Un jeune breton dans la guerre
166 pages
Français

Un jeune breton dans la guerre , livre ebook

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166 pages
Français

Description

Dans ce récit relatant les souvenirs de guerre d'un jeune garçon vivant avec ses parents dans une ferme du bocage breton, on sent que le jeune spectateur a vécu intensément les événements qu'il rapporte. Il veut les faire partager et laisser un témoignage poignant de ce que fut réellement la guerre 1939-45 dans son terroir natal des Côtes-d'Armor. Il insiste sur la dureté de l'existence, les privations, la peur, le rationnement, sans omettre les exactions des occupants et des résistants.

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Informations

Publié par
Date de parution 06 décembre 2014
Nombre de lectures 10
EAN13 9782336362786
Langue Français
Poids de l'ouvrage 9 Mo

Informations légales : prix de location à la page 0,0700€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

Graveurs de Mémoire
G
Raymond Jaffrézou
Un jeune breton dans la guerre
Graveurs de Mémoire Série : Récits de vie / Seconde Guerre mondiale
UN JEUNE BRETON DANS LA GUERRE
Graveurs de mémoire Cette collection, consacrée à l’édition de récits de vie et de textes autobiographiques, s’ouvre également aux études historiques. Depuis 2012, elle est organisée par séries en fonction essentiellement de critères géographiques mais présente aussi des collections thématiques.Déjà parus Rabaraona (Rocky A. Harry),L’aventure des Surfs, Souvenirs d’un groupe vocal malgache,2014. Walliser (Andrée),Grandeurs et servitudes scolaires, Itinéraires passés et réflexions présentes d’un professeur,2014. Quesor (Gérard),Chez la tardive, Une amitié inachevée,2014. Penot (Christian),Du maquis creusois à la bataille d’Alger, Albert Fossey dit François de la résistance à l’obéissance,2014.
Messahel (Michel),Itinéraire d’un Harki, mon père, De l’Algérois à l’Aquitaine, Histoire d’une famille,2014.
Augé (François),Petites choses sur l’école, Mémoires et réflexions d’un enseignant,2014.
Moors (Bernard),J’ai tant aimé la publicité, Souvenirs et confidences d’un publicitaire passionné, 2014. Pérol (Huguette),Gilbert Pérol, Un diplomate non conformiste, 2014. Gritchenko (Alexis),Lettres à René-Jean,2014. Blaise (Mario),Retour aux racines,2014. Le Lidec (Gildas),De Phnom Penh à Abidjan, Fragments de vie d’un diplomate,2014.
RAYMOND JAFFRÉZOU
U1JEUNE BRETON'$16/$GUERRE
1939 – 1946
DU M(ME AUTEUR Chez le même éditeur Maria - roman – (2008) Heureux qui comme Ulysse… - récit  Chez d’autres éditeurs Ça vous suivra dans votre carrière… Les mémoires d’un préfet– (2000) 2058, Survivre au pétrole - roman – (2006) Le Jaloux - comédie dramatique en 5 actes, en vers – (2010) La Vengeance d’Angèle - roman – (2012) ------------------© L'HARM ATTAN, 2014 5-7, rue de l'École-Polytechnique, 75005 Parishttp://www.harmattan.fr diffusion.harmattan@wanadoo.fr harmattan1@wanadoo.fr ISBN : 978-2-343-04545-0 EAN : 9782343045450
1939
Les plus anciens se souviennent du début de la seconde guerre mondiale : le 2 septembre 1939, la France et la Grande-Bretagne déclaraient la guerre à l’Allemagne qui avait envahi la veille, la Pologne. Dans les Côtes-du-Nord, comme dans tout le pays, ils ont entendu sonner le tocsin annonçant l’ordre de mobilisation générale, rapidement affiché partout. Ceux dont le fascicule de mobilisation portait la mention de rejoindre sans délai leur unité, quittèrent le jour même leurs familles, leurs champs, leurs bureaux, leurs usines, leurs lieux de vacances, pour prendre trains, autocars… Parfois, ne sachant comment se mettre en route, ils se rendaient dans les gendarmeries. Ceux qui dans les fermes, participaient aux