Le vivre ensemble aujourd hui
259 pages
Français

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Description

Le monde se caractérise aujourd'hui par une double fracture de l'espace et du temps. L'explosion des frontières, symbolique ou factuelle, impose à la société la nécessité de construire le vivre ensemble. Les auteurs proposent des pistes susceptibles d'aider l'homme de notre temps à concilier les exigences de son identité propre avec celles de la macrosociété.

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Informations

Publié par
Date de parution 01 octobre 2017
Nombre de lectures 11
EAN13 9782336799872
Langue Français
Poids de l'ouvrage 5 Mo

Informations légales : prix de location à la page 0,1800€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

COLLOQUES & RENCONTRES Le secteur « Colloques et Rencontres » des éditions L’Harmattan s’est fixé pour but de publier des ouvrages universitaires à caractère collectif dans le cadre de trois rubriques thématiques : – Lettres et sciences humaines – Droit, économie et AES – Sciences et santé Ce secteur a la double vocation de donner un cadre éditorial cohérent aux chercheurs tout en permettant l’élargissement de leur audience.
Déjà parus COUM Daniel (dir.),Appartenance, identité et filiation.Les liens familiaux en question aux Antilles en général et en Guadeloupe en particulier,2017. BEDDIAR Nadia (dir.),70 ans de justice pénale des mineurs. Entre spécial isation et déspécialisation, 2017. BROBBEL DORSMAN Anne, LAPÉROU-SCHENEIDER Béatrice, KONDRATUK Laurent (Dir.), Genre, famille, vulnérabilité, Mélanges en l’honneur de Catherine Philippe, 2017. SOLBIAC Rodolphe et ALARIC Alexandre,Littérature et arts postcoloniaux dans l’émergence civilisationnelle caribéenne,2016. DELGA Jacques (Dir.)élinquance financière,Criminalité en col blanc, Délinquance d’affaires, d délinquance fiscale, 2016. SRIR Mohamed (dir.),Dynamiques urbaines à Alger. La (re)fabrication de la ville en questions, 2016. SCARWELL Helga-Jane, LEDUCQ Divya et GROUX Annette (coordonné par),Transitions énergétiques : quelles dynamiques de changement ?,2015. CORROY-LABARDENS Laurence, BARBEY Francis et KIYINDOU Alain (coordonné par), Education aux médias à l’heure des réseaux,2015.
© L’Harmattan, 2017 5-7, rue de l’Ecole-P olytechnique, 75005 P aris
http://www.editions-harmattan.fr
EAN Epub : 978-2-336-79987-2
Sommaire
Préface : Le vivre ensemble, la stigmatisation à caractère culturel et le communautarisme (Jonas M. Bena) Introduction (Jonas M. Bena) Le vivre ensemble ou l’impératif d’une posture médi ane entrecommuaàutàrytnmie et màcrosociorytnmie(Jonas M. Bena) Des biens communs au bien commun de l’humanité (François Houtart) Ethnocentrisme nègre et anthropocentrisme universel dans la pensée philosophique et littéraire de Léopold Sédar Senghor (Jonas M. Bena) Idiorrythmie ou fantasme de sociabilité dansUa fou aoir àu pàys des Blàacsde Pie Tshibanda (Willy Kangulumba Munzenza) « Je fais un rêve » de Martin Luther King : des repères sémantiques pour le vivre ensemble (Léon-Michel K. Ilunga) La dialectique de l’éthique et de la politique comme fondement du vivre ensemble (Damien Kudada Banza) Quelle gestion climatique en période de crise ? (Apollinaire. Kivyamunda Kahindo) De la communication sociopolitique africaine : quelques problématiques et enjeux theoriques (Léon-Michel K. Ilunga) Réflexion philosophique sur le concept d’iater-culturalité (Christian Ndala Kabemba) Quelle gestion climatique en période de crise ? Analyse des méthodes et critères de différenciation des pays en développement dans le contexte d’un accord mondial (Apollinaire Kivyamunda Kahindo) L’herméneutique midrashique dans l’argumentation de l’Épître aux Hébreux. Pour le vivre ensemble entre chrétiens et juifs (Félix Mutombo-Mukendi) Existence, crise et espérance. Une lecture d’Ernst Bloch et de JeanPaul Sartre (Ph. Mukendi Tshimwanga) Deux prophètes pour un temps de crise politico-religieuse en Israël : Elie et Elisée (Siméon Kubulana Matendo) Unité et diversité d’après le grand hymne d’Akhénaton (Sylvain N. Kalamba) Diaconie, une urgence sociétale de l’ekklesià! (Félix Mutombo-Mukendi) L’année sabbatique et l’année jubilaire : un modèle biblique pour vivre et traverser ensemble la crise mondiale actuelle (Dieudonné Paluku Musuvaho) Postface : Repenser l’interculturalité. Être soi-même, jamais sans justice (Sylvain N. Kalamba)
