Sur le banc de la misère au Congo
126 pages
Français

Sur le banc de la misère au Congo , livre ebook

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126 pages
Français

Description

Dans cet ouvrage, l'auteur aborde les problèmes de la pauvreté au Congo et insiste sur le sort des enfants, victimes de cette pauvreté, et touchés de plein fouet. Elle rapporte le récit de son histoire. Après un divorce brutal de ses parents, sa famille plonge dans la pauvreté et son enfance se transforme peu à peu en un cauchemar...

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 01 mars 2012
Nombre de lectures 71
EAN13 9782296484221
Langue Français
Poids de l'ouvrage 2 Mo

Informations légales : prix de location à la page 0,0550€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

Sur le banc de la misère au Congo
© L’Harmattan, 2012 5-7, rue de l’Ecole polytechnique, 75005 Paris http://www.librairieharmattan.com diffusion.harmattan@wanadoo.fr harmattan1@wanadoo.fr ISBN : 978-2-296-56818-1 EAN : 9782296568181
Bibiche Lutonadio Sur le banc de la misère au Congo L’Harmattan
CHAPITREILE DESTIN DUNE MISÈRE
Je venais juste d’avoir sept ans quand mes parents ont commencé à se disputer en ma présence, j’étais tellement petite que je ne comprenais pas ce qui se passait dans la maison. Ma mère avait l’habitude de m’avoir avec elle partout où elle allait. J’étais sa complice, elle se confiait beaucoup plus à moi qu’à mon frère ou ma sœur. Souvent elle me parlait de ses petits soucis, et moi je l’écoutais sans ajouter un mot d’encoura-gement pour l’apaiser, car je trouvais que c’était de chose de grandes personnes. Un samedi soir, elle m’avait demandé d’aller nous promener. Je me suis vite habillée, en sortant de la maison je sentais que ma mère avait le moral très bas, mais je n’osais pas à lui poser la question pour savoir ce qui clochait. Une fois éloignées de la maison, j’ai demandé quand même à ma mère où on allait : — Je voulais juste te parler en dehors de la maison, dit-elle. — Et pourquoi maman ? ai-je répondu. — Mais parce que j’ai des problèmes avec votre père, dit-elle. — Quel genre de problèmes ? ai-je demandé. — Ma fille, je voulais un peu te parler de ce qui se passe ces derniers temps à la maison, tu as peut-être remarqué que moi et votre père, ça ne marche plus depuis un certain temps. Le problème est que ton père veut qu’on déménage, il ne veut plus continuer à payer le loyer chaque mois, il préfère aller vivre dans sa maison de campagne pour économiser un peu de son argent, mais pour moi, c’est impossible d’aller m’installer là-bas, car c’est un quartier où il n’y a pas l’électricité, pas l’eau
du robinet, il faut utiliser l’eau de pluie pour le ménage ou aller chercher l’eau de rivière à des kilomètres de la maison. — Et s’il y a des êtres humains qui vivent dans les parages, pourquoi pas nous ? ai-je demandé à ma mère, il faut écouter la décision de papa, ai-je ajouté. — Tu es encore trop petite pour comprendre tout ça ma fille, dit-elle. Depuis ce jour-là, je n’ai plus été la même, j’étais effondrée, déstabilisée. Je sentais que mes parents allaient un jour se séparer à cause de ces problèmes. Je commençais à me poser des questions auxquelles je n’arrivais pas à trouver de réponses. J’ai essayé de parler encore de ce sujet à ma mère, mais dès que je commençais à parler de ça, elle me coupait la parole en disant : — Tout ça c’est de la mascarade. Ton père veut tout simplement changer de femme, il préfère aller épouser une femme de sa région. Ce soir-là, je ne suis pas arrivée à fermer l’œil, je commençais à avoir peur de l’avenir, je me demandais si la nouvelle femme de mon père allait nous considérer de la même façon que ses enfants. Est-ce que notre père allait nous laisser avec notre mère ? Je me demandais si leurs différentes origines pouvaient être la cause de leur séparation. Je ne trouvais pas de réponses à mes questions. Je devenais de plus en plus malheureuse, nerveuse, je commençais à détester presque tout le monde, je me sentais seule au monde, je commençais à perdre la joie de vivre. Je ne travaillais plus bien à l’école, parfois je n’avais même pas envie d’y aller, mais ma mère me l’ordonnait, elle ne comprenait pas non plus pourquoi tout d’un coup je commençais à refuser d’aller à mon école. Un lundi matin, sur le chemin de l’école, j’ai vu ma meilleure copine de classe. — Comment vas-tu ? dit-elle. — Très bien, ai-je répondu. — Tu es sûre ? dit-elle. — Mais oui, pourquoi tu ne me crois pas ? ai-je répondu. — Non parce que t’es trop triste, dit-elle, veux-tu que je demande pour toi une permission pour rentrer à la maison ?
