Le rire de Sarah
109 pages
Français

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Description

Dans ce récit, Catherine Borella témoigne de son expérience personnelle, douloureuse mais surmontée, de la non-fécondité. Elle invite ceux qui y sont confrontés, femmes et hommes, à refaire le chemin intérieur menant de la révolte au rire de la réconciliation avec soi-même. "Il y a d'abord ce vide, cette absence... Là où quelquechose devrait advenir : rien. La grossesse : ce qui advient, ce qui arrive."

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Informations

Publié par
Date de parution 01 mars 2008
Nombre de lectures 301
EAN13 9782336277356
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,0474€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

© L’Harmattan, 2007
5-7, rue de l’Ecole polytechnique, 75005 Paris
http://www.librairieharmattan.com diffusion.harmattan@wanadoo.fr harmattan1@wanadoo.fr
9782296049086
EAN : 9782296049086
Sommaire
Page de Copyright Page de titre PRÉFACE AVANT-PROPOS PREMIÈRE PARTIE
1 2 3 4 5 6 7 8 9 10
DEUXIÈME PARTIE
11 12 13 14 15 16
Le rire de Sarah

Catherine Borella
PRÉFACE
Pourquoi Sarah a-t-elle ri ?
À son âge, elle connaîtrait encore le plaisir ?
N’est-il jamais trop tard pour être heureux... ?
Il n’y a que les anges, les messagers de l’Inaudible ou du clair silence, pour imaginer et dire des choses pareilles. . .

La Vie nous donne de quoi rire de quoi pleurer aussi. . .
La Vie nous donne de quoi vivre, de quoi mourir et vivre encore...

Sa vérité nous féconde et nous rend libres... Catherine Borella nous avoue qu’elle a vécu, qu’elle en est morte de désir et qu’elle vit encore, c’est son propre enfantement et c’est le nôtre... Que faire d’un tel cadeau ? Sourire et sans pourquoi...
Jean-Yves Leloup
AVANT-PROPOS
Voici mon récit.

Je suis la voix de la stérilité; je chante la chanson de celles qui n’enfantent pas et qui pleurent de leur ventre vide, ignorantes de leur plénitude — et voilà leur douleur, et voilà leur beauté.
C’est une chanson pour charmer leur peine, ce sont des mots pour que tous soient blessés au cœur de leur blessure, mais désirent leur beauté plus encore qu’ils ne plaignent leur mal.
Ce sont des mots pour elles, celles qui errent et pérégrinent dans la forêt obscure de leur chagrin, pour qu’en se penchant sur l’eau quand elles viennent y contempler leur image et s’en désoler, au lieu de la laide blessure du néant, elles soient surprises par leur propre grâce et soupirent en rêvant, délivrées des liens amers du jugement.

C’est le récit d’une femme qui reçut en partage une terre dont elle ne voulait pas, et qu’elle habita malgré elle. De peine en peine j’en ai dessiné la carte, j’en connais les abîmes et j’en ai fait l’inventaire, mais j’ai aussi trouvé l’arbre de vie au creux secret des vallées, et je me suis endormie à l’ombre de son feuillage, apaisée.
Quand les murs lisses de la malédiction dessinaient autour de moi un rempart gris de solitude, je me suis souvenue de la formule qui fait apparaître les portes, et maintenant je peux aller et venir, devenue libre et enfin compagne.

La stérilité est une terre sans racines, une terre dont on n’est jamais issu puisque nul ne peut y naître; c’est un étrange héritage venant d’on ne sait où, et qui disparaît avec celui qui l’a reçu. C’est une terre inconnue et rude, une terre de quête et d’aventures, de décisions et de combat.
Il y a ces laboratoires où l’on sait fabriquer des embryons dans une éprouvette, il y a ces enfants perdus au bout du monde et qu’on rencontre dans l’adoption, il y a ces hommes dont on n’enfantera pas et dont l’amour se perd d’être sans conséquences, il y a ces femmes dont le ventre arrondi vient de l’autre planète, celle de la vie — et l’on voudrait les rayer de la carte mais voler leur pouvoir, et l’on voudrait être leur double mais aussi les anéantir, et l’amitié ne sait plus quoi faire. Il y a ce cœur qui ne sait plus comment exulter, mais que l’abondance gracieuse et imprévue de la vie peut surprendre à tout moment, et faire battre plus fort encore.

Bientôt je vais quitter tout cela, les cycles de la vie m’appelant à d’autres espoirs, car j’ai presque entièrement parcouru cette longue course propre à toute femme, cette partie du cercle qui commence à l’aube de l’adolescence et s’achève en ces heures incertaines où le corps abandonne peu à peu le souci d’enfanter, et confie au cœur d’autres engendrements. La barque qui va m’emmener au loin s’approche, je la distingue déjà, et j’aspire à ces cieux nouveaux où la soif d’être enceinte appartiendra au monde impalpable des amours passées.
Mais avant de laisser ce désir retourner doucement à l’inaccompli, j’ai voulu revoir tous ces paysages si familiers et intimes que j’ai appris à aimer, et dans lesquels, alors que je ne m’y attendais pas, j’ai pu engendrer finalement la joie et la jeunesse, et j’en ai fait le récit.