Préface : Le vivre ensemble, la stigmatisation à caractère culturel et le communautarisme
Professeur Dr Jonas M. Bena Centre universitaire protestant d’études interculturelles (Bruxelles, Belgique) et université de Lubumbashi (Haut-Katanga, RDC) Ancien collaborateur aux travaux de la commission « enseignement » du conseil supérieur de la langue française (Bruxelles, Belgique)
« La difficulté de bien vivre ensemble provient que nous ne voulons rien passer aux autres. » (Antoine Gombaud,Maximes et sentences, 1687)
Le monde d’aujourd’hui se caractérise, entre autres, par la double fracture de l’espace et du temps. Outre l’explosion symbolique ou factuelle de s frontières territoriales et la nécessité de construire le vivre ensemble, plusieurs autres cons équences résultent de la mondialisation. J’y reviendrai un peu plus tard. Mais avant d’en arriver là,quiddes concepts antinomiques –antinomieet non pasantonymie! – devivre ensembleet decommunautarisme? L’explication préalable de ces deux notions s’impose, en effet, pour favoriser la compréhension 1 du contenu de cet ouvrage. Levivre ensembleà un idéal de vie en société. Son contenu renvoie sémantique équivaut à la cohabitation pacifique, sur un même espace, des peuples, des ethnies, des individus appartenant à des aires culturelles et géographiques différentes. En d’autres termes, le concept devivre ensemble– ou sa variante orthographiquevivre-ensemblemuni d’un trait d’union – désigne la coexistence harmonieuse dans un même cad re spatial et l’acceptation mutuelle des personnes appartenant à divers horizons ethnographiques. A la lumière de cette précision, déterminer, comme le font certains usagers, l’expressionvivre ensemble par le caractérisant strictharmonieux constitue, à mon avis, un pléonasme vicieux. Depuis plusieurs années, les hommes politiques et les acteurs du monde associatif utilisent, à l’envi, ce concept en guise d’invitation à l’ouverture à l’autre, ainsi qu’à plus de compréhension interculturelle et de solidarité interhumaine. Les uns et les autres s’en servent pour expliquer à l’homme de notre temps la nécessité impérieuse de réinventer le monde et de construire une société empreinte d’universalisme. A l’opposé, le termeethnocentrisme– sa naissance remonte seulement à 1961, soit cinquante-cinq ans après l’attestation, dans la langue de Shakespeare, de son équivalent anglaisethnocentrism– est défini par (1906) Le nouveau Petit Robert de la langue française (2008 : 946) de la manière suivante : « Tendance à privilégier le groupe social, la culture auxquels on appartient et à en faire le seul modèle de référence. » Les deux concepts entretiennent visiblement un rapportlato sensuou moins antinomique. Que le lecteur note bien que je parle d’antinomie et plus non d’antonymie. Quant au double phénomène du communautarisme et du repli identitaire, il se traduit par un confinement volontaire caractéristique d’une communauté qui décide de vivre repliée sur elle-même, i.e.des personnes appartenant à d’autres cultur es et/ou à d’autres religions. Cette auto- isolée marginalisation se nourrit actuellement d’un ethnocentrisme conquérant. Aussi, représente-t-il un des plus grands fléaux qui minent le vivre ensemble. To ut compte fait, le communautarisme sert, aujourd’hui plus qu’hier, de terreau aux extrémismes de tous bords. En font foi, les douloureux événements survenus à Bruxelles le mardi 22 mars 20 16, ainsi que les dernières vagues d’attentats dont a souffert l’Ile-de-France le mardi 7 janvier, le mercredi 8 janvier et le vendredi 13 novembre 2015. Les terroristes impliqués dans ces attaques appartiennent tous à la culture arabo-musulmane. Une prévention s’impose ! Que le lecteur ne soupçonne aucun abus de généralisation derrière cette allégation. Il est évident, et les coauteurs de cet ouvrage en sont conscients, que seule une minorité relative des croyants musulmans, pour l’essentiel des extrémistes, justifient le jihad. Dans leur grande majorité, les responsables et les membres de l’islam abhorrent les appels au terrorisme en même temps qu’ils stigmatisent énergiquement les attentats. Cette réprobation serait, selon moi, la preuve que ces atrocités sont étrangères aux normes arabo-musulmanes communes. Par ailleurs,
