Le care au coeur
60 pages
Français

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Description

Si les propositions philosophiques et politiques faites jusque-là autour de la notion de care peinent à convaincre, n'est-ce pas parce que profondément elles s'en tiennent à une sorte de croyance métaphysique en l'existence première de l'individu ? Comment penser l'humain autrement afin d'opérer une véritable révolution idéologique qui permette de dépasser l'individualisme régnant ?

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 01 mars 2013
Nombre de lectures 9
EAN13 9782336661827
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,0424€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

Couverture
4e de couverture
Titre
Sylvie Portnoy Lanzenberg







Le care au cœur

Le souci de l’autre et de la vie
Copyright
© L’Harmattan, 2013
5-7, rue de l’Ecole-Polytechnique, 75005 Paris
http://www.librairieharmattan.com
diffusion.harmattan@wanadoo.fr
harmattan1@wanadoo.fr
EAN Epub : 978-2-336-66182-7
Citation

Par cet écrit, je viens apporter ma contribution à la réflexion sur le care (le souci des autres, l’attention portée aux autres, le soin donné aussi), réflexion qui est menée depuis quelques années dans différents pays. En vingt-six ans, j’ai écrit douze essais qui rendent compte de ma pensée en son évolution et ses variations. Ce qui est dit en cet écrit sur l’humain est développé beaucoup plus longuement dans mes précédents ouvrages.
« Les individus ne peuvent pas aller plus loin dans la construction d’une société qu’ils ne le peuvent dans leur développement personnel. »
Donald Winnicott
Le care est au cœur de l’être humain. Notre être est d’abord relationnel avant de s’établir progressivement dans un corps-esprit séparé et un moi différencié d’autrui. Au départ de notre existence, notre mère nous est consubstantielle.
La vulnérabilité
Différents auteurs désireux de rendre compte du besoin de care ont posé au premier plan de leur réflexion le constat de la vulnérabilité de l’homme et plus largement celle de tous les vivants. Fabienne Brugère a écrit par exemple : « Toutes les vies ont la même valeur si l’humanité se définit par la vulnérabilité », alors qu’elles ne se valent pas du point de vue des intérêts des puissants. Je souscris à cette approche première : c’est en reconnaissant la grande fragilité que nous partageons tous en vertu de notre humaine condition que nous pouvons nous éprouver frères, « tous logés à la même enseigne » ; sur cette lucidité peut alors se greffer notre volonté de veiller à ne pas nous faire de violences majeures, et celle aussi de nous porter soutien et secours lorsqu’il le faut.
Tous les vivants mortels faits de chair et de sang sont vulnérables face à la maladie, la souffrance, les agressions violentes. Mais l’humain a des fragilités physiques et psychiques qui lui sont particulières. Pour beaucoup, elles tiennent à son immense besoin de protection dès sa naissance. Elles sont également liées à sa longue dépendance par rapport aux soins qui doivent lui être donnés pendant des années pour que sa survie soit assurée, et pour que son évolution se fasse au mieux de sa prime enfance à son âge adulte. Un chien est adolescent à un an ; un humain l’est à environ seize ans, et il doit être soutenu encore plusieurs années par ses parents, jusqu’à ce qu’il finisse ses études et s’inscrive dans la vie en étant autonome sur le plan économique.
Le petit d’homme naîtrait prématuré aux dires de certains, la raison principale venant de la bipédie adoptée par nos lointains ancêtres, laquelle aurait entraîné le rétrécissement du bassin des humains. De ce fait, les femmes auraient été obligées de donner la vie plus tôt, afin que le bébé plus petit puisse sortir sans que sa vie soit menacée (et celle de sa mère aussi). Cette hypothèse d’une prématurité semble juste pour qui regarde un bébé aux premiers mois de son existence. Alors qu’il semble comme absent durant les trois premiers mois, d’un coup le voilà présent, comme si sa naissance au monde commençait là, à douze mois et non à neuf.
Naissant au monde nu, sans poils, sans autonomie aucune, le bébé est ainsi totalement démuni. Cette vulnérabilité nécessite à tout instant une adaptation étroite de la part de ses parents. Donald Winnicott disait : « une adaptation presque à 100%. »
L’adaptation, forme première du care
Faisons un récit des premiers temps de la vie.
Le bébé fait son entrée au monde. Sa mère vient de franchir les souffrances de l’accouchement, « cet enfantement dans la douleur » (comme il est dit dans la Bible) n’étant pas un vain mot. Prise dans la tempête déchaînée des contractions, souvent à bout de forces, attendant l’issue de son tourment, lui vient en tête parfois cette idée : « Si l’un doit y rester, ce sera moi… Il faut que cette nouvelle vie soit. » Aujourd’hui, la plupart du temps, les deux sont saufs. Elle est épuisée, vidée ; effectivement vidée puisque, d’un instant à l’autre, son ventre depuis neuf mois habité est soudain déserté, vide. Qu’importe ces sensations et le vertige existentiel qu’elles peuvent engendrer… L’enfant est né dans de bonnes conditions et en bonne santé : il a à peine crié, juste hoqueté lorsqu’on lui a coupé le cordon. Il s’est vite apaisé, plein de vernix, collé sur le ventre qu’il venait de quitter. Maintenant, la mère n’a qu’un souci : se consacrer à son petit qui est sous le choc de ce qui vient de se produire, de cette révolution soudaine bouleversant son existence telle qu’elle était précédemment établie. Elle devine qu’il lui faut être comme une matrice post-natale, pour envelopper et protéger du mieux qu’elle peut cette petite vie totalement vulnérable et complètement dépendante de ses soins. Cette obligation à laquelle elle se doit vis-à-vis de celui (ou celle) qu’elle a pris la responsabilité de mettre au monde ne fait que commencer. Même si leur attention protectrice est de moins en moins contraignante au fil du temps, père et mère savent qu’il leur faudra consacrer beaucoup d’énergie à accompagner dans la sécurité le développement de leur enfant.
La continuité d’existence d’un bébé qui vient de naître peut être qualifiée d’a-pulsionnelle. Tout le temps où l’enfant était dans la matrice, ses cellules et son organisme se développaient à une vitesse vertigineuse grâce aux nutriments qu’il puisait directement et de façon continue du corps de la mère via le placenta ; l’énergie et l’oxygène dont il avait besoin alors étaient tirés de ce flux d’échanges continus qui, indistinctement, devenait le sang le parcourant. La continuité d’existence a-pulsionnelle du nouveau-né, telle que je la conçois, est inextricablement liée à cette circulation énergétique, sans heurt ni rupture, qui le parcourt dans l’enveloppement liquide.
Avec la naissance, en un instant, un nouveau type d’échange avec le monde s’impose au petit. La venue à l’air libre, la césure du cordon et la perte du placenta qui en résulte propulsent l’enfant dans un tout autre régime existentiel pouvant être nommé pulsionnel. Séparé du corps de sa mère et de sa source intarissable d’éléments vitaux, le petit est livré aux affres du manque pour la première fois de sa vie. Séparation et manque vont de pair ; ils entraînent chez le bébé un vécu perturbant qu’il ressent sans doute comme une vague de tension-excitation menaçant sa continuité d’existence a-pulsionnelle. La pulsion c’est cela : cette vague de tension-excitation qui avec le manque et la séparation nous saisit dès la naissance.
Durant toute notre vie, nous allons devoir concilier en nous ces deux énergétiques qui nous animent afin de conserver notre équilibre, ce qui implique de ne pas être débordé par le stress ingérable produit en nous par tout vécu nouveau. Tant que nous pouvons intégrer à temps en notre continuité d’existence le désordre engendré par l’éprouvé inconnu perturbant, nous ne perdons pas le sentiment de notre présence créative au monde. A l’inverse, si nous n’y parvenons pas, notre équilibre est menacé par la tension pulsionnelle que nous ne pouvons pas réguler suffisamment en notre continuité d’existence. Cette dualité énergétique, a-pulsionnelle et pulsionnelle, me semble être à la base de toutes les autres dualités qu’il nous faut parvenir à articuler dynamiquement pour ne pas être déchirés par elles, et donc pour nous retrouver sur nos bases existentielles et en notre équilibre.
A quelque âge que ce soit, je me sens suffisamment bien dans ma peau lorsque les échanges avec mon environnement (qui ont leurs répercussions à l’intérieur de moi) se passent sans heurt ni blocage majeurs. Que ce soit les difficultés rencontrées, les probl&#

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