Internet change-t-il vraiment nos sociétés ? (Tome 3)
318 pages
Français

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Internet change-t-il vraiment nos sociétés ? (Tome 3) , livre ebook

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Description

Ce tome est consacré aux effets de l'Internet sur l'art, la politique et la science et, par rebond, sur l'économie. Ses effets pervers peuvent être endigués, encore faut-il les identifier correctement. On s'en doute : intelligence collective, société de l'information, nouvelle économie... autant de concepts gonflés comme la grenouille de l'histoire qu'il faut passer le plus vite possible à la trappe ! Il n'est pas jusqu'à l'économie du savoir qui ne souffre de quelque enflure.

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 01 décembre 2012
Nombre de lectures 21
EAN13 9782296990043
Langue Français
Poids de l'ouvrage 1 Mo

Informations légales : prix de location à la page 0,1350€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

Couverture
4e de couverture

Titre
Philippe ENGELHARD




L’INTERNET CHANGE-T-IL VRAIMENT NOS SOCIÉTÉS ?

TOME III
L’Internet, la science, l’art, l’économie
et la politique
Copyright

© L’HARMATTAN, 2013
5-7, rue de l’École-Polytechnique ; 75005 Paris

http://www.librairieharmattan.com
diffusion.harmattan@wanadoo.fr
harmattan1@wanadoo.fr