voulant jouer les équilibristes, un des contributeu rs a même estimé que les stigmatisations des différences culturelles et la préférence nationale, dont sont si souvent victimes les populations immigrées, ne laissent, parfois, plus qu’un seul choix à ces dernières : le communautarisme et,ipso facto, le repli identitaire. Mais, à mon avis, cette (auto) marginalisation ne justifie évidemment pas les tueries. Fort heureusement d’ailleurs, la plupart d es personnes repliées sur elles-mêmes ne s’apprêtent, nécessairement, pas à commettre des attentats ! Pour illustrer mon propos selon lequel de nombreux musulmans ne partagent pas le recours à la violence au nom de leur culte, je rappelle, à titre de cas de figure concret, la réaction virulente de la Jordanie, de l’institution Al Azhar (Caire, Egypte) et de l’Arabie saoudite (cf.La Libre Belgique, jeudi 5 février 2015 : 16) à la suite de l’exécution, par l’Etat islamique, du pilote jordanien Maaz al-Kassasbeh au début du mois de février 2015. Un peu plus que l’acte, c’est le mode opératoire de cette mise à mort qui a surtout choqué l’opinion. Enfermé dans une case, l’infortuné a, en effet, été brûlé vif. D’où la grande indignation de plusieurs éminences arabo-musulmanes. Si la Jordanie et Al Azhar ont carrément invoqué l’application de l’antique loi du talion, le roi saoudien Salmane ben Abdelaziz al Saoud a, pour sa part, qualifié l’assassinat du pilote de chasse jordanien de « crime odieux » et dénoncé un acte « contraire à l’islam et à toutes les valeurs de l’humanité ». Selon le grand iman d’Al 2 3 Azhar, Ahmed al Tayeb , les atrocités de Daech « nécessitent la punition prévue dans le Coran pour ces agresseurs corrompus qui combattent Dieu et son Prophète : la mort, la cruxifixion ou l’amputation de leurs mains et de leurs pieds » (cf.La Libre Belgique, jeudi 5 février 2015 : 16). Le drame évoqué ci-dessus n’est, malheureusement, pas un cas isolé. Dans ses colonnes,La Libre Belgique du jeudi 5 février 2015 publie les témoignages des experts de l’Organisation des Nations 4 Unies (Onu) sur la violence innommable dont sont victimes des mineur(e) s d’âge dans les territoires occupés par l’Etat islamique : (1) ils sont vendus comme esclaves sexuels, crucifiés ou enterrés vivants ; (2) sous la contrainte de l’E I, des enfants irakiens, y compris des yézidis, des chrétiens voire des enfants déficients mentaux, servent de kamikazes, d’informateurs et/ou de boucliers humains ; (3) Renate Winter, experte du comité des droits de l’en fant (Onu), relaie des informations, selon lesquelles, des mineurs d’âge – il s’agit, d’après une vidéo, parfois d’enfants d’environ huit ans et moins – « sont entraînés pour devenir d’enfants soldats. » Les exemples des paragraphes précédents parlent d’eux-mêmes. Il serait illusoire et injuste de stigmatiser l’ensemble des musulmans sous prétexte que, dans la plupart des cas, les terroristes se réclament de l’islam. Les victimes des organisations jihadistes, Daech notamment, appartiennent à toutes les religions, à toutes les races et à toutes les cultures. Même si je suis d’avis que la société doit cesser de vivre dans le déni parce que le bon sens nous invite tous à laisser tomber nos œillères face à l’islamisme actuel, l’amalgame ne pourrait être qu’une attitude contreproductive. Une esquisse historique sur l’immigration va me permettre de contextualiser,infra, le communautarisme arabo-musulman. La naissance des communautés musulmanes en Belgique remonte, en effet, à l’époque de la signature, en 1964, d’une