battages, abandonnaient sur le champ leur poste, passaient chez eux embrasser leur famille, prendre leur sac et partaient aussitôt. J’ai vu ainsi, à Paule, notre ouvrier agricole rentrer du battage d’un hameau voisin, prendre ses affaires et sa paie et nous faire ses adieux tristement. D’autres dans un bureau, ramassaient leur stylo sans même achever la lettre commencée, puis saluaient leurs collègues mobilisés plus tard ou pas du tout, en fonction de leur classe d’âge, dans une atmosphère empreinte tout-à-coup de gravité. Ils furent ainsi soixante mille hommes à partir des Côtes-du-Nord, pour la guerre. Ils n’allaient pas au combat la fleur au fusil, ils n’allaient pas reconquérir l’Alsace et la Lorraine comme en 1914. Ils avaient encore présent à l’esprit le soulagement avec lequel fut accueilli un an plus tôt, l’accord de Munich.
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Naïvement, ils avaient tous cru à la paix mais c’était la guerre. Deux jours plus tard, la batteuse était chez mes parents ; Job, un voisin était venu faire un tour, à l’heure de la pause, avant de partir rejoindre son corps ; les larmes aux yeux, je l’ai entendu dire qu’il n’avait pas connu son père, tué à la guerre de 14 quand il avait deux ans et que peut-être il en serait de même pour son fils, âgé à peine de deux ans. Comme les autres, Job ne semblait pas savoir pour quelle cause il allait se battre, mais comme eux, il partait. Que se passa-t-il après ces journées de septembre 1939 qui virent partir notre jeunesse pour le front (12% de la population des Côtes-du-Nord) ? Rien ! Nous pourrions passer directement à 1940 et même au printemps 1940. Jusque là, rien ! Si, une première vague de réfugiés vint du nord et du nord-est : plusieurs dizaines de milliers furent accueillis dans la région de Dinan, six mille seulement, dans un premier temps, dans l’arrondissement de Saint-Brieuc. Les autorités avaient néanmoins commencé à prendre des dispositions en prévision d’une guerre qui risquait d’être plus longue que prévu et l’Armée avait procédé, dès la mobilisation, à des réquisitions de chevaux. Des baraquements furent construits dans de nombreuses agglomérations afin d’héberger un plus grand nombre de réfugiés. Dans l’administration on prépara la mobilisation des personnels de réserve nécessaires à l’organisation d’un service de ravitaillement et d’une défense passive. Quelques mesures en vue de cette dernière furent prises sans conviction, elle était si loin des Côtes-du-Nord, la guerre… De toute façon, la défense était passive partout, des Ardennes à la frontière suisse. Les soldats qui ne savaient pas jouer aux cartes devaient drôlement s’embêter ! Dans les forts de la ligne Maginot, on était convaincu : « Ils ne passeront pas » et dans les villes
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bretonnes on penserait plus tard à camoufler les fenêtres et à recenser les abris, nous étions trop loin pour les bombardiers nazis. Nul n’aurait osé prédire que ce seraient les avions alliés qui détruiraient nos villes. Dans les campagnes, les agriculteurs apprirent à se passer de la main-d’œuvre familiale ou domestique mobilisée. Les grands-parents ou parfois de jeunes enfants furent appelés à la rescousse. Les battages étant presque terminés au début de septembre, la plus grande difficulté qui se présenta fut de réaliser à temps les semailles d’automne. En dehors de journaliers, les paysans ne trouveraient pas grand monde à embaucher avant le er 1 mars, date traditionnelle de départ des contrats pour l’embauche des ouvriers agricoles dans notre région. Dans les usines, les services, les bureaux on fit appel en cas de besoin à des retraités, à de jeunes apprentis et comme ce fut le cas pendant la Grande Guerre, au travail féminin. Lors de la rentrée de septembre, les collégiens et lycéens constatèrent que beaucoup de professeurs étaient mobilisés. Je l’appris à Rostrenen, au collège de Campostal, où le supérieur lui-même était sous les drapeaux. Il fut remplacé par le Père Olivier, surnommé Bitaille à cause de son mètre quatre-vingt-deux. C’était un vétéran, gazé en 1914-18, qui se souvenait de l’expulsion, en 1905, du petit séminaire de Plouguernével et de son transfert à Rostrenen, au manoir de Campostal. Pendant ce temps, plus de deux millions d’hommes faisaient l’apprentissage de l’oisiveté, fatigués de guetter un ennemi invisible comme dansLe Désert des Tartares. Pour calmer leur impatience, une permission leur fut accordée par roulement à l’occasion des fêtes de fin d’année. Ils purent ainsi goûter aux joies de la famille, parfois voir pour la première fois un enfant nouveau-né qu’ils ne reverraient plus avant six ans, s’ils devaient être faits prisonniers. On vit des ouvriers agricoles, ne sachant
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trop comment occuper leur congé, aller donner un coup de main à leur ancien patron ; ce fut le cas chez mes parents. Fin janvier, finies les permissions. L’attente reprit, aussi démoralisante : la guerre prenait le nom de « drôle de guerre ». Nous étions en 1940 et il ne se passait toujours rien à l’Ouest. La presse avait à peine signalé quelques escarmouches ou des incidents lors de rencontres entre patrouilles sur le front du nord-est ainsi qu’une incursion de nos troupes en Sarre Hitler avait dévoré la Pologne en la partageant avec l’Union Soviétique. Les seules représailles occidentales avaient été la mobilisation. Il n’y avait pas si longtemps, notre gouvernement disait que la mobilisation n’était pas la guerre, mais nous y étions, en guerre. L’ogre nazi pouvait préparer tranquillement l’invasion de notre pays, mal préparé à la guerre, leurré qu’il était par sa croyance en une fausse paix.
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1940
Le réveil fut brutal, lorsque le 10 mai 1940, les divisions blindées allemandes s’abattirent sur la France, en évitant la ligne Maginot. Traversant les Ardennes, elles percèrent nos lignes à Sedan ; pour elles, la campagne de France se déroula ensuite comme à l’exercice, à une allure prodigieuse et inattendue. En un mois les armées anglaises et françaises furent bousculées, encerclées, mises hors de combat. Paris fut déclarée ville ouverte le 14 juin, le gouvernement se déplaça, d’abord sur la Loire déjà menacée par les Allemands, puis à Bordeaux, d’où son nouveau chef, le Maréchal Pétain, demanda l’armistice. Signé le 22 juin 1940 avec l’Allemagne et le 25 du même mois avec l’Italie, qui entre temps, nous avait déclaré la guerre, il consommait notre défaite. Le désordre inouï et si souvent décrit, causé par cette guerre-éclair retentit bientôt dans notre département des Côtes-d’Armor, jamais envahi par une armée étrangère depuis les Romains. La dernière tentative, celle d’un corps de débarquement anglais, fut repoussée à Saint-Cast en 1758. Les autres fois, oubliées dans la nuit des temps, cela se passait avec les Français, voire les Normands. Les troupes motorisées allemandes furent précédées, accompagnées ou suivies, on ne savait plus très bien, de l’exode des réfugiés. En effet, dès le début de l’invasion, des centaines de milliers d’habitants des régions de l’Est et du Nord se lancèrent sur les routes vers l’Ouest. En voiture, à moto, voire en char à bancs ou en charrette, à vélo ou à pied, souvent dépassés par les colonnes ennemies, cent vingt mille d’entre eux parvinrent
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