Rwanda et reconnaissance du génocide
214 pages
Français

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Rwanda et reconnaissance du génocide , livre ebook

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Description

Une génération après le génocide rwandais, la reconnaissance est peut-être le concept idoine pour analyser les faits. Une approche en trois phases est ici effectuée : une phase historique, qui permet d'avoir un esprit critique sur le génocide, une phase juridique qui reprend les travaux du Tribunal pénal international et une phase philosophique, au cœur du sujet de ce livre, qui pose les fondements d'une nouvelle philosophie de la reconnaissance adaptée au génocide.

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 01 avril 2016
Nombre de lectures 19
EAN13 9782140005770
Langue Français
Poids de l'ouvrage 1 Mo

Informations légales : prix de location à la page 0,0850€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

Couverture
4e de couverture
Titre

Brice Poreau








Rwanda
et reconnaissance du génocide
Copyright
























© L’Harmattan, 2016
5-7, rue de l’Ecole-Polytechnique, 75005 Paris
http://www.harmattan.fr diffusion.harmattan@wanadoo.fr harmattan1@wanadoo.fr
EAN Epub : 978-2-336-75813-8
Avant-propos
J’ai entrepris cette étude il y a plus de dix ans. C’est une série d’articles (reportages) de Rémy Ourdan, publiés dans le Monde qui a été l’élément déclencheur. Je souhaite en dire ici quelques mots. Le reportage a été publié en cinq parties : Au pays des âmes mortes ( Le Monde daté du 31 mars 1998), Les yeux fermés ( Le Monde daté du 1 er avril 1998), La guerre de l’ombre ( le Monde daté du 2 avril 1998), La réconciliation impossible ( le Monde daté du 3 avril 1998) et enfin, Un tribunal loin du Rwanda ( le Monde daté du 4 avril 1998). Ces publications se trouvent dans la rubrique Horizons de l’époque, et se composent d’une photo (comme celle de Luc Delahaye prenant des réfugiés rwandais à Kibumba en mai 1994, agence Magnum), d’un extrait d’audition devant le TPIR, puis de l’article en lui-même comprenant des témoignages, un glossaire et une petite carte géographique. Cette série d’articles a été publiée durant la période où, en France, une mission d’information a été demandée par le gouvernement Jospin « sur les opérations militaires menées par la France, d’autres pays et l’ONU au Rwanda entre 1990 et 1994 ». Mission dont le président était Paul Quilès. Dans ce contexte, Rémy Ourdan réussit à rendre compte et à faire prendre conscience des événements s’étant produits quatre ans auparavant. Voici les premières lignes : « Une colline. Le silence. Des maisons de brique de terre, une végétation apprivoisée, des bosquets de bananiers, des champs de sorgho soigneusement cultivés… Une colline à première vue ordinaire. À Murambi, il y a eu des tueries, comme partout. » 1 . Description poignante tout au long des articles, Rémy Ourdan analyse aussi finement la situation. Il met, par exemple, déjà en exergue les difficultés rencontrées par le TPIR. Il met aussi en avant, cette « impossible réconciliation ». En 1998, il faut rappeler aussi que le conflit n’est pas terminé, des combats entre extrémistes et pouvoir en place ont encore lieu.
Et aujourd’hui, qu’en est-il de ce conflit interne au Rwanda ?
Chaque année, le Heidelberg Institute for international conflict research du département de sciences politiques de l’université d’Heidelberg (Allemagne) publie un baromètre des conflits. Dans cette synthèse annuelle, l’Institut donne une liste exhaustive des conflits par région géographique et par pays. Il donne pour chaque conflit une intensité allant de 1 (conflit latent) à 5 (guerre) et son évolution par rapport à l’année précédente.
Dans le rapport de 2008, voici ce que nous trouvons pour le Rwanda : Rwanda (divers groupes rebelles hutus) ; parties en présence : Interahamwe (milice hutue), ex-FAR (forces armées rwandaises, hutues), FDLR (forces démocratiques de libération du Rwanda, hutues) contre le gouvernement (dont l’actuel président est Paul Kagame) ; début du conflit : 1990 ; évolution : augmentation dans l’intensité ; intensité : 3 (crise définie comme l’une au moins des parties en présence usant de violences lors d’événements sporadiques). Mais nous trouvons aussi un conflit avec la France d’une intensité 2. En effet depuis le 27 novembre 2006, les relations diplomatiques entre les deux pays sont suspendues. Enfin, la synthèse fait état d’un conflit d’intensité 2 avec l’Ouganda depuis 2000. Hormis le conflit mentionné, uniquement pour des raisons diplomatiques, nous voyons que des tensions sont toujours actuellement présentes dans le pays, selon l’Institut d’Heidelberg 2 .