convention entre, d’une part, la Belgique et, de l’autre, le Maroc et la Turquie. Au niveau mondial, le phénomène des migrations date pourtant de la nuit des temps. En Belgique, l’histoire de l’immigration moderne remonte au lendemain de la chute du tsarisme en 5 Russie. Un bref rappel des faits va aider à y voir un peu plus clair. La première vague migratoire proprement dite vers le royaume belge a lieu entre 1920 et 1940. Elle concerne surtout la communauté juive en provenance de Russie, de Pologn e et d’Allemagne. Déjà à l’époque, ces migrants sont victimes de stigmatisation et de xéno phobie de la part d’une partie de la population belge. Ils font également face à l’hostilité des mo uvements nationalistes et antisémites. Après la Seconde Guerre mondiale, la Belgique subit de plein fouet un manque de main-d’œuvre. Pour cause, les Belges refusent les travaux difficiles et mal rémunérés. Il faut importer des travailleurs étrangers. Il s’ensuit la signature, par vagues successives, des accords bilatéraux avec plusieurs pays d’Europe et du Maghreb. Ces conventions concernent l’Italie (juin 1946), l’Espagne (1956), la Grèce (1957), le Maroc et la Turquie (1964), la Tunisie (1969), l’Algérie et la Yougoslavie (1970). Au départ, le « nouvel-arrivant » bénéficie d’un accueil plutôt bienveillant. Excepté le fait que le contact recèle, de la part de l’accueillant, une dose minimale de condescendance, il ne transparaît, de son regard, aucune forme d’hostilité à l’égard de l’immigré. Bien au contraire, la participation de celui-ci au développement du pays d’accueil, où il travaille surtout dans les secteurs délaissés par les nationaux, constitue une bouffée d’oxygène pour le politique et le simple citoyen belge. La présence
des ouvriers immigrés en Belgique booste manifestement l’économie du royaume. A partir de 1965, 1 2 la politique belge, rapportent Marco Martiniello et Andrea Rea ( 2 0 0 3 , 2012 : 15-16), prévoit même des incitants en faveur des candidats travailleurs originaires du Maghreb :
Une réglementation de 1965 prévoit le remboursement de la moitié des frais de voyage de l’épouse et des enfants qui l’accompagnent, […]. Pour favoriser cette immigration familiale, le ministère de l’Emploi et du Travail diffuse une brochure intituléeVivre et travailler en Belgique, destinée tout particulièrement à l’Afrique du Nord ; […]. La brochureVivre et travailler en Belgique valorise l’accompagnement que la Belgique réserve aux familles des travailleurs immigrés notamment en détaillant le système d’allocations familiales et celui de la sécurité sociale, ainsi qu’en précisant que la Belgique garantit la liberté religieuse. Pour étayer leur allégation, les deux auteurs tirent argument de cet extrait deVivre et travailler 6 en Belgique(1965 : 3) : « Travailleurs, soyez les bienvenus en Belgique. […]. De toute façon, nous le répétons : les travailleurs méditerranéens sont les bienvenus parmi nous en Belgique. » A l’époque, ce texte donne clairement des garanties aux travailleurs immigrés marocains et turcs. Par conséquent, l’amnésie dont fait preuve une partie de l’opinion publique belge, aujourd’hui, ne peut qu’étonner voire choquer. La réglementation d’alors encourage, par exemple, le regroupement familial non pour l’intérêt exclusif du travailleur immigré, mais dans le but de doper la démographie du pays d’accueil et de fixer la main-d’œuvre. Pour tout dire, l’immigration belge d’avant 1970 revêt conséquemment un caractère utilitaire. L’étranger passe pour un supplétif,i.e.bouche-trou, un nécessaire. A titre de rappel, en Belgique, ces arrivées, plutôt convenues, impliquent des citoyens italiens, espagnols, grecs, marocains, turcs, tunisiens, algériens et yougoslaves. Le premier choc pétrolier, une des conséquences de la guerre israélo-arabe de 1973, plonge le monde dans une très grande crise économique et financière. Elle change le regard de la population et du pouvoir belges sur les migrants. Les premiers reprochent aux seconds de prendre le travail des nationaux. Les immigrés extra-européens partent d’emblée avec une lourde hypothèque. En effet, contrairement aux étrangers de pays européens du sud et de l’est – ceux-ci partagent avec les Belges le patrimoine culturel judéo-chrétien –, les migrants du Maghreb et de la Turquie appartiennent, dans leur grande majorité, au culte musulman. En dépit des programmes d’insertion, d’ailleurs souvent d’essence assimilationniste, les Belges éprouvent de la méfiance à l’égard des descendants de la communauté immigrée arabo-musulmane. Au fil des années, le communautarisme – c’est, en effet, la réalité des immigrés musulmans depuis leur installation dans ce continent – va déboucher sur un repli identitaire militant. Commence alors un processus d’auto-marginalisation dans les zones urbaines plus ou moins ghettoïsées à majorité islamo-arabe. L’Occident en subit, aujourd’hui plus qu’hier, les conséquences de la manière la plus violente possible. De nombreuses difficultés supplémentaires aggravent le phénomène de l’islamisme conquérant : la contagion de la guerre israélo-palestinienne, le drame consécutif à l’invasion de l’Irak et de la Libye 7 par des coalitions occidentales , la crise financière internationale de 2008, la na issance d’une véritable nébuleuse terroriste autour d’Al-Qaïda et de Daech, la conquête par Daech des vastes territoires en Irak et en Syrie, les problèmes d’écologie, etc. Il y a à peine quelques années, d’aucuns, parmi les citoyens européens, en général, et belges, en particulier, se bornaient à dénoncer le nombre élevé d’enfants dans les ménages des musulmans et à épingler les extrémismes au sein du culte islamique . La crise migratoire actuelle et les récents attentats islamistes ont, malheureusement, fini par laminer le peu de confiance dont bénéficiaient encore les musulmans en Europe. Un exemple suffira à étayer mon propos : les résultats de l’enquête 8 du Centre de recherches politiques de Sciences Po , Cevipof en sigle, menée, à la fin du mois de décembre 2015, sur un échantillon de 2000 personnes . D’après cette enquête, l’état d’esprit des Français oscille, depuis les attentats du 13 novembre 2015, entre la morosité, la lassitude et la méfiance. Par ailleurs, toujours selon ce baromètre annuel du Cevipof, 69 % des personnes sondées estiment qu’il y a trop d’immigrés en France, 56 % que l’islam est une menace pour la République et 35 % que les musulmans partisans de l’extrémisme ne représentent pas qu’une minorité négligeable. Ce climat délétère a une conséquence négative sur la perception du phénomène des migrations. Il existe, depuis peu, une foison d’expressions pour d ésigner les flux migratoires. J’en retiens particulièrement deux : crise migratoire et invasion musulmane. En effet, depuis 2014 et la naissance 9 de Daech , l’opinion publique occidentale oscille entre la crainte, le doute et l’incompréhension face
aux arrivées massives de migrants sur les côtes grecques. Le grand changement de ces deux dernières années par rapport à l’immigration des années antérieures réside dans l’intensité du phénomène, le degré très élevé de sa marchandisation et la suspic ion d’infiltration islamiste. Une partie non négligeable de l’opinion publique européenne a même parlé de « cheval de Troie ». Bref, les flux migratoires ont atteint leur paroxysme, entre 2014 et 2015, avec la conquête, par Daech, des vastes espaces de territoire en Irak et en Syrie. A dire vrai, peu importe que leurs motivations soient politiques ou économiques, depuis une cinquantaine d’années, les demandeurs du droit d’asile diffèrent bien des immigrés de la période allant de 1920 à 1970. A l’époque, l’Occident souffre d’un déficit indéniable de main-d’œuvre. Il a, par conséquent, besoin d’étrangers pour s’occuper du travail à risque et mal rémunéré : l’exploitation du charbon, les emplois dans l’industrie métallurgique, la construction des lignes de métro. A présent, elle refuse que les descendants de ces anciens ouvriers bénéficient de dividendes de la prospérité actuelle. Pourtant, leurs grands-parents et/ou parents ont, durant la période des vaches maigres, sacrifié leur santé, voire leur vie, au maintien de l’activité économique à flot. En revanche, la psychose du danger que représentent les attentats islamistes gagne du terrain dans l’opinion publique occidentale. La morosité qui en découle plombe le m oral de nombreux citoyens américains et européens. Malheureusement, l’actualité récente faite d’attentats islamistes en France (2015) et en Belgique (2016) a tellement cristallisé la frustrat ion des gens qu’un bon nombre de personnes, jusque-là conciliantes et tolérantes, expriment dés ormais leur ras-le-bol face à un islamisme obscurantiste et conquérant. Ce drame, semble-t-il, donne raison aux partisans d’une « Europe forteresse ». Pourtant, le brassage des peuples et des cultures est en train dans une phase irréversible. Rien, ni personne ne pourrait en freiner l’élan. La crise migratoire en cours sur les côtes grecques en est la belle preuve. Le contenu des contributions constitutives de cet o uvrage porte sur l’inventaire et l’analyse des différents obstacles au vivre ensemble. Comme le lecteur pourra bien s’en rendre comptein fine, ces entraves enfoncent leurs racines dans une litanie d ’antivaleurs. Figurent dans cet ouvrage, la rationalité prédatrice, l’égoïsme, l’égocentrisme, l’individualisme, la recherche à tous crins du profit personnel, le communautarisme, les stigmatisations à caractère culturel, le manque de respect à l’égard des convictions philosophiques et religieuses de l’autre, l’intolérance, les inégalités sociales, le déficit inhérent à la justice distributive, le non-aboutissement du double processus de socialisation et de « sociétalisation », etc. Un des contributeur s a également mis en lumière les effets potentiellement néfastes de la préférence nationale et de la partitocratie. L’ouvrage est une œuvre collective des membres des corps scientifique et académique du Centre universitaire protestant d’études interculturelles, C UP E I en sigle. Je vais donc en dire un mot. Cette parenthèse me permettra de montrer la compatibilité de ce projet éditorial avec les missions fondamentales de notre institution d’enseignement supérieur et universitaire. L’association sans but lucratif C UP E I a vu le jour à Bruxelles, le 2 mars 2009, à l’initiative de l’Union des Baptistes en Belgique (UB B), de l’Église de l’Arche de la Gloire de L’Eternel et des Perspectives Réformées Internationales. Vingt-quatre jours plus tard, elle a fait l’objet d’une parution au journal officiel, le Moniteur Belge, avec le numéro d’entreprise suivant : 0810.511.412. Cette institution d’enseignement supérieur et universitaire se veut un lieu de rencontre, un espace de partage et d’interaction où des femmes et des ho mmes peuvent, sans exclusive, bénéficier d’une formation solide en rapport avec les enjeux de la société contemporaine. Aussi, le C UP E I se propose-t-il d’offrir à ses apprenants des savoirs, savoir-faire et savoir-être susceptibles de leur permettre une implication efficiente dans le combat pour la const ruction d’un monde sans aucune forme de discrimination. C’est, en effet, un préalable à leu r participation au relèvement des défis actuels de l’Humanité. Parmi les impératifs de notre temps, figure en bonne place la nécessité de réguler, en faveur d’une société multiculturelle empreinte de vivre ensemble, une mondialisation fondée sur des attitudes individuelles et/ou collectives antiaxiol ogiques : la quête effrénée du profit, l’individualisme, la méfiance et l’exploitation de l’autre. Grâce à un corps d’enseignants compétents – tous do cteurs des universités belges : Faculté de théologie protestante de Bruxelles, Université catholique de Louvain, Université libre de Bruxelles – expérimenté et motivé, le centre a mis au point des programmes d’études de très haute qualité. Je referme la parenthèse. Pour revenir à l’essentiel, les contributeurs de ce t ouvrage appartiennent à des spécialités diverses : romanistes, linguistes, littéraires, théologiens, sociologues, anthropologues, philosophes,
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