« La mentalité primitive » - Faux pas philosophique ou imposture ?
114 pages
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Description

La notion de « mentalité prélogique » sur laquelle Lucien LévyBruhl a bâti son anthropologie doit-elle être considérée commeune simple hypothèse erronée dont la fausseté aurait échappé àsa brillante intelligence trente années durant, ou bien commeune authentique mystification philosophique et scientifique ?Quelque réponse qu’on veuille faire à cette question, une chosedu moins est tout à fait certaine : seule l’emprise du préjugé derace alors quasi-général et, pour ainsi dire, normal, même enFrance, était capable d’aveugler à ce point un intellectuel de lastature de ce philosophe, ou de l’entraîner malgré lui sur unepente où il ne risquait pas moins que son honneur de savantuniversitaire. Il ne peut y avoir de doute non plus sur le faitque, erreur de bonne foi ou imposture, l’œuvre construite surcette base a exercé une énorme influence sur l’anthropologiefrançaise encore dans l’enfance en ce tout début du XXe siècle,et l’a marquée pour une longue période d’une empreinteprofonde quasi indélébile.

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Informations

Publié par
Date de parution 01 septembre 2019
Nombre de lectures 2
EAN13 9782916121949
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,0400€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

Collection FawohudieISSN : 2552-7290
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Du même auteur Félix Houphouët et la Côte-d’)voire, l’envers d’une légende.Karthala Editions, Paris 1984. 333 pages Côte-d’)voire. Le PDC) et la vie politique de ͙͜͜͡ à ͙͡͠͝.L’(armattan, Paris ͙͡͠͞. ͚͘͠ pagesCôte-d’)voire. La dépendance et l’épreuve des faits.L’(armattan, Paris ͙͡͠͠. ͙͠͠ pagesL’Afrique Noire au miroir de l’Occident.Nouvelles du Sud, Ivry 1993. 206 pages Sidjé ou La Marche des femmes sur la prison de Grand-Bassam. Ed. en ligne Le Manuscrit.com, 2007. 369 pages Penser l’Afrique(ouvrage collectif). Le Temps des Cerises, éditeurs, 2007. 217 pages À paraître aux éditions Anibwé : Les Aphorismes du compère Asawa et autres textes. Oiseaux savants et indigènes aphasiques ou de l’africanisme en France comme variété du négationnisme.Dans la même collection : De Climbé à carnet de prison, essai sur l’invention de la littérature ivoirienne. Suivi deLes Dadié, de Gabriel à Bernard, histoire d’unefidélité.Le panafricanisme en 10 questions. Klah Popo
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Les Éditions Anibwé remercientManuela Beuze pour sa précieuse collaboration.
©Anibwé 2018 ISBN : 978-2-916121-94-9 Éditions Anibwé www.anibwe.com
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MARCEL AMONDJI « La Mentalité primitive » faux pas philosophique ou imposture ? (Pour en finir avec Lucien Lévy-Bruhl)
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AVANT-PROPOSIl y a un vrai mystère Lévy-Bruhl. C’est peut-être le seul écrivain, dans tous les temps, qui ait, de lui-même, jeté au rebut son œuvre, ou, du moins, la partie de son œuvre à laquelle il devait sa renommée. Et au lieu de le juger sur cette renommée si mal acquise, on préfère le louer pour les quelques lignes en style télégraphique qu’il a tracées dans un carnet intime la veille de sa mort, avec, sans doute, le secret espoir qu’on les découvrirait un jour ou l’autre…C’est ce que fit le philosophe marxiste Lucien Sève au tout début de l’année ͚͙͘͘, dans un prestigieux mensuel parisien, sous prétexte de révélations sur les conditions du bien vieillir : « Le sociologue Lucien Lévy-Bruhl fut célèbre entre les deux guerres pour sa théorie de la "mentalité prélogique", selon laquelle les "peuples primitifs" seraient étrangers à la pensée rationnelle, théorie largement reprise en dépit d’assez nombreuses critiques. Or, dans ses Carnets rédigés en 1938-1939, à la veille de sa morta alors passé 80 ans il , il revient avec une remarquable vigueur autocritique sur cette thèse qui a fait sa célébrité et écrit sans ambages: "J’ai eu tort…". Ce qui le conduit à esquisser tout un programme de recherches
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nouvelles à entreprendre […]La lecture de ces Carnets disqualifie la prétendue fatalité du racornissement intellectuel et de l’entêtement sénile, qui ne sont certes pas sans exemples, mais ne constituent pas une loi. Comment expliquer cette longévité intellectuelle de Lévy-Bruhl? Pour autant qu’on puisse le dire en peu de mots : des études de haut niveau (Ecole normale supérieure, agrégation de philosophie), puis, fait essentiel, tout au long de sa vie, des renouvellements majeurs de ses activités, connaissances et intérêts de la philosophie allemande à la sociologie de la morale, puis à l’ethnologie des "primitifs" –, et, ajouté à cela, une attention largement ouverte jusqu’au bout aux critiques qui ont été faites à ses travaux. Cet 1 homme est mort en pleine vitalité de pensée.» En somme, c’est:comme qui dirait consacrez trente années de votre vie à écrire les pires inepties sur de prétendues sociétés inférieures et leur mentalité primitive ; servez aux racistes en quête de prétextes les arguments les plus spécieux ; puis, juste avant de mourir, notez dans votre journal intime que vous avez eu tort d’être aussi affirmatif que vous le fûtes ; et chacun dira de vous :« Voyez
1 - Le Monde diplomatique, Janvier 2010. 6
quelle vitalité de pensée cet homme-là a su conserver après une vie bien remplie ! ». Malgré toute la sympathie que j’ai pour Lucien Sève et son œuvre –peut-être devrais-je plutôt dire : à cause de cela même (et un peu aussi, sans doute, parce que je suis l’un de ces « primitifs » que Lévy-Bruhl a tant contribué à stigmatiser, et que ses fameuxCarnetsposthumes n’ont pas suffi à réhabiliter tout à fait aux yeux de beaucoup d’écrivains françaisȌ –, je n’ai pas pu lire sans un certain effroi, dans ce mensuel et sous cette signature, un tel éloge d’un écrivain dont Georges Politzer, sur lequel Lucien Sève a écrit de si belles choses dans un de ses livres, a certainement dû penser ce qu’il pensait de Bergson quand il écrivit«La fin d’une parade philosophique : le bergsonisme ». D’autant que cette manière rapide et intemporelle de résumer la vie et la carrière de Lévy-Bruhl ne va pas sans que la vérité n’en soit un peu forcée sur plusieurs points. S’agissant par exemple du repentir dont témoigneraient les fameuxCarnets, il ne fut pas aussi « sans ambages » que le dit Lucien Sève, puisque Lévy-Bruhl n’y renonçaitpas du tout à sa division de l’humanité enprimitifset encivilisés(ou entresociétés inférieures etsociétés supérieures) essentiellement et irréductiblement différents, mais concédait seulement du bout de la plume
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que, en cherchant bien, il ne serait peut-être pas impossible de trouver ici ou là quelquesprimitifsparmi lescivilisés…Ce repentir ne fut pas non plus ni vraiment spontané ni sans mobile… Car, à quelle époque et dans quelles circonstances eut lieu ce bel exemple de« vitalité de pensée »? En 1938, dit Lucien Sève, c’est-à-dire l’année de la« Nuit de cristal », et en tout cas cinq bonnes années après l’avènement d’(itler, autre auteur à succès de l’époque dans un genre voisin de celui où brilla Lucien Lévy-Bruhl. Lequel n’était certainement pas non plus aussi ouvert aux critiques qu’on pourrait le croire d’après cet article. En réalité, toute sa vie d’ethnologue, il l’a passée à batailler –ou directement indirectement, et la citation ci-dessus en est la preuve notamment contre ses confrères anglo-saxons (Tylor, Frazer, Evans-Pritchard, Boas), qui, eux, savaient depuis longtemps ce que lui ne reconnaîtra, dans le secret de son cabinet de travail, qu’à la veille de sa mort. Et, en France même, en particulier dans les milieux liés aux missions ou à l’enseignement dans les colonies, sa théorie, qui revenait à nier la perfectibilité dessauvageset autres primitifs, fut âprement contestée sans qu’il en démorde.
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Certes, et fort heureusement pour sa réputation de savant et d’homme tout court,vers ͙͛͡͝, alors qu’il approchait de ses 80 ans, Lévy-Bruhl commença une sorte d’autocritique secrète peut-être sincère, mais dont on peut aussi bien penser qu’elle était surtout destinée à marquer pour la postérité sa différence d’avec l’auteur et les lecteurs de Mein Kampf.L’eût-il fait avant 1933; et l’eût-il fait publiquement en vue de purger la mentalitéses propres lecteurs des inepties de qu’il y avait semées, c’est seulement alors qu’il eût vraiment mérité d’être cité en exemple. Sinon, rien dans son œuvre depuis ͙͙͘͡ jusqu’à sa mort ne permet d’en faire un parangon de probité intellectuelle. C’est ce que nous nous sommes proposé de montrer dans ce livre.
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