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— Non merci, je veux bien sauf que je n’ai pas envie de jouer avec les autres ces derniers temps, je préfère être seule dans mon coin, ai-je répondu. — Ok ! fit-elle. Ma copine commençait un peu à m’ennuyer avec ses questions, elle était très curieuse, et j’avais décidé de changer de copine, car c’était un peu difficile pour moi de parler de ce qui se passait dans ma famille. Mes parents, eux, étaient plus à l’aise que moi. Toute seule, je me faisais tuer moralement, tout ça parce ce que j’avais peur de l’avenir. Je devenais de plus en plus solitaire, je me disais pourquoi fréquenter des gens qui n’ont pas de soucis comme moi, car mon grand-père m’avait appris qu’on ne met pas les oranges pourries avec les bonnes. Je me sentais mal dans ma peau, je n’arrivais même plus à suivre les cours. Le soir, quand j’étais en famille, je ne parlais à personne, j’étais devenue nerveuse, rien ne me plaisait à la maison. Malgré tout ce changement de comportement, ma mère ne se posait même pas de questions, pour elle, c’était mon choix de rester solitaire. Pendant le week-end, je m’enfermais dans la chambre. Je me disais que peut-être mes parents allaient se rendre compte que leur séparation me rendait malheureuse, mais personne ne me comprenait. Quelques mois plus tard, mon père a déménagé pour aller vivre dans son ancienne maison de campagne comme c’était prévu, il avait demandé à ma mère s’il pouvait nous prendre avec lui, mais ma mère refusa. — Je viendrai les voir partout où vous irez, dit mon père. Ma mère avait donc décidé de nous prendre avec elle. On avait déménagé pour la première fois. Ma mère était bouleversée par l’idée de devenir une femme seule avec ses enfants dans un pays où une femme qui a déjà eu des enfants durant son premier mariage n’est pas considérée pour un deuxième mariage. Les femmes divorcées avaient souvent du mal à trouver un mari, tout simplement parce qu’elles étaient considérées comme de la carcasse et en plus la dot d’une telle femme n’était pas obligatoire, l’homme pouvait donner ce qu’il voulait. Ce qui faisait qu’il y avait beaucoup de femmes battues dans la ville où on vivait, mais elles n’osaient pas s’exprimer, tout simplement pour éviter de se retrouver à la rue avec les
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enfants en main sans une ressource financière. Le fait de partir sans notre père, c’était comme si on venait de le perdre, malgré ça, on était plus attachés à notre mère qu’à lui. On est allés chez les parents de ma mère. Le premier jour déjà nous ne savions pas comment dormir, la maison n’avait que deux chambres, donc une pour mes grands-parents et une pour mon oncle et sa copine qui était enceinte et il y avait aussi mes deux oncles qui passaient déjà leurs nuits sur les canapés, il y avait encore une de mes tantes qui vivait là avec ses deux enfants. Pour nous, c’était très compliqué, on ne se retrouvait plus, on ne savait plus où mettre la tête pour dormir, mais ma mère n’arrêtait pas de nous dire que ça irait, et que c’était pour notre bien qu’elle avait décidé de se séparer de notre père, au lieu de nous amener là où il n’y avait pas de vie. Mais qu’est-ce qui se cachait derrière leur séparation ? Je me souviens que j’avais passé la nuit couchée sous les pieds de ma mère, mes oncles avaient laissé les canapés pour mon frère et ma sœur. Le matin il fallait vite se réveiller pour éviter de se faire piétiner par ceux qui se réveillaient les premiers. Ma grand-mère avait l’habitude de se réveiller la première pour balayer la cour et remplir l’eau dans les bassines, car à partir de huit heures du matin, il n’y avait plus d’eau dans tout le quartier, c’était impossible de l’empêcher de se réveiller à cette heure-là. Elle était une femme pleine d’énergie, sympa, courageuse. Pour moi, elle était tout à fait différente de ses filles. Elle était vendeuse de charbon, elle allait chercher le charbon à quelques kilomètres de la maison à pied avec plus de 50 kg de charbon sur sa tête pour ensuite le revendre. Elle disait souvent : « si je ne vends pas le charbon, on mourra de faim ». Je commençais à me rendre compte que ça ne serait pas facile pour nous de rester là. Ma mère allait souvent voir mon père les week-ends pour chercher un peu d’argent afin d’acheter à manger, et elle profitait de faire un peu le ménage pour mon père. C’était difficile pour mon père, car il n’avait plus le temps de le faire tout seul. Il se réveillait à cinq heures du matin pour aller chercher son bus et avant d’arriver à son arrêt de bus, il fallait marcher des kilomètres à pied, puis monter toute une colline. Il travaillait toute la journée, il rentrait que la nuit déjà fatigué. Tout était aussi devenu plus dur pour
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lui. Alors, sa famille décida de lui chercher une autre femme de son village, une fille qui n’est pas de la ville, pour qu’elle accepte les conditions de la campagne. Un bon dimanche matin, ma mère s’est préparée pour aller chercher un peu d’argent chez mon père, en sortant de la maison elle me dit, je n’ai pas envie d’y aller aujourd’hui. — Comment trouverons-nous à manger pour la semaine, ai-je dit. — Oui, je sais que ta grand-mère ne saura pas trouver à manger pour tout le monde, dit-elle. Ma mère a senti qu’elle était obligée d’y aller, elle me demanda donc de l’accompagner. En arrivant chez mon père, nous y avons trouvé une femme devant la porte de la maison en train de se brosser les dents, car dans mon pays, la plupart de gens se brossent les dents devant la maison, pour nous c’était normal de le faire devant son propre domicile, car le mot lavabo n’était pas encore connu par la population pauvre. — Elle peut être qui cette femme ? ai-je demandé à ma mère. — Femme de ménage, me dit-elle. Mais la façon dont la dame était habillée prouvait qu’elle avait passé la nuit là. Ma mère s’approcha d’elle et lui demanda de se présenter. — Je suis la femme de Pascal, dit-elle. — Et moi je suis qui ? dit ma mère. — L’ex-femme de mon mari, dit-elle. Dès que j’ai attendu ça, j’ai vite compris que l’orage s’approchait, que la misère allait commencer. Un an après, mon père décide de nous prendre avec lui pour ne plus revoir notre mère, mais c’était difficile pour ma mère de nous laisser partir avec notre père. Et ma mère avait pris la garde sans passer par le juge, ils s’étaient mis tout simplement d’accord verbalement que mon père commence à nous rendre visite chaque samedi.
Malgré cette proposition, c’était toujours difficile pour mon père de venir nous rendre visite le week-end à cause de son travail, tout était devenu difficile pour nous, pour manger il fallait que ma mère vende ses pagnes ou ses casseroles en
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seconde main pour nous acheter un peu à manger. J’étais devenue malheureuse, car ma mère me parlait toujours de ses petits soucis, ses problèmes d’argent, et elle n’arrêtait pas de me dire qu’elle avait brisé son mariage pour notre bien. Je me suis toujours demandé pourquoi elle avait brisé son mariage pour nous, ce quelque chose que je n’ai jamais compris, mais ma mère seule savait. J’espérais que ma mère se remette avec mon père, mais c’était déjà trop tard. Alors, je me suis mise à aller chercher l’argent chez mon père de temps à temps, car chaque fois que ma mère allait le voir ils se disputaient, elle rentrait toujours triste, épuisée à la maison. Ça me faisait très mal de la voir à ces états, je me sentais impuissante à mettre fin à tout ça. La première fois que je suis allée voir mon père, je n’avais même pas un centime pour payer le bus. C’était plus facile pour nous d’aller à son travail que chez lui à la maison, on évitait toutes ces collines qui entouraient son quartier, il fallait transpirer avant d’y arriver. Un samedi matin, je me suis réveillée très tôt, j’ai dit à ma mère que je voulais aller voir mon père. — Je n’ai même pas un centime pour te payer le bus, dit-elle. — J’irai à pied, ai-je dit. — Comment peux-tu marcher 10 km à pied, ma fille ? me demanda-t-elle. — J’y arriverais bien, ai-je répondu. Je me sentais obligée d’y aller, car j’en avais marre de voir ma mère triste chaque week-end qu’elle allait voir mon père, et surtout je refusais de voir mes frères manquer de quoi manger. Ma mère avait déjà vendu tous ses pagnes, il ne lui en restait qu’un pour se couvrir. Je suis donc allée voir ma grand-mère. — Peux-tu me payer le bus, je te rembourse à mon retour, ai-je dit. — Où trouveras-tu de l’argent pour me rembourser, dit-elle. — Je veux voir mon père donc je ne rentrerais pas les mains vides, ai-je répondu. Elle me donna quelques sous, j’ai vite couru à l’arrêt du bus. Ce qu’elle m’avait prêté, c’était juste pour payer l’aller et pas le retour. Dès que je suis arrivée, j’ai demandé aux gardiens si
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