Chroniques référendaires : Les leçons des référendums de 1980 et 1995
131 pages
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Chroniques référendaires : Les leçons des référendums de 1980 et 1995 , livre ebook

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Description

Les leçons des référendums de 1980 et 1995
L’automne 2015 marque les vingt ans du deuxième référendum sur la souveraineté – un anniversaire qui soulève encore des souvenirs amers, chez les fédéralistes comme chez les souverainistes.
Lysiane Gagnon a suivi au jour le jour les campagnes référendaires de 1980 et 1995, à titre de chroniqueur politique à La Presse. Elle propose ici aux lecteurs une première partie inédite qui rappelle les événements ayant précédé le référendum de 1995, depuis l’accession au pouvoir du Parti québécois en 1976 jusqu’à l’accord de Charlottetown, en passant par l’épisode crucial du référendum de 1980. La seconde partie de ce livre est constituée des chroniques écrites à chaud durant la période référendaire de 1995.
Ce récit vivant, assaisonné de nombreuses touches d’humour, se distingue par la narration exacte des faits, par une vision détachée et non partisane de cet épisode bouillonnant de la vie politique québécoise, de même que par un point de vue très critique envers les stratégies des deux camps. L’auteure décrit comment, tant en 1980 qu’en 1995, les souverainistes ont maquillé leur option sous un emballage rassurant et équivoque, alors que les dirigeants du camp du NON n’ont jamais réussi à élaborer un discours inspirant en faveur de l’appartenance du Québec au Canada.
Les leçons que l’auteure dégage de ces deux exercices référendaires sont d’autant plus utiles qu’il n’est pas impossible que les Québécois aient à affronter un troisième référendum d’ici quelques années.
La création du Québec
7 mars 1991
Le jour où Dieu créa le Québec, il était de bonne humeur et bien ouvert aux suggestions de saint Jean-Baptiste, qui s’était pris d’affection pour ce nouveau petit coin de terre.
« Allez, Seigneur, dit Jean-Baptiste, donnez-leur quelques petits privilèges pour compenser ces vilains hivers que vous leur imposez alors qu’ils auraient pu naître en Floride…
— Voilà, dit Dieu, c’est fait. Je leur donne plus de lacs qu’à l’ensemble de l’Europe, je leur donne le fleuve le plus majestueux au monde et je leur donne en plus une mer intérieure – que je te dédie, mon enfant : ce sera le lac Saint- Jean. Je crée en plus, pour leur faire oublier la neige et le froid, des oasis de pure beauté : les rives de Charlevoix, la terre rouge et les fleurs sauvages de la Gaspésie, les plages sublimes de la Basse-Côte-Nord, les fjords majestueux du Saguenay…
— Encore, Seigneur ! s’écria Jean-Baptiste, encore un effort !
— D’accord, dit Dieu, je leur donne des vaisseaux flottant sur le fleuve… Mingan, les îles de la Madeleine, Anticosti, l’île Verte, l’île aux Coudres, l’île d’Orléans… Je leur donne les forêts trapues de l’Abitibi, l’odeur de pins des Laurentides, les érables de la Beauce, les vergers des Cantons de l’Est…
— Je vous en remercie, Seigneur, dit Jean-Baptiste, mais il manque quelque chose à cette contrée. Des villes, par exemple. D’ici quelques millénaires, après tout, la majorité des êtres humains vivront dans des villes. J’en veux pour mes filleuls !
— Qu’à cela ne tienne, dit Dieu, je te donne Chicoutimi la fière, Baie-Comeau la rebelle, Sept-Îles l’aventurière, un plein bouquet de villes qui s’ouvre, d’un côté du fleuve, de Rimouski à Carleton et, de l’autre côté, de Trois-Rivières à Rouyn… et Sherbrooke, et Hull, et Longueuil…
— Ce n’est pas assez ! plaida Jean-Baptiste.
« Je gardais le meilleur pour la fin, dit Dieu avec un sourire taquin. Je te donne la plus belle ville du Nouveau Continent. Tiens, je la pose là, sur ce cap qui scintille comme un diamant. Et puis ici, sur cette grosse île en forme d’amande, je crée ta métropole. »
Mais Jean-Bapiste continuait à revendiquer : « Ô Seigneur, donnez à ce coin de terre plus que la nature et plus que des villes, donnez-lui donc un peuple heureux… »
Dieu soupira. « Vraiment, Jean-Baptiste, tu es insatiable. Je ne cède que pour te remercier d’avoir passé tant d’années à manger des sauterelles dans le désert afin d’ouvrir la voie à mon Fils. Autrement, il y a longtemps que j’aurais fermé le dossier.
« J’exauce ton voeu, poursuivit Dieu. Ton peuple sera un peuple relativement heureux et prospère, qu’aucun conflit sanglant ne décimera et qu’aucune guerre ne dévastera. Il ne sera atteint ni par la peste ni par la famine. Il sera à l’abri des guerres mondiales et des attaques nucléaires. Il survivra sans vaincre, mais les défaites ne l’abattront jamais. Ce ne sera pas le bonheur parfait, mais ces gens seront, somme toute, moins malheureux que la moyenne de mes créatures. Voilà mon ultime offrande, mon cher Jean-Baptiste : ton peuple ne connaîtra jamais la gloire mais jamais non plus les indicibles souffrances que je réserve à tant d’autres enfants de cette planète…
« Bon, ça suffit maintenant, dit Dieu, j’ai autre chose à faire. Il faut que j’aille créer la Russie, et ça, mon vieux, c’est pas de la tarte. »
Jean-Baptiste s’en retourna, pensif, sur le petit nuage bleu et blanc qui lui servait de maison au paradis. Le son de la harpe et des violons célestes allait l’endormir quand tout à coup il se dit que quelque chose clochait : comment expliquer que Dieu n’ait rien exigé en retour de tous ces bienfaits qu’il avait répandus sur son petit pays du Québec ?
« Le vieux snoreau, se dit Jean-Baptiste, Il doit bien avoir une idée derrière la tête ! » Jean-Baptiste retourna sur le méga-nuage où Dieu siégeait.
« Dites-moi, Seigneur, dit-il, quel prix leur ferez-vous payer, aux Québécois, pour toutes ces faveurs que vous leur consentez ? »
Dieu rit dans sa barbe : « Mon cher Jean-Baptiste, évidemment, ce pays ne peut pas tout avoir. Je lui ai donné plus que sa part de lacs, plus que sa part de paix, plus que sa part de prospérité. Il faut bien qu’il lui manque quelque chose. Je ne lui enverrai que de mauvais négociateurs, que de mauvais stratèges. Ses politiciens seront des gens cultivés et charmants, mais il n’y en aura pas un, parmi eux, qui sera capable de mener convenablement la moindre négociation avec ses voisins du Canada anglais.
« Ils perdront le droit de veto par leur faute. Ils feront leurs référendums à contretemps. Ils choisiront mal leurs alliés et s’étonneront naïvement de se voir trahis. Ils partiront avec des demandes trop modestes, s’acculant eux-mêmes au mur, ou alors, allant à l’autre extrême, ils demanderont la lune en menaçant de s’en aller, et la partie adverse n’aura qu’à les prendre au mot pour qu’apeurés ils reculent. Finalement, personne ne les prendra au sérieux parce qu’ils auront trop souvent crié au loup et que leurs négociateurs se seront trop souvent mis les pieds dans les plats. Et ils seront condamnés pour l’éternité à discuter de clause dérogatoire, de droit de veto et de chevauchements de compétences. »
Jean-Baptiste trépigna, protesta, tempêta. Rien n’y fit. Dieu le toisa sévèrement : « C’est un package deal, dit-il. À prendre ou à laisser. Ton peuple ne peut pas tout avoir. Choisis pour lui : ou bien il oscillera ad vitam æternam dans l’incertitude et dans la confusion constitutionnelle, mais le ventre plein et à l’abri des bombes, ou bien je le déménage
illico au Proche-Orient. Le choix est clair : Saddam Hussein ou Léon Dion. »

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 28 septembre 2015
Nombre de lectures 2
EAN13 9782764430071
Langue Français
Poids de l'ouvrage 6 Mo

Informations légales : prix de location à la page 0,0650€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

De la même auteure
Récits de table , Éditions La Presse, 2014.
L’esprit de contradiction , Éditions du Boréal, 2010.
Chroniques politiques , Éditions du Boréal, 1985.
Vivre avec les hommes : un nouveau partage , Éditions Québec Amérique, 1983.


Projet dirigé par Pierre Cayouette, conseiller littéraire et éditeur

Adjointe à l’édition : Raphaelle D’Amours
Conception graphique : Julie Villemaire
Mise en pages : Interscript
Révision linguistique : Martin Duclos et Sylvie Martin
En couverture : © John Kenney / Montreal Gazette. Reprinted bypermission.
Conversion en ePub : Marylène Plante-Germain

Québec Amérique
329, rue de la Commune Ouest, 3 e étage
Montréal (Québec) H2Y 2E1
Téléphone : 514 499-3000, télécopieur : 514 499-3010

Nous reconnaissons l’aide financière du gouvernement du Canada par l’entremise du Fonds du livre du Canada pour nos activités d’édition.
Nous remercions le Conseil des arts du Canada de son soutien. L’an dernier, le Conseil a investi 157 millions de dollars pour mettre de l’art dans la vie des Canadiennes et des Canadiens de tout le pays.
Nous tenons également à remercier la SODEC pour son appui financier. Gouvernement du Québec – Programme de crédit d’impôt pour l’édition de livres – Gestion SODEC.



Catalogage avant publication de Bibliothèque et Archives nationales du Québec et Bibliothèque et Archives Canada

Gagnon, Lysiane
[Chroniques. Extraits]
Chroniques référendaires : les leçons des référendums de 1980 et 1995
(Dossiers et documents)
ISBN 978-2-7644-2958-7 (Version imprimée)
ISBN 978-2-7644-3006-4 (PDF)
ISBN 978-2-7644-3007-1 (ePub)
1. Québec (Province) - Histoire - 1980 (Référendum constitutionnel). 2. Québec (Province) - Histoire - 1995 (Référendum constitutionnel). 3. Québec (Province) - Histoire - Autonomie et mouvements indépendantistes. I. Titre. II. Collection : Dossiers et documents(Éditions Québec Amérique).
FC2925.9.R4G33 2015 971.4’04 C2015-941480-6

Dépôt légal, Bibliothèque et Archives nationales du Québec, 2015
Dépôt légal, Bibliothèque et Archives du Canada, 2015

Tous droits de traduction, de reproduction et d’adaptation réservés

© Éditions Québec Amérique inc., 2015.
quebec-amerique.com


AVANT-PROPOS
Cet automne marque le vingtième anniversaire du référendum de 1995. C’est un anniversaire que personne ne célébrera avec faste, tant ce référendum fut amer et décevant pour les deux camps. Il s’agit pourtant d’un chapitre important de l’histoire du Québec, d’autant plus qu’il s’agissait de la seconde tentative en 15 ans de faire advenir la souveraineté du Québec.
Ce rêve né à la fin des années 50 habite encore une partie de la population et reste le grand projet du Parti québécois. Rien ne dit qu’il n’y aura pas un troisième référendum d’ici quelques années. D’où l’intérêt d’un retour sur le passé.
J’ai suivi au jour le jour ces deux campagnes référendaires comme chroniqueuse politique pour La Presse , après avoir couvert, comme reporter puis comme correspondante parlementaire, l’actualité politique des années 70.
Je propose aux lecteurs une première partie qui rappelle les événements qui ont précédé le référendum de 1995, depuis l’accession du PQ au pouvoir en 1976 jusqu’à l’accord de Charlottetown, en passant bien sûr par la campagne référendaire de 1980.
La seconde partie de ce livre est constituée des chroniques que j’ai écrites à chaud durant la période préréférendaire et la campagne référendaire de 1995. J’y ai ajouté, pour mieux replacer le contexte, des chroniques écrites durant la campagne électorale de 1994. Ces chroniques n’ont pas été retouchées, sauf pour des détails stylistiques mineurs.
À revoir ainsi ces périodes cruciales de l’histoire du Québec, on constatera de troublantes similitudes entre les deux référendums.
Chaque fois, et quelle qu’ait été leur intention au départ, les souverainistes ont été obligés d’enrober leur option dans un emballage rassurant qui laissait toutefois subsister une profonde équivoque. Tant en 1995 qu’en 1980, la question référendaire a été confuse et ambiguë.
Chaque fois, les fédéralistes ont été pris au dépourvu, incapables d’élaborer un discours inspirant et de faire valoir des arguments positifs en faveur de l’appartenance du Québec au Canada. Tant en 1980 qu’en 1995, les leaders du camp du NON (à l’exception de Pierre Elliott Trudeau) ont tenté en vain de jouer la carte du « fédéralisme renouvelé », au mépris du fait que cette option ne trouvait aucun écho dans le reste du Canada.
D’autres constantes se dégagent de ce rappel historique étalé sur deux décennies. La plus surprenante est la difficulté chronique des gouvernements québécois, tant fédéralistes que souverainistes, de négocier habilement avec le reste du Canada. Cela fut particulièrement évident lors de l’épisode du rapatriement de la Constitution et lors des pourparlers constitutionnels qui ont suivi la faillite de l’accord du lac Meech.
Que cela soit dû à un désir inconscient d’échec, à la conscience douloureuse de constituer une minorité au sein du Canada ou tout simplement à un manque de sens politique, chaque fois, les délégations québécoises se sont en quelque sorte organisées pour ressortir de l’exercice avec un statut de victime.
Ce qui frappe également, c’est l’extraordinaire résilience de l’idée d’indépendance. Malgré deux défaites référendaires majeures et en dépit des multiples déboires électoraux que le PQ a subis durant ces 30 dernières années, la souveraineté reste l’idéologie dominante au Québec. Et cela, même si tous les sondages montrent que le projet d’indépendance ne captive plus les jeunes générations et qu’une majorité de Québécois, même parmi ceux qui ont déjà voté OUI, ne croit pas à la nécessité de l’indépendance.
Pour expliquer ce phénomène, on peut avancer deux hypothèses.
La première tient à la nature même du mouvement souverainiste, qui a mobilisé les groupes sociaux les plus susceptibles de former les esprits : les enseignants, les communicateurs et les artistes. Leur message a été si fort pendant si longtemps qu’il reste dominant malgré la désaffection ambiante envers l’objectif de la souveraineté.
La seconde hypothèse, c’est que les fédéralistes restent incapables d’élaborer un discours susceptible de séduire, voire d’intéresser les francophones. Cela n’est guère étonnant, du reste. Le nationalisme, cette longue tradition de pensée dont l’idée d’indépendance serait l’aboutissement logique, est un thème qui parle au cœur et à l’instinct, alors que le Canada représente une réalité plus complexe et plus abstraite, dénuée de forte charge émotionnelle. Pour l’instant, le Québec est dans des limbes politiques, incapable à la fois de réaliser l’indépendance et de profiter à fond de son appartenance au Canada.
Montréal, le 15 septembre 2015

CHAPITRE 1 : Le référendum de 1980

La victoire de 1976
Ceux qui, comme moi, ont vécu tous les événements politiques relatés dans ce livre se souviennent du 15 novembre 1976 comme d’un moment d’émotion exceptionnel qui n’allait plus jamais se répéter par la suite.
Ce n’était qu’une victoire électorale, mais sa signification était d’une tout autre dimension, car c’est un parti souverainiste qui, ce jour-là, s’apprêtait à former le gouvernement.
L’explosion de joie populaire suscitée par la victoire du PQ résidait essentiellement dans le non-dit. Pour la première fois de son histoire, le Québec voyait un parti propulsé au pouvoir par la seule force des Canadiens français, et ce, malgré l’opposition systématique de toutes les élites (à l’exception de celles du milieu culturel), en particulier la communauté des affaires montréalaise. Le PQ arrivait au pouvoir libre de toute contrainte, sans attaches en milieu anglophone et sans avoir bénéficié de l’aide financière des entreprises.
C’était une victoire extraordinairement symbolique à cette époque où les Canadiens français constituaient en quelque sorte « la majorité opprimée » du Québec et où une grande partie du pouvoir financier et économique était concentrée entre les mains des anglophones et de quelques francophones qui devaient leur avancement à l

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