Internet change-t-il vraiment nos sociétés ? (Tome 2)
202 pages
Français

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Internet change-t-il vraiment nos sociétés ? (Tome 2) , livre ebook

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Description

Dans ce deuxième tome, l'auteur réfute une hypothèse que les techniques détermineraient à peu près tout, notamment les cultures, les sociétés et l'économie. Une deuxième hypothèse découle de la réfutation de la première : elle affirme que les techniques dévoilent et/ou accélèrent les changements culturels et/ou sociaux mais ne les provoquent pas, du moins directement. Une série de tests conforte largement ce point de vue. Les techniques n'ont pas probablement l'importance que nous sommes tentés de leur accorder, en tant que facteurs de changements sociétaux et culturels.

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 01 décembre 2012
Nombre de lectures 16
EAN13 9782296990050
Langue Français
Poids de l'ouvrage 1 Mo

Informations légales : prix de location à la page 0,0800€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

Couverture
4e de couverture
Titre
Philippe ENGELHARD






L’INTERNET CHANGE-T-IL VRAIMENT NOS SOCIETES ?

TOME II
Techniques, cultures et sociétés
Copyright

© L’Harmattan, 2013
5-7, rue de l’École-Polytechnique ; 75005 Paris
http://www.librairieharmattan.com
diffusion.harmattan@wanadoo.fr
harmattan ! @wanadoo.fr
ISBN : 978-2-296-99005-0
EAN : 9782296990050
IV/ EST-CE QUE LES TECHNIQUES PEUVENT CHANGER LES SOCIÉTÉS ET LES CULTURES ?
TESTS DES HYPOTHESES H1 ET H2 – L’INTERNET N’EST-IL QU’UNE TECHNIQUE ?
Mise à l’épreuve de l’hypothèse H1
Je rappelle le contenu de l’hypothèse H1 énoncée à la fin du chapitre III (tome 1) : il n’y a pas de déterminisme technologique.
Je voudrais avancer deux arguments qui corroborent clairement cette hypothèse.
Argument 1
Si les laboratoires de recherche et la high tech japonaise s’intéressent particulièrement aux robots à apparence humaine (dont l’archipel nippon commence à commercialiser certains prototypes), ce n’est certainement pas parce qu’une sorte de logique technicienne leur imposerait ce choix (qui n’en serait pas un !), mais tout simplement parce que la société japonaise vieillit très vite et qu’elle est plutôt rétive à l’immigration. Les robots constituent l’un des rares moyens de prendre en charge les personnes âgées qui vont se multiplier dans un avenir proche.
On ne peut non plus exclure une disposition culturelle : le vieux fond de croyance des Japonais est plutôt animiste – ce que fait d’ailleurs remarquer un chercheur en robotique de l’université de Tokyo. Ce trait culturel, qu’on retrouve si bien dans les films de Miyasaki, serait favorable à la recherche sur les humanoïdes. En effet, à un horizon plus ou moins lointain, la production de robots quasi humains ne paraît souffrir dans la culture nippone d’aucun obstacle religieux, philosophique ou éthique.
L’apologue du « 100 e singe » corrobore d’une certaine façon cette affirmation. De quoi s’agit-il en très bref ? Des éthologues japonais, en 1952, sur l’île de Koshima, au Japon, étudient un groupe de macaques et leur donnent à manger des patates douces qu’ils jettent sur le sable de la plage. Les singes, en apparence, ne sont que modérément heureux de manger ces patates enrobées de sable ; par inadvertance, une jeune femelle laisse tomber dans l’eau sa patate qui du coup est nettoyée. La « révolution » culturelle et technologique commence dans cette société simiesque lorsque délibérément , la même femelle se met dorénavant à tremper ses patates dans l’eau avant de les manger. La « révolution » est en marche lorsque de jeunes singes imitent la femelle novatrice. La « révolution » est parachevée lorsque tous les singes – hormis un carré de vieux « réactionnaires » – adoptent l’innovation. Notons que nous avons ici une belle illustration du processus de novation sociale : tout commence le plus souvent par de la dissidence !
Les éthologues japonais avaient conclu que les singes qu’ils avaient observés étaient dans une pré-culture dans la mesure où la transmission de nouveaux comportements ne s’opérait pas par les gènes mais par le mimétisme et « l’éducation ». Le mot pré-culture avait choqué les éthologues et les anthropologues occidentaux persuadés que le concept de culture ne pouvait s’appliquer qu’à des humains (on devine que cette conviction n’avait rien de scientifique et qu’elle découlait du paradigme cartésien de l’animal-machine, il est vrai un peu plus compliqué que ce qu’on en dit généralement). Les éthologues occidentaux ont rabattu un peu de leur superbe au point que certains primatologues parlent maintenant de « primatologie culturelle » (Picq, 2010, p. 141) ! Certains opposent même la culture (au sens anthropologique) des chimpanzés à celle des bonobos : les premiers vivant dans des systèmes patriarcaux stricts de type polygamique avec possession exclusive des femelles par le chef contraint à des démonstrations de force quasi permanentes ; les seconds dans des systèmes plutôt matriarcaux avec le sexe comme mode de résolution préférentiel des conflits.
Pour les Japonais, parler de « culture » à propos des singes ne posait aucun problème, pour la bonne et simple raison qu’il n’existe pas dans leur vision du monde une rupture très nette entre le monde des objets, le monde animal et le monde humain. Ce socle culturel semble bien avoir résisté à la modernité technologique. On pourrait d’ailleurs en tirer argument en faveur de la thèse que je défends : les techniques n’ont pas modifié en profondeur les « croyances profondes » des Japonais !
Les techniques modernes ont été adoptées sciemment au XIX e siècle par certains groupes qui y avaient intérêt (notamment certains « ronins » en quête d’une reconversion économique), et par la société nippone dans son ensemble parce qu’elle voulait survivre « culturellement » et politiquement, donc échapper au rouleau compresseur occidental, et que pour ce faire elle devait impérativement s’approprier ses techniques les plus avancées – l’ère Meiji commence ainsi. Il n’est d’ailleurs pas exclu que les tentatives de nipponisation des sociétés dominées par les Japonais dès les années 1910, notamment la Corée, aient eu plus ou moins sciemment pour objectif de faire obstacle, grâce à une identité culturelle forte et unifiée, à la poussée culturelle, économique et politique de l’Occident.
On va objecter le suicide public de l’écrivain Mishima (novembre 1970) qui proteste au moyen de cet acte symbolique contre ce qu’il considère comme la perte des valeurs de la société nippone et sa mercantilisation. Mais cette dernière est imputable bien plus à la modification des rapports de classe et donc de pouvoir au sein de la société (l’émergence du pouvoir des ronins recyclés en chefs d’entreprise et de celle de l’empereur qui abolit le Shogounat) et à l’économisation de la société qu’aux techniques proprement dites.
Argument 2
D’une façon générale, s’il existait une logique technicienne déterministe et donc universelle, on ne voit pas pourquoi les sociétés modernes feraient des choix technologiques assez différents, le Japon dans la robotique et les nanotechnologies ; les Etats-Unis dans les techniques de communication, le génie génétique et les énergies renouvelables ; les Français dans la technologie des transports et le nucléaire, etc.
Objection et réfutation de l’objection
Certains objecteront qu’une technique en suscite une autre et que, de proche en proche, un trend technologique lourd, quasi irrésistible , se développerait sous nos yeux sans que nous puissions le contrôler – c’est sans doute à peu près ce que Jacques Ellul, André Leroi-Gourhan voire Heidegger avaient dans la tête. Encore une fois, un tel argument revient à confondre une réalité indéniable, à savoir la croissance des connaissances en partie cumulatives, et les décisions de mettre en pratique les techniques qui peuvent en découler.
Certes, les bombes nucléaires qui ont pulvérisé Iroshima et Nagasaki découlaient en droite ligne de la théorie atomique du début du XX e siècle, mais personne ne contraignait les physiciens américains de l’époque à prendre le risque de les fabriquer (certains comme Teller imaginaient même que la réaction nucléaire suscitée par leur explosion pouvait embraser la planète entière). Einstein a quand même poussé à la roue, parce qu’il était convaincu, à tort ou à raison, que l’Allemagne nazie était sur le point de produire la fameuse bombe. Il en sortira le fameux projet Manhattan (1942), accéléré par l’attaque japonaise de Pearl Harbor du 7 décembre 1941. Une chose est au moins certaine : ladite bombe n’a pas « décidé » toute seule de percuter le sol nippon, et aucune logique technicienne intrinsèque ne contraignait certains physiciens (Oppenheimer en premier) à contribuer à sa fabrication, ni un président des Etats-Unis à prendre la décision de précipiter le feu nucléaire sur l’archipel nippon !
Les techniques ne sont pas neutres (en apparence) puisque leur choix génère des inerties dont il devient difficile de se départir (la voiture, le pétrole, le nucléaire.), mais une grande partie de ces inerties sont initiées et renforcées par le système écon

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