Femmes du Maroc, 1995, rétrospective
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Femmes du Maroc, 1995, rétrospective , livre ebook

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Description

Extrait de l'introduction : "En 1995 l’universitaire franco sud-africain Serge Ménager regagna le Maroc d’où il avait été absent pendant les quinze années précédentes. Ce pays qu’il connaissait bien, y ayant travaillé au tout début de sa carrière d’enseignant, l’enchantait. Les raisons qui le poussaient à y retourner cette année-là dépendaient moins d’une envie de retrouver des amis de longue date ou d’assouvir un désir viscéral d’être de nouveau dans un pays dont l’exotisme lui avait laissé des empreintes indélébiles que d’une volonté, née pendant son premier séjour dans le pays, de déchiffrer l’énigme de la nature complexe du rôle que joue la femme marocaine. "

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Publié par
Date de parution 25 septembre 2018
Nombre de lectures 9
Langue Français
Poids de l'ouvrage 1 Mo

Informations légales : prix de location à la page 0,0000€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

FEMMES DU MAROC, 1995 Rétrospective
Serge Ménager Préambule et interviews
Vanessa Everson Introduction et annotations des textes
DL 2007/19224 ISBN 9954-429-54-9
ED I T I ON S AÏ N I B EN N AÏ 131, boulevard d’Anfa 20000, Casablanca, Maroc Tél. : +212 22 270907- +212633368402 E.mail :eds.aini.bennai@wanadoo.net.ma
Edition en version numérique sur Youscribe
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À Serge Dominique Ménager, Collègue, ami et âme sœur
Remerciements
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Nombreux sont les amis de Serge Ménager qui désirent honorer sa mémoire en promouvant la publication de ses écrits. Parmi eux nous tenons à en remercier deux en particulier. D’abord Janet Solomon : les magnifiques images qui embellissent cet ouvrage sont le travail de cette artiste et photographe sud-africaine qui accompagna Serge Ménager lors d’un périple à travers le Maroc pendant son dernier séjour dans le pays. Et puis, Zain Khan : compagnon du chercheur franco sud-africain, qui, de par son soutien à cette publication, continue de lui rendre hommage.
Introduction
1 En 1995 l’universitaire franco sud-africain Serge Ménager regagna le Maroc d’où il avait été absent pendant les quinze années précédentes. Ce pays qu’il connaissait bien, y ayant travaillé au tout début de sa carrière d’enseignant, l’enchantait. Les raisons qui le poussaient à y retourner cette année-là dépendaient moins d’une envie de retrouver des amis de longue date ou d’assouvir un désir viscéral d’être de nouveau dans un pays dont l’exotisme lui avait laissé des empreintes indélébiles que d’une volonté, née pendant son premier séjour dans le pays, de déchiffrer l’énigme de la nature complexe du rôle que joue la femme marocaine. En effet, ce fut dans le cadre d’un projet de recherche que Serge Ménager se rendit de nouveau en territoire marocain. Son but ? : y mener une enquête auprès d’écrivains femmes dans l’espoir qu’elles lui raconteraient leur histoire, ce qui lui permettrait peut-être de découvrir certains aspects de la condition de la femme marocaine de l’époque. Ce projet initial fut cependant modifié lorsque, au fur et à mesure que le temps passait, le chercheur s’apercevait de plus en plus que se concentrer exclusivement sur des écrivains signifierait forcément limiter la portée et donc l’intérêt de son étude. En cherchant à rencontrer les auteurs dont il avait lu les écrits, il fit la connaissance d’autres femmes qu’il qualifia aussitôt d’ « en vue » et aptes à présenter une vision qui viendrait compléter celle des écrivains. L’hésitation initiale de l’universitaire face auleitmotiv de ses interlocutrices qui se déclaraient « peu représentatives » céda le pas devant sa conviction grandissante que personne d’autre n’était mieux placé qu’elles, êtres exceptionnels dotés de courage et de générosité, pour parler d’elles-mêmes, femmes et Marocaines, et donc pour s’exprimer sur leurs consœurs. Serge Ménager interviewa quatorze de ces femmes qu’il enregistra et dont seulement les propos pris dans le
1 Français de nationalité et sud-africain de par son choix de lieu de résidence pendant la plus grande partie de sa carrière de professeur d’université.
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brouillon de la transcription de trois de ces interviews furent publiés 2 dansLa Revue françaisequand, en 2002, l’universitaire décéda prématurément. Ce présent ouvrage propose au lecteur un bref descriptif de l’enquête rédigé par l’intervieweur, lui-même suivi de la compilation des transcriptions complètes et annotées des quatorze interviews que Serge Ménager réalisa il y a un plus d’une décennie. Chacune est précédée de quelques paragraphes de réflexion personnelle qui font office de prologue à l’interview proprement dite. Tout en s’adressant à un lectorat général, l’ouvrage offre à l’étudiant(e) ou au chercheur qui s’intéresse plus particulièrement à l’évolution au Maroc des mouvements sociologique, historico-culturel, littéraire ou féministe, un aperçu ancré dans le vécu quotidien de quatorze Marocaines. Le regard que l’on peut porter avec le recul d’une douzaine d’années sur une société est d’autant plus objectif ; il nous met donc en mesure de mieux évaluer la portée de certains événements, l’importance de diverses personnalités-clés et nous permet par la suite de mesurer le chemin parcouru. La réputation internationale qu’avaient quelques unes de ces femmes il y a douze ans n’a nullement diminué avec le passage du temps. Ghita El Khayat, figure de proue, à l’époque, est tout aussi respectée comme médecin psychiatre à Casablanca et autorité sur la condition féminine dans le monde arabo-islamique en 2007 qu’elle l’était en 1995. La sociologue Fatima Mernissi, professeur à l’institution universitaire de recherche scientifique à l’université Mohammed V à Rabat est maintenant membre du Conseil d’université des Nations Unies, continue à œuvrer pour la défense des femmes au Maroc et dans le monde arabe. L’intérêt que porte Rabéa Naciri pour le bien-être de ses congénères ne cesse de s’accroître comme en témoigne par exemple sa participation au séminaire régional « Droits économiques et sociaux dans le Sud et l’Est de la Méditerranée (17 – 20 octobre 2003, Amman, Jordanie) ou le rapport dont elle est co-auteur avec Isis Nusair pour la Fédération Internationale des Ligues des Droits 3 de l’Homme . Sa collègue au sein de l’Association Démocratique des Femmes du Maroc, Leïla Rhiwi, professeur en communication à l’université de Rabat est aujourd’hui le porte-parole du Printemps de
2 La Revue française, No 3, 4, (1997), 8 (1999). 3 No 378/2 mars 2004.
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l’égalité, un collectif d’associations de défense des droits de la femme, et commente avec véhémence la réforme du Code de la famille, la Moudawana, qui fait date en fondant l’égalité entre les hommes et les femmes. Aïcha Sakhri, directrice responsable de la Publication et rédactrice du magazineFemmes du Maroc dont elle assurait la coordination en 1995, est, elle aussi, très impliquée dans des projets de révision de laMoudawana; en novembre 2001 au palais royal de Rabat, lors de la réception de SM le Roi Mohammed VI de représentants d’organisations politiques et d’associations féminines nationales, c’était Aïcha Sakhri qui représentait le secteur de l’information. En effet le magazineFemmes du Marocconsacré son a édition de juillet 2004 à l’inégalité et à la discrimination, suite au lancement de la pétition du transfert de la nationalité de la femme 4 marocaine à ses enfants nés de père étranger ; la journaliste déclare que même si cette discrimination n’est pas propre au Maroc (car à part la Tunisie, l’Égypte et depuis peu l’Algérie, aucun pays arabe ne reconnaît ce droit à ses ressortissantes) la réforme du Code de la Famille a accéléré la cadence des espoirs de changement. L’avocate Fadela Sebti, quant à elle, tout en continuant dans la voie qu’elle s’était déjà choisie même avant 1995, celle de faire connaître ses droits à la femme marocaine, anime actuellement un site Web qui contient des documents (qu’elle met constamment à jour) concernant le Code du Statut personnel et des Successions, ainsi que le Guide des Droits et Obligations de la Femme. Notons également qu’en plus de renforcer un travail, déjà entamé en 1995, certaines de ces femmes « en vue » choisissent d’élargir leur champ de vision. La styliste et couturière Zineb Joundy, par exemple, conçoit maintenant des défilés de mode qui véhiculent non seulement l’image du Maroc à travers ses vêtements mais servent aussi des causes humanitaires : le renouveau du caftan lors du dîner gala organisé par l’association d’amitié anglo-marocaine a permis en août 2005 de collecter plus de 300.000DH en faveur de nombreux centres de bienfaisance au Maroc et par la même occasion de contribuer à la dimension culturelle du tourisme au Maroc. La journaliste Hinde
4 Ajoutons qu’en octobre 2004 la militante a également participé à la table ronde de l’université d’automne du mouvement NPNS (Ni Putes Ni Soumises) à Dourdan (Essonne).
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Taarji continue d’être ce qu’elle était en 1995, l’une des rares personnalités à faire explicitement état de son détachement de la foi musulmane et, maintenant qu’elle est chroniqueuse à l’hebdomadaire des affaires casablancaisLa Vie Économique, sa chronique ne manque pas de s’y conformer : elle incarne de nos jours le raisonnement « pas de liberté pour les ennemis de la liberté ». Et puis Farida Benlyazid dont le travail de scénariste et de metteur en scène éblouissait plus d’un dans les années 90, continue à privilégier des projets innovateurs tel que son dernier long métrage (co-production marocaine espagnole), en e compétition au 53 festival de cinéma de Donostia à San Sebastián en août 2005, la nouvelle version du romanLa vida perra de Juanita Narboni de l’écrivain de Tanger Angel Vazquez, que la réalisatrice tourne sous le nom deJuanita de Tanger. 5 L’héroïne de la cinquième interview , Mouna Fettou – l’enfant terrible du cinéma marocain, actrice rebelle et émancipée - continue à faire grand bruit dans le monde cinématographique. Surtout fière de son métier, du 10 au 16 septembre 2004 elle était membre du jury lors de la e 3 édition du Festival du court métrage de Tanger qui se veut un espace de rencontre et de création tout en confirmant l’importance du court métrage comme genre à part entière, genre qui a permis l’émergence de jeunes réalisateurs qui figurent aujourd’hui parmi les grandes figures du cinéma mondial. En 2005 elle interprète aussi Ghita Ben Barka dans J’ai vu tuer Ben Barkade Serge Le Peron, film noir tenant du polar et du thriller psychologique qui raconte la mort en 1965, mort sans corps mais non sans histoires, de l’opposant marocain Ben Barka. D’autres interviewées encore ont entrepris pendant ces douze dernières années des projets qu’elles avaient déjà confiés à Serge Ménager en 1995. En 2002 la romancière Rachida Yacoubi a fait paraître chez Paris-Méditerranée son deuxième romanJe dénonce ! pour lequel elle adopte la même approche que celle de son premier ouvrage en témoignant de l’injustice de la condition des femmes au Maroc à travers son expérience personnelle. Pour avoir osé divorcer elle échoua à la prison pour femmes de Casablanca où parmi les prostituées et les trafiquantes de drogue elle partagea le sort de nombreuses femmes détenues parce qu’elles voulaient être femmes
5 Dont les annotations font allusion aux films dans lesquels Mouna Fettou a joué à partir de 1995.
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autrement. Rappelons-nous l’unicité de son livre qui est le premier à nous faire pénétrer dans l’enfer des prisons au Maroc en nous en brossant le tableau. Soumaya Naâmane Guessous, professeur d’université et la première personne à avoir abordé en sociologue la sexualité féminine de la femme marocaine a, elle aussi, concrétisé la pensée qu’elle avait partagée avec Serge Ménager en 1995. Il s’agit de son étude de la puberté et de la ménopause au titre on ne peut plus 6 appropriéPrintemps et automne sexuelslaquelle la sexologue, dans même si elle conçoit que la virilité perdure, traite de l’andropause qu’elle avait déjà évoquée lors de l’interview. En analysant le développement hormonal chez l’être humain, avec la puberté elle nous permet d’abord de saisir l’importance du poids de la culture sur les jeunes et ensuite de comprendre que le processus de la ménopause n’échappe pas non plus à l’emprise de la tradition, que les comportements qui en résultent découlent du conditionnement social, héritage d’un long passé. Il n’est guère étonnant que la présidente de l’Association Femmes Jeunesse dans l’Environnement Maghrébin et auteur deL’Enfant 7 endormiNoufissa Sbaï soit restée fidèle au projet dont elle avait fait part au chercheur franco sud-africain ; en effet, en 2004, son deuxième romanL’Amante du Rifchez Paris-Méditerranée. Ce qui peut paraît surprendre par contre c’est que la militante du mouvement associatif se soit aventurée en 2003 dans le monde cinématographique en tant que productrice exécutive(Maroc) du filmLes Yeux Secs, premier long métrage de la jeune réalisatrice Narjiss Nejjar. Ce qui ne surprend évidemment pas est le choix de film. Que Noufissa Sbaï ait choisi de s’associer à un long métrage qui a pour originalité son sujet – le village berbère de l’Atlas, Tizi, habité seulement par des femmes, des prostituées, et dont le thème le plus intéressant est l’émancipation des femmes face au regard et à la mainmise des hommes sur leur destinée, correspond parfaitement à l’image qu’elle donne d’elle-même en parlant à Serge Ménager.
6 Guessous, S.N., 2000. Casablanca. Voir aussi « Tristes saisons des er Marocaines », Courrier de l’UNESCO, 1 septembre 2001. 7  Le premier roman de Noufissa Sbaï qui en 2004 est tourné en film par Yasmine Kassari (Belgique – Maroc) ; premier long métrage de cette jeune réalisatrice, il est primé plus de vingt fois en un an.
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Pendant les douze ans qui nous séparent du moment où se réalisèrent les quatorze interviews, l’éditrice Layla Chaouni aussi mène sa barque dans la direction qu’elle se traçait en parlant à l’intervieweur. Créatrice en 1987 de la maison d’éditions Le Fennec qui compte aujourd’hui plus de 300 titres édités dans les deux langues (l’arabe et le français), 10 collections, elle a contribué, et contribue toujours, à sortir la production littéraire de sa léthargie. Rappelons-nous que l’un des axes éditoriaux des éditionsLe Fennec met l’accent sur la femme, la famille et le travail, que plusieurs collections portent sur la condition féminine marocaine, que la collectionDébats philosophiques fait se confronter des philosophies occidentales et arabo-musulmanes et que le débatIslam et humanisme vise à promouvoir un islam tolérant. La variété est large car les éditionsLe Fennecaussi des ouvrages éditent sur la psychanalyse alors que laCollection noireau polar. s’ouvre Lorsque l’éditrice, en s’avouant éprise de « la passion du livre », déclare qu’elle veut « mettre la lecture à portée du plus grand 8 nombre » , elle ne fait que confirmer ce que ses actes démontrent depuis de nombreuses années. Et quand elle affirme qu’ « [elle] préfère 9 [se] battre pour que les gens aient le droit à la parole (…) » , c’est sûrement au nom de chacune des quatorze femmes interviewées par Serge Ménager qu’elle parle … et pour lui aussi.
Vanessa Everson Université du Cap Afrique du Sud
8 Le 24 mars 2005. Rencontre avec Layla Chaouni.Reflets du cinéma du Magreb. 9 Le Matin, le 28 septembre 2003.
Préambule
Serge Dominique Ménager
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Lorsque j'arrivai au Maroc à la fin de l'été mille neuf cent quatre-vingt-quinze, mon dessein était d'étudier la situation des femmes écrivains marocaines. Avant de chercher à les rencontrer, il me parut indispensable d'entreprendre un grand tour du Maroc pour voir comment la situation des femmes avait progressé dans ce pays depuis quinze années que je l'avais quitté. Durant tout le mois de septembre je me promenai donc du sud au nord et d'est en ouest, retrouvant des villes que ma mémoire avait presque complètement oubliées, en découvrant d'autres que je ne connaissais que de nom. De ce périple il me reste de nombreuses images de femmes rencontrées au hasard des jours et des lieux : paysannes de l'Atlas transportant des fagots de bois sur leur tête, groupe de femmes marchant au beau milieu d'un paysage désertique enveloppées dans les voiles noirs du sud, jeunes filles faisant leurs courses sur les grandes avenues de Casablanca. Mais de toutes ces impressions emmagasinées durant ces pérégrinations, trois se présentent spontanément à ma mémoire lorsque je me reporte en pensée à ce voyage. Ces trois souvenirs n'ont bien sûr rien d'innocent et s'ils remontent chaque fois inconsciemment avec une telle docilité à la surface de mon passé c'est qu'ils m'ont sans doute marqué, qu'ils ont pour moi une importance qu'il me faudrait essayer de percer à jour. Le lien le plus simple semblant unir ces images est celui de la féminité: toutes trois concernent des femmes marocaines. Elles présentent
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