Enfin, je veux reprendre ici cet éditorial du journal Le Monde daté du 31 mars 1998 qui s’intitule « Tout dire sur le Rwanda » : « Il ne faut pas oublier le Rwanda. Il ne faut pas oublier le génocide qui fit près d’un million de victimes, en premier lieu parce que les événements de 1994 ne cessent pas de hanter ce pays des âmes mortes. Il faut avoir en tête non seulement ce chiffre et ce printemps maudit, mais aussi les souffrances que continue d’endurer ce pays et ses difficultés à sortir de l’infernale spirale de la mort. ».
Cet ouvrage se veut enfin un travail de mémoire, quinze ans après les faits, mais qui devra être poursuivi par les générations futures.
Le monde actuel se veut « international ». La « mondialisation », bien réelle, ne peut être qu’économique. Elle peut aussi être historique et juridique. L’humanité peut retrouver ici une Histoire commune. Dans cette Histoire commune, le génocide rwandais ne doit pas être oublié.
1 Rémy Ourdan, Le Monde daté du 31 mars 1998.
2 Con flict Barometer 2008 , Heidelberg Institute for International Conflict Research, 84 p.
Introduction à la deuxième édition
Nous présentons la deuxième édition de l’ouvrage publié pour la première fois en 2011. Plus de vingt ans après le génocide rwandais, les éléments présentés dans cet ouvrage restent d’autant plus actuels pour tenter de comprendre, au tout au moins, avoir quelques clés pour s’engager dans des pistes de réflexion qui ne sont pas biaisées.
Le Rwanda a changé depuis 2011. Les Gacaca, juridictions locales permettant de juger les génocidaires 3 , ont pris fin. La réconciliation est proclamée, en particulier lors des commémorations du cinquantenaire de l’indépendance du Rwanda 4 . Mais qu’en est-il exactement ? Le pays est en pleine expansion économique. Par ailleurs, la démographie est importante. Pour autant, le génocide est toujours bien présent. Chaque année, les commémorations qui débutent en avril permettent le travail de mémoire. Elles permettent de transmettre aux générations futures les preuves du génocide et ainsi de lutter contre le négationnisme et d’affirmer le travail de reconnaissance du génocide.
L’hypothèse en partie développée dans cet ouvrage porte sur le concept central de reconnaissance du génocide défini comme le processus perpétuel de l’interprétation des faits. Nous reviendrons dans la suite de l’ouvrage sur cette définition. Autour de ce concept central, c’est en amont le rôle de l’Etat et des libertés individuelles qui est questionné. En aval du concept de reconnaissance du génocide, c’est la reconstruction du pays d’une part et la prévention du génocide d’autre part qui sont mis en avant.
Le concept central étudié ici, de reconnaissance du génocide, est très riche et fait appel à des sources très variées allant de l’histoire, l’anthropologie, la sociologie à la philosophie et aux sciences juridiques. L’ambition principale de cet ouvrage est de présenter cette nécessaire multidisciplinarité. Les seuls éléments historiques, sans vision anthropologique et sociologique peuvent biaiser les interprétations des faits. De même, l’approche philosophique est nécessaire pour tenter d’exploiter le concept de reconnaissance, de lui rendre une utilité immédiate. Nous en avons cité deux : la reconstruction du pays et la prévention du génocide. Comment en effet le Rwanda peut-il se reconstruire sans un travail consciencieux sur les faits qui ont eu lieu d’avril à juillet 1994 en particulier ? Et comment prévenir le génocide si la reconnaissance n’a pas eu lieu ?
La multidisciplinarité est véritablement primordiale. Le génocide rwandais n’est pas le produit pur et simple d’un combat de deux ethnies qui s’affronteraient depuis plusieurs décennies. Par exemple, il est évident que la colonisation a eu un rôle dans la vision « raciale » qui a pu être développée. Comme le notent récemment Jean-Pierre Chrétien et Marcel Kabanda : « Fascinée par la simplicité apparente des perceptions de physionomies et des étiquetages qu’on en déduit (pour les hommes comme pour les plantes ou les insectes), la vision de ces « autres » par l’Europe a été frappée durablement d’une réification qui réduit à des éléments intangibles les situations vécues, faites de rencontres, d’échanges, de chevauchements, c’est-à-dire le tissu même de l’histoire, ses continuités, ses ruptures et son imprévisibilité. Le succès de ce miroir trompeur va s’avérer particulièrement tragique dans le cas de l’Afrique des Grands Lacs 5 ».
Le Rwanda, pays des mille collines, a une situation géographique bien particulière. Situé en dessous de l’équateur, ce petit pays magnifiqu

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