Congo (RDC)
270 pages
Français

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Description

Cinquante ans après l'indépendance de leur pays, les Congolais peuvent-ils revendiquer d'être enfin les acteurs de leur théâtre et non plus les éléments du décor ? Peuvent-ils sortir du chaos et des conflits récurrents et s'engager dans la paix et le développement ? Ce livre brosse des portraits de nombreux acteurs de la RDC, rapporte des témoignages, parcourt le pays en profondeur. Si l'auteur ne se retient pas dans la critique contre la gouvernance et les pratiques des élites, il tente d'éviter l'analyse simpliste et binaire bon versus mauvais.

Informations

Publié par
Date de parution 01 février 2011
Nombre de lectures 55
EAN13 9782296800885
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,1100€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

Congo (RDC)
Puissance et fragilité
Pierre Cappelaere
Congo (RDC)
Puissance et fragilité
Du même auteur, chez le même éditeur
Kenya, safaris, ethnies et politique, 2004.
Ghana, les chemins de la démocratie, 2007.
© L’Harmattan, 2011
5-7, rue de l’Ecole-Polytechnique, 75005 Paris http://www.librairieharmattan.com
diffusion.harmattan@wanadoo.fr
harmattan1@wanadoo.fr
ISBN : 978-2-296-54162-7
EAN : 9782296541627
L’Afrique écrira sa propre histoire
et elle sera, au nord et au sud du Sahara, une histoire de gloire et de dignité.
Ne me pleure pas ma compagne.
Moi je sais que mon pays, qui souffre tant, saura défendre son indépendance et sa liberté.
Patrice Lumumba.
Lettre à Pauline, 1960.
Avant-propos
« Un pays d’avenir et qui le restera longtemps ! » Ce compliment perfide qui fut accordé autrefois au Brésil, la RD
Congo le traîne depuis 50 ans. Comment ce pays, vanté pour l’abondance de ses richesses naturelles, avec un sous-sol qui est un véritable inventaire minier, un fleuve de 4 700 km de long dont la folle puissance pourrait fournir de l’énergie à toute l’Afrique, un paradis vert de 80 millions d’hectares de terres arables, des savanes pouvant accueillir 40 millions de têtes de gros bétail, un potentiel halieutique estimé à 700 000 tonnes de poissons, une vaste forêt patrimoine écologique de l’humanité… un pays auquel sont attachés tous les superlatifs qui devraient s’accorder avec le bien être de ses habitants, s’est-il retrouvé dans la catégorie des plus pauvres ? