Aimé Césaire, ou l illusion de la liberté
145 pages
Français

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Aimé Césaire, ou l'illusion de la liberté , livre ebook

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Description

S’il choisissait l’anticolonialisme, il demandait l’indépendance. S’il choisissait l’assimilation, il devenait un génie de la norme qui l’avait esclavagisé, colonisé, chosifié. Finit-il enfin par choisir, trancher ?
« Interloqué à l’instar de ce gendarme français devant un sujet qui venait de Bavière : “Votre état, monsieur ? — Poète, lui répondit l’homme. — Ah, fort bien. — Votre profession alors ? — Écrivain, sergent. — Tout à l’heure, vous m’avez dit que vous étiez poète. Et maintenant, vous prétendez que vous êtes écrivain ! Poète et écrivain, comment pouvez-vous cumuler les deux ?” Non, il ne cumulait pas. Césaire était l’un dans l’autre arpentant le chemin de l’assimilation. » (…) « La liberté au sens universel, donc nécessairement subversive, quoique nécessairement légitime, cette liberté-là, il n’en voulait pas ; il voulait la liberté à l’intérieur des frontières de la France : une liberté légale strictement réglementée par les lois de la République. Mais pour cela… en toute connaissance de cause, oui, il savait que pour cela il lui eût fallu être Français, lui et les siens, tous les siens. Liberté universelle, celle des droits de l’homme et liberté légale, celle « citoyenne » assujettie aux représentations de la raison d’État sont, a lâché un ministre, incompatibles. La France, pays des droits de l’homme, a tort de se doter d’un ministère des Droits de l’homme.

EXTRAIT

Même les saumons et les tortues des mers savent revenir, retrouver leur lieu originel. Ils reviennent toujours, car ils portent en eux leur patrimoine génétique, leur m’songui de l’adage kongo qui toujours montre le chemin quand même les ancêtres se sont usés, que le repère s’est brouillé. Le village des anciens a donc perdu ses forces vives. Celles-ci sont parties et aucun signe n’indique qu’elles reviendront, que le système retrouvera sa vitalité d’antan. Le regard extérieur, devenu sarcastique en regardant cette société qui dépérit, ces tombes abandonnées, se met à jouer avec la solitude du registre qu’il croit sans héritier. Alors le permanent invisible, ce témoin toujours présent dans le vécu sociétal nègre, en tant que fait global (ce fameux « tiers inclus »), cette présence toujours dissimulée à travers sa non-transparence, son ambiguïté, relève la tête et défie : « Ha ba mbikidi m’simba, ha mâmé tsio ni nguria ngo » (« On m’a traité de chat-tigre, moi, le véritable léopard ! ») Se rengorge le permanent invisible prêt à relever le défi. 

À PROPOS DE L'AUTEUR

Docteur d’État ès Lettres et Sciences humaines, diplômé de l’École pratique des hautes études (Sorbonne) ; diplômé de l’École supérieure de journalisme de Lille, Côme Manckassa (1936-2015) fut journaliste, professeur de sociologie à l’université de Brazzaville et homme politique. Auteur prolifique, il a écrit France : grandeur perdue (Essai) ; La Débâcle de l’anthropologie économique française : débats d’hier, bilan d’aujourd’hui ; Le Sociologue et l’homme politique (Essai) ; Le Chevalier de Soyo (roman) ; Le Procès de Matsoua (théâtre) ; Lucifer poursuit Jésus-Christ en diffamation (théâtre) ; N’koûla (théâtre). Il est également l’auteur de nombreux articles de presse et d’articles scientifiques parmi lesquels L’Anthropologie philosophique de la subversion.

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 22 novembre 2019
Nombre de lectures 38
EAN13 9791037702142
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,0020€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

Côme Mankassa
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
Aimé Césaire, ou l’illusion de la liberté
Essai
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 


 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
© Lys Bleu Éditions – Côme Mankassa
ISBN : 979-10-377-0214-2
Le code de la propriété intellectuelle n’autorisant aux termes des paragraphes 2 et 3 de l’article L.122-5, d’une part, que les copies ou reproductions strictement réservées à l’usage privé du copiste et non destinées à une utilisation collective et, d’autre part, sous réserve du nom de l’auteur et de la source, que les analyses et les courtes citations justifiées par le caractère critique, polémique, pédagogique, scientifique ou d’information, toute représentation ou reproduction intégrale ou partielle, faite sans le consentement de l’auteur ou de ses ayants droit ou ayants cause, est illicite (article L.122-4). Cette représentation ou reproduction, par quelque procédé que ce soit, constituerait donc une contrefaçon sanctionnée par les articles L.335-2 et suivants du Code de la propriété intellectuelle.
 
 
 
 
 
 
Chapitre I
Lumières nègres
 
 
 
Aucune génération d’étudiants, intellectuels noirs, n’aura autant marqué les esprits du monde scolaire, collégiens et lycéens de leur temps en Afrique noire, et à travers sa diaspora, que la génération de Césaire, Damas, Senghor ; « Césaire et Senghor, qui enseignaient le français aux petits Français de métropole », chantaient en Afrique noire française les cours de récréation boursouflées de fierté.
Ils s’étaient retrouvés et faisaient bande autour de leur patrimoine originel commun, historiquement et culturellement déchiré et déchiqueté, mais résistant toujours aux quatre coins de l’univers par les assauts de la traite négrière, les appétits voraces du colonialisme, les unilatéralismes superposés des impérialismes et des idéologies trompeuses, mille et mille servitudes et mutilations résultant d’une humanité alors à sens unique et sans état d’âme.
La négritude, « intelligibilité » résultant de leur inspiration devenue le paradigme précurseur par lequel les Nègres manifestent « la présence noire » dans la littérature mondiale et le dialogue des civilisations, introduit le concept de « différentiel culturel », a abouti à la naissance d’une tradition aujourd’hui en cours dans les universités, notamment au sein des départements consacrés aux études africaines. L’africanisme n’est pas né à la suite d’un acte d’innocence propédeutique, même si la colonisation, « l’altérité exotique » ont pu lui servir de tremplin. « Révolte contre le réductionnisme européen avec sa prétention à s’approprier l’exclusivité de la logique » ou de la raison raisonnante, « sa propension à ramener autour de lui, pour faire le vide, la notion de l’universel et la traiter à partir des postulats et à travers ses catégories propres », la négritude conserve l’onde de fierté qui s’en dégageait en contribuant à sortir le monde de la pensée unique occidentale à travers laquelle des auteurs se renvoyaient l’image repue et agrandie par leur miroir ethnocentriste.
Pour des raisons d’inscriptions idéologiques partisanes au temps « épistémologique » du mode de « (re) lecture de Marx », la négritude fut fortement dénigrée, voire brocardée. Elle se voyait opposer la « tigritude », c’est-à-dire l’inconscient, l’aptitude de la jungle animalière, l’empire de l’instinct au terme duquel le tigre se voyait doté d’une conscience idéologique propre à exalter ou réfuter, le cas échéant, sa tigritude en faisant place à la négritude. Une ironie qui ne manquait pas de « saillant » caricatural à travers la solennité théologique de la mauvaise foi des âmes pures.
Ces censeurs, hélas, n’ont créé ni tradition littéraire ni école qui pût constituer un référentiel. Ils étaient parnassiens avec les parnassiens, existentialistes avec les existentialistes, surréalistes avec les surréalistes. Non point que Césaire et Senghor aient créé un genre littéraire dont ils auraient pu revendiquer l’originalité et la paternité, mais au moins ils surent attirer l’attention de l’humanité sur le monde noir, son esthétisme, son symbolisme, sa spiritualité, son humanisme.
La négritude portait aussi une présence africaine là où il n’y avait rien eu auparavant, qui put rapporter spécifiquement à l’Afrique noire, sa culture, sa sociologie, son anthropologie, son type de civilisation, bref, sa contribution à l’enrichissement de l’universel.
La négritude, enseignaient certains critiques, ajoutait à l’idéologie du différentialisme des civilisations et des couleurs et portait en elle, inconsciemment, des relents rétrogrades pour le moins racistes. Ils réglaient ainsi, paresseusement, leurs comptes avec ce qu’ils estimaient être un discours tristement culturaliste. Si « négritude égale situation coloniale », l’exégète a noté que dans son acception postcoloniale, « c’est d’abord et tout simplement, transcendant l’évidence immédiate de la couleur, à la fois la solidarité face aux discriminations racistes et aux préjugés, et en même temps la mémoire des oppressions passées. C’est une manière de vivre l’histoire dans l’histoire : l’histoire d’une communauté dont l’expérience apparaît, à vrai dire, singulière […] ». Et rejetant tout essentialisme, Césaire reprendra la parole à cet égard pour dire qu’il n’y a pas de négritude prédéterminée, il n’y a pas de substance ; il y a une histoire et une histoire vivante. La négritude renvoie à une expérience qui s’inscrit parmi celles que l’histoire a imposées à l’humanité. S’excusait-il, ou bien l’âge le confiait-il à quelque agent médiateur pour une concession ou une recomposition ? Il faisait un bilan, non point une autocritique.
Pour ceux-là qui avaient critiqué dans l’instant et à la lettre l’école de Césaire et de Senghor, l’humanité attend encore la contribution entrant dans la lecture du développement de l’Afrique qui aurait été obtenue grâce aux révolutions africaines post-indépendances.
Le Nègre, a dit l’ancien, est l’ennemi du Nègre. Par cela, il montre qu’il ne saurait être raciste puisqu’il est d’un racisme qui renvoie à son propre racisme, un genre d’intériorité parfaitement circulaire à l’instar de la définition ontologique de l’homme par la pensée nègre : « L’homme est par cela qu’il existe, qu’il respire » («  muntu mpassi humuna  »), autrement dit, l’essentiel, pour affirmer l’essence, en particulier l’existentialité comptable de l’homme est qu’il respire. Il est sui generis , à l’image de Dieu. Ni, par conséquent, concept de rapport de travail ni concept de rapport de production. Il est immuable tout en étant changement ; il est identité tout en étant devenir ; il est structure tout en étant dans l’histoire. Il est homme demeurant homme («  muntu, muntu  »). Tempels s’est cru philosophe en remuant son fond raciste. Une époque « missionnaire » en avait fait un prêtre.
L’homme à l’image de Dieu ! Voilà qui concorde, donne sens et essence, restitue l’homme dans sa dimension fondamentale et universelle qui le fait exister en deçà et au-delà des rapports de production, des conditions particulières données par l’histoire. La « pensée primitive » nègre, liant profane et sacré, réfute et refoule le réductionnisme ramenant l’homme à la dimension d’une simple expression déterminée des causalismes sociologiques.
Coauteur de la négritude, Aimé Césaire, mort le dernier, n’a trahi ni Senghor ni Damas. Il était resté pour trois. Par contre, en convoquant par-devant lui le colonialisme auquel il a consacré une diatribe sans concession tenant lieu de discours sur le colonialisme, et compte tenu de ce que fut sa propre pr

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