À vrai dire, il y a des années que les mots qui me sont venus en neuf mois d’écriture étaient présents dans mon âme, et dès que je commençai ce travail de les amener patiemment au jour de ma conscience, une jubilation profonde d’écrire et de créer m’a habitée, couronnant de sens toute douleur et toute joie.
C’est que la stérilité est une souffrance silencieuse, venant simplement d’une présence manquée, elle isole du genre humain et met à part ; personne n’aime à y songer. Et dans la solitude de mes trente ans, je me promis d’adresser un jour à toutes celles qui portent ce fardeau, isolées dans leur détresse, les paroles que j’aurais tant voulu entendre, dans ce monde où l’on se soucie peu des souffrances que l’on ne peut résoudre — mais seulement quand le temps aurait dit en moi son dernier mot, et si j’étais libre alors de tout ressentiment.

Je voudrais que ces mots résonnent déjà aux oreilles et montent au cœur de ceux qui les rencontreront, car je crois en ma chanson.
Je les laisse maintenant aller, comme on confie à l’intelligence des vagues un message de vie et d’espoir.
PREMIÈRE PARTIE

Néant

Il a d’abord ce vide, cette absence.
Là où quelque chose devrait advenir : rien.
La grossesse : ce qui advient, ce qui arrive. Il se passe quelque chose, dont le corps va témoigner.
Le corps de la femme n’est que changements régulièrement ordonnés à ce but inscrit depuis toujours dans sa lignée — sans cela serait-elle là à cet instant même ? Le corps va se faire événement. La conscience assiste à cette fécondité impersonnelle, naturelle, nécessaire ; mais à ma propre conscience, hélas ! elle est inconnue.
De l’année Zéro de la décision d’avoir un enfant jusqu’à aujourd’hui, les années s’enroulent en spirale autour de ces cycles de vingt-huit jours, qui sont autant de mondes nouveaux où tous les espoirs naissent, se déploient, et meurent ; puis renaissent encore. L’espoir n’est jamais las d’apparaître, le chagrin est toujours jeune ; tous deux sont sans expérience et ne se démentent jamais l’un l’autre. La répétition ne les atteint pas, car ce qui préside à leur succession, c’est la porte initiatique des règles, qui, comme Janus au double visage, apportent dans le même événement la mort de l’espoir ancien et la naissance de l’espoir d’aujourd’hui : premier jour du cycle nouveau, qui peut-être m’apportera l’enfant, et que la vie m’entende !
Le cycle se déroule... Vient premièrement le temps où tout est possible, puisque tout est à venir. Le désespoir d’hier est loin, le passé est oublié. Le temps est neuf, joyeux, la vie se renouvelle. Le cœur est sage, patient : le corps se prépare peut-être — sûrement !— à la fécondité ; laissons le faire, faisons lui confiance.
Quand arrivent les jours où il se peut que l’enfant soit conçu, l’acte amoureux se fait plus fervent, le plaisir me semble un gage mystérieux et secret ; je crois parfois y déchiffrer comme une présence nouvelle, ténue, indiscutable ; c’est une confidence perçue par mon cœur et que je garde comme un trésor.
Après... après, c’est autre chose. Le temps de l’innocence n’est plus. Mon corps, lui, sait la réponse à ma question, il a de l’avance sur moi ; je dois franchir seule la longue distance qui me sépare de l’échéance attendue, redoutée, souveraine, ambiguë encore — plus pour longtemps ! Ce gage que j’ai cru recevoir tantôt, cette présence imperceptible, est-elle le fruit de mon imagination trop tendue, ou l’intuition d’une vie nouvelle ? Ô mon corps, dis-moi, je t’en prie, prépares-tu un enfant en silence ? Tu sais bien que j’attends ta réponse — mais une seule me convient ! Tu sais bien que je me sens si loin de tes secrets, si seule, si abandonnée de toi en cette attente incertaine. Je t’aime, mais ne me déçois pas, car je te haïrai si tu me renies une nouvelle fois ; si tu es encore sourd à mon désir, moi aussi je te renierai !
Sang des règles, ventre qui crie, déréliction. Le gage était trompeur.
Et ainsi, années après années, j’espère, et je désespère. Je connais par cœur tous les symptômes appris dans les livres, je les ai tous éprouvés, ils ont toujours menti. Mon corps est un mensonge, il ne cesse de me tromper, c’est tout ce dont il est capable : mentir, et engendrer le néant. Oui, voilà ce qui m’advient : le non-être pur.
Ainsi, je vais, portant sans cesse en moi un non-é

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