ISBN : 978-2-296-99004-3
EAN : 9782296990043
VI/ L’INTERNET A-T-IL MODIFIÉ LA SCIENCE, L’ART ET LA POLITIQUE ? LE « PRIX CACHÉ » DE L’HYPERINFORMATION
J’ai avancé l’hypothèse que l’Internet et la grappisation amplifient une tendance à la « déréalisation » du monde déjà dénoncée par Baudrillard dans les années 1970, donc bien avant l’apparition de l’Internet et des réseaux sociaux. Cette déréalisation pose des problèmes sociétaux aigus – le moindre n’est pas la distance de plus en plus grande que les individus pourraient prendre à l’égard de tout ce qui ne concerne pas leur ego. Imaginer quelque chose qui ressemble à la politique, au droit voire à la société paraît difficile en dehors d’une option philosophique réaliste minimale. Comment serais-je d’ailleurs « altruiste » voire simplement « équitable » si l’existence de l’autre est elle-même en voie de déréalisation ? Le fameux « travail en miette » (alias précaire, qui commence il y a trente ans dans la sidérurgie du Nord de la France avec le recrutement de salariés « flexibles ») est d’abord déréalisation des travailleurs ravalés abstraitement au rôle de variables d’ajustement…
Il semble que le même processus de déréalisation conduise à la tentation de simplifier à outrance les incidences de l’Internet, dont on n’entend percevoir que des schèmes idéaux qui confortaient il y a peu l’optimisme ambiant. En fait, l’Internet instille des tendances contradictoires. Il ne les fait pas naître, il les amplifie.
Cette affirmation ne doit pas masquer une évidence : l’Internet, via le comportement des internautes, suscite des effets positifs mais aussi des effets pervers sur la société (c’était l’objet du TOME II), ainsi que sur la politique, la science, l’art voire l’économie (c’est l’objet du TOME III). Pour être honnête, je ne suis pas certain que ces effets négatifs puissent être aisément corrigés.
L’Internet et la politique : le brouillard de l’information, les stéréotypes langagiers et les périls de la démocratie
L’Internet aiguise la vigilance voire le soupçon nécessaires à l’exercice d’une démocratie adulte où les citoyens « contrôlent » le pouvoir de façon quasi quotidienne (Rosanvallon, 2006). La même vigilance introduit une sorte de forçage démocratique dans les sociétés autoritaires – on le voit en Chine et en Iran où les dissidents, grâce aux TIC, ont la capacité de se « coaguler » ne serait-ce que le temps d’une manifestation. Plus récemment, en Egypte et surtout en Tunisie, la capacité de mobilisation n’aurait pas été si forte si une partie de la population n’avait eu accès aux TIC. La Russie elle-même, sans les réseaux sociaux sous-tendus par la Toile, serait probablement redevenue une autocratie « ordinaire » ; ces réseaux qui mobilisent selon Marie Madras 1 un bon quart de la population, entretiennent un ferment démocratique… Considérations qui ne vont tout de même pas sans quelques limitations importantes voire essentielles : les Etats peuvent suspendre l’accès à l’Internet quand il leur plaît – ce qui s’est d’ailleurs produit en Egypte à la fin janvier 2010, et en Syrie au cours du mois de novembre 2011 ; la puissance de la contestation n’en a pas, il est vrai, décliné pour autant…
Dans une autre perspective, par blogs interposés et la réactivité qu’ils supposent, les hommes politiques ont indéniablement amorcé une nouvelle forme de démocratie directe – non sans quelque succès : qu’on pense à la première campagne de Barak Obama qui a mis à profit sa pratique d’animation de réseaux sociaux. Dominique de Villepin, démuni d’appareil politique, semblait particulièrement miser sur l’Internet dans l’optique des élections de 2012… Sans parler des formes nouvelles du militantisme politique ou syndical – par exemple l’utilisation de vidéo-clips sur le Web.
Les premiers utilisateurs de l’Internet, après les scientifiques et les firmes, ont été les ONG et le mouvement associatif – ce n’est pas par hasard. En effet, l’Internet est porteur d’une utopie démocratique stimulante capable de réaliser l’éthique de la communication d’Habermas, à laquelle on peut associer l’éthique du dialogue de Calogero, tous deux disciples de John Dewey (1859-1952). L’idée clé de Dewey est que la démocratie est indissociable de la communication. La presse (on dirait aujourd’hui les médias), grâce à laquelle se forme l’opinion, est selon lui au cœur du processus démocratique. La laïcité, conçue comme la plate-forme commune où peut se nouer le dialogue entre les citoyens de religions ou de cultures différentes, en constitue la condition – même si cette dernière a été perçue lors de la décennie passée, aussi bien par Rawls qu’Habermas, plutôt comme un point d’arrivée que comme un point de départ (Audier, 2006, p. 82 et suiv.)…
L’hypothèse selon laquelle l’Internet permettrait alors l’achèvement de la démocratie d’opinion et constituerait l’outil indispensable de la démocratie de proximité fait aujourd’hui florès. L’Internet deviendrait par excellence le « lieu » du multidialogue démocratique où les groupes en compétition – issus eux-mêmes, du processus de grappisation – , exprimeraient opinions et dissensions, et exerceraient influences et pressions, notamment sur les Etats. Dire que l’Internet serait en passe de devenir le véritable espace public au sens d’Habermas ne serait donc pas exagéré. Dès 1994, Al Gore ne prédisait-il pas que l’Internet allait permettre de réinventer la démocratie directe…
Catherine Audard (2009, p. 672), bien que sans nommer l’Internet, décrit avec acuité le nouveau champ de la démocratie :
« Les élites au pouvoir sont sans cesse confrontées à la contestation et à la critique, pas seulement de la presse, mais aussi de toutes les associations autonomes de la société civile qui gravitent autour des centres du pouvoir. (…) La pluralité des opinions compense la faiblesse relative des individus face au gouvernement et oblige à un partage du pouvoir qui ne réside plus dans une minorité ou une majorité. »
A un niveau mondial, l’Internet devient le lieu de toutes les contestations libertaires et anti-impérialistes. Le cyberactivisme, qui prend son essor en 1998 avec le zapatisme digital (inventé par les partisans de la cause des indiens du Chiapas), en est probablement la conséquence extrême.
Ce cyberactivisme est une innovation en ce que les luttes politiques qu’il recouvre, menées par des « hack-tivistes » (contraction de hacker et de activiste), ne se jouent plus sur le réseau mais émergent du réseau . En clair : l’action politique ne se mène plus à partir d’une stratégie d’investissement délibérée dans les médias (dont des sites Web), mais se dévoile elle-même dans le réseau par coagulation de points de vue et d’attitudes convergentes (Gonzalez-Quijano, 2007, p. 182).
D’une certaine façon, l’Internet apparaît comme le « lieu » de coalescence accélérée d’une société civile mondiale, entendue comme une société de citoyens, d’organisations et de mouvements sociaux distincts des Etats vis-à-vis desquels (voire contre lesquels) elle cherche à s’affirmer – on l’a d’ailleurs bien vu lors de la préparation et de la tenue des grandes conférences internationales.
Le remue-ménage à l’origine de l’émergence d’une société civile mondiale n’a cependant pas attendu l’Internet pour s’ébaucher 2 ! Darrow Schecter (2000, p. 1), qui a consacré sa thèse à l’idée de société civile, en voit les premiers frémissements dans les événements de Pologne de décembre 1981 (application de la loi martiale par le général Jaruzelski) et de l’émerg

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