Terreur à Guatemala-ville
270 pages
Français

Terreur à Guatemala-ville , livre ebook

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270 pages
Français

Description

La violence, liée à la prolifération des gangs, reste un élément majeur dans la vie quotidienne dans l'Amérique centrale au XXIème siècle. Ces « nouveaux barbares » sont devenus la cible des mesures répressives brutales des autorités étatiques. Pourtant, ces gangs doivent être resitués au sein de l'écologie urbaine néolibérale des riches contre les pauvres. Voici une forme de terreur, appelée à être comparée à l'ensemble des formes de « terrorismes » qui se développent.

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Publié par
Date de parution 19 février 2018
Nombre de lectures 0
EAN13 9782140071751
Langue Français
Poids de l'ouvrage 4 Mo

Informations légales : prix de location à la page 0,1150€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

PaoloGRASSI
Terreur à GuatemalavilleConflits territoriaux, violence et gangs
ANTHROPOLOGIE C R I T I Q U E
Traduit de l’italien par Peggy Berthier Préface de Dennis Rodgers
Terreur à Guatemala-ville
« Anthropologie critique » Collection dirigée par Monique Selim Cette collection a trois objectifs principaux : — Renouer avec une anthropologie sociale détentrice d’ambitions politiques et d’une capacité de réflexion générale sur la période présente ; — Saisir les articulations en jeu entre les systèmes économiques devenus planétaires et les logiques mises en œuvre par les acteurs ; — Étendre et repenser les méthodes ethnologiques dans les entreprises, les espaces urbains, les institutions publiques et privées, etc. Derniers ouvrages parus Barbara MOROVICH Miroirs anthropologiques et changement urbain. Qui participe à la transformation des quartiers populaires ?, 2017. Wenjing GUO, Monique SELIM Des sexualités globalisées à l’avant-garde, 2017. Patience BILIGHA TOLANE Les travailleuses du sexe chinoises au Cameroun, 2017. Marie-Dominique GARNIER Alphagenre, 2016. Julie LOURAU Fêtes populaires et carnaval. Le commerce de rue en temps de fêtes à Salvador de Bahia, 2016. Wenjing GUO Internet entre État-parti et société civile en Chine, 2016. Anne QUERRIEN, Monique SELIM La libération des femmes, une plus-value mondiale, 2015. Ferdinando FAVA Qui suis-je pour mes interlocuteurs ? L’anthropologue, le terrain et les liens émergents, 2014. Roch Yao GNABÉLI Les mutuelles de développement en Côte d’Ivoire. Idéologie de l’origine et modernisation villageoise, 2014. Bernard HOURS, Monique SELIM L’enchantement de la société civile globale ONG, femmes, gouvernance, 2014.
Paolo GRASSITerreur à Guatemala-ville Conflits territoriaux, violence et gangs Traduit de l’italien par Peggy Berthier Préface de Dennis Rodgers
Première édition :Il limbo urbano. Conflitti territoriali, violenza e gang a Città del Guatemala© Ombre Corte, Verona, 2015
© L’Harmattan, 2018 5-7, rue de l’Ecole-Polytechnique, 75005 Paris http://www.editions-harmattan.fr
ISBN : 978-2-343-14254-8 EAN : 9782343142548
SOMMAIRE
Dennis RODGERSPréface Introduction Pourquoi Guatemala-ville et comment ? Au fil des chapitres PHWLWHV Srécisions linguistiques Panorama historique, social et politique Les limbes urbains L’insécurité guatémaltèque Les jeunes sont les premiers à mourir Marasetpandillasen Amérique centrale Barrio, prisons et quartiers résidentiels Théorisation de la ville
Écrire la violence Observer dans des environnements dangereux Le continuum génocidaire et les niveaux d’expérience Le « récit stratifié » (layered account) Opérer sur le terrain et trouver sa position Suivre les lois dubarrioConclusion
$ctualité d’une zone dite rouge Des chiffres à trouver Migrer et s’installer Institutionnalisation de l’asentamientoAmnésie et mémoire du conflit armé interne La naissance desmarasEn réponse à la violence
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Abajo vs Arriba: une guerre entre gangs rivaux Événements critiques Les « stratégies de guerre » El Loco Pandilla, communauté et territoire Transnationalisme et limites Définir lapandillaen partant du bas
Devenir pandilleroLaclechaTeresa et Paulo : apprendre les lois de la rue Machismeet inégalités de genre L’affiliation et laManoAmigaAbandonner le gang
Punir les pauvres, criminaliser les jeunes Homologie structurelle entrebarrioet prison L’espace de la prison L’arrestation L’entrée en prison et le respect des hiérarchies Travailler en prison
Le réseau fortifié L’élite urbaine et la ville LacoloniaMaya IV : fondation, accès et distinction L’autoségrégation Valorisation du centre historique et privatisation de l’espace public Se déplacer à Guatemala-ville Lebarrioet la rhétorique de la peur Conclusion Écologie sociale néolibérale XX L’exclusion Éléments de bibliographie
