troupeaux de chèvres, de moutons et de vaches. Il est suivi de deux hommes en tenues inhabituelles à notre région. Ils se dirigent chez nous. Le visage de l’oncle est blême, il fait signe de sa canne à ras du sol comme un coup de balai, qui signifie : ‘dégagez, il n’y a rien à voir’ et nous, les enfants et les femmes nous n’avons pas le droit d’approcher ou de voir nos hôtes dans la petite chambre. Nous n’ente

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