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Bien que le dernier des multiples conflits liés à la guerre froide qui ont ravagé l’Amérique centrale au cours de la seconde moitié e duXXsiècle se soit terminé en 1996, la violence reste un élément e majeur de la vie quotidienne dans la région auXXIsiècle. Contrairement au passé, cette violence contemporaine semble de nature principalement criminelle et liée en particulier au phénomène postguerre de la prolifération des gangs au sein des sociétés centraméricaines. Désignés par les termes demaras ou pandillas, ces gangs se caractériseraient par une forme de violence allochtone, qui aurait été « exportée » des États-Unis lors du retour des flux de réfugiés qui avaient fui la région au cours des années 1970 et 1980, violence qui se serait endurcie avec la montée du trafic de drogue. Ces gangs, diabolisés en tant que « nouveaux barbares », souvent présentés comme la préoccupation sécuritaire principale de la région, sont devenus la cible de mesures répressives brutales de la part des autorités étatiques centraméricaines. En même temps, maras et pandillas sont des phénomènes sociaux. Ces phénomènes sont dans une large mesure fondamentalement incompris, parce que peu de chercheurs ont réussi à s’en approcher suffisamment pour les étudier et les comprendre véritablement, mais aussi parce que la majorité de ceux qui l’ont tenté nous en a offert des descriptions souvent merveilleusement détaillées mais des analyses généralement très circonscrites et d’une portée très localisée. À cet égard, l’ouvrage de Paolo Grassi nous offre une image très différente et révélatrice de la dynamique violente des gangs au Guatemala actuel. La vision ethnographique extrêmement nuancée et originale du phénomène qu’il nous propose, est basée sur une
8 DENNISRODGERSinteraction directe avec des gangs, des gangsters et des « ganglands », c’est-à-dire sur les contextes dont émergent les premiers ; pour les comprendre il les resitue, ainsi que leur évolution, au sein d’une économie politique urbaine plus large. S’inspirant de la fameuse école de sociologie de Chicago des années 1920 et 1930, Grassi explore le phénomène des gangs tel qu’il émerge au sein de « l’écologie urbaine néolibérale » plus large de Ciudad de Guatemala, reliant ainsi systématiquement le développement urbain de la ville, sa morphologie spatiale particulière, à différentes formes de violence. Grassi aborde donc les gangs plutôt comme des épiphénomènes que comme des phénomènes, et son ouvrage est par conséquent beaucoup plus que « juste » une étude de plus sur les gangs : c’est une étude ethnographique contextualisée qui vise à comprendre les logiques et les dynamiques fondamentalement imbriquées du phénomène. Cet ouvrage nous fournit en conséquence une série de nouvelles perspectives empiriques et théoriques concernant les origines des gangs guatémaltèques, leur relation changeante avec leurs communautés locales (y compris la réaction ambiguë de ces dernières avec les gangs), le transnationalisme du phénomène (et les mythes entourant celui-ci), ainsi que la façon dont la violence des gangs se produit et se reproduit (tant dans la pratique qu’au niveau de l’imaginaire social). En même temps, cet ouvrage explore aussi les gangs en les considérant explicitement au sein de différents espaces urbains, reliant les quartiers pauvres où émergent les gangs, les prisons où nombre de leurs membres passent beaucoup de temps, ainsi que les lotissements sécurisés – 1 lesgated communities – de l’élite urbaine qui sont (parfois) les victimes des gangs mais plus souvent leurs persécuteurs (bien que principalement de manière indirecte, à travers leur participation et leur soutien au gouvernement oligarchique guatémaltèque). En explorant le rôle que jouent les gangs, tant dans la vie quotidienne que dans l’imaginaire de ces différents espaces
1. Renaud LE GOIXD’après Blakely et Snyder [1997], ce: « terme gated communitiesdes quartiers résidentiels dont l’accès est contrôlé, interdit désigne aux non-résidents, et dans lequel l’espace collectif (rues, trottoirs, parcs, terrains de jeu...) est privatisé »,Hérodote, 2006, n° 122 : « Ghettos américains, banlieues françaises ». Nous le traduirons désormais par le terme de résidence fermée ou quartier sécurisé en fonction du contexte.
PRÉFACE 9 urbains, Grassi montre comment ceux-ci finissent par constituer une forme de connexion entre des espaces autrement disparates, et deviennent ainsi une incarnation symbolique du régime néolibéral plus général qui caractérise le Guatemala contemporain. Ceci permet à Grassi de souligner qu’il existe très clairement une homologie structurelle entre les quartiers pauvres et la prison, qui représentent tous deux des exemples différents de la « violence infrastructurelle » qui sous-tend la ségrégation urbaine, caractéristique essentielle de la sécurité néolibérale à Guatemala City, Amérique. En même temps, il montre aussi comment images et visions stéréotypées des « gangs » agissent comme un medium relationnel à la fois passif et actif, par lequel ceux qui vivent dans des lotissements sécurisés sont connectés à ceux qui vivent dans les quartiers pauvres, ce qui conduit à une diabolisation des pauvres et à la promotion de politiques répressives dont les répercussions vont au-delà des gangs et touchent directement les pauvres d’une manière plus générale. Ainsi, l'une des grandes originalités de l’ouvrage que nous propose Paolo Grassi est de nous offrir une image des gangs qui les considère moins comme une forme de violence allochtone et barbare, dont les origines, les logiques, et les dynamiques seraient extérieures à la société centraméricaine, mais plutôt comme un symptôme indigène d’une violence qui est peut-être la plus pernicieuse et la plus dévastatrice dans le contexte de l’Amérique e centrale duXXIsiècle : la violence des riches contre les pauvres. En même temps, loin d’être un phénomène nouveau, cette violence est à bien des égards une récapitulation des conflits (de classes) passés, mais elle se déroule maintenant d’une manière nouvelle, et avec des conséquences qui sont clairement plus dystopiques qu’utopiques pour la région…
Dennis RODGERSProfesseur d’études du développement Université d’Amsterdam, Pays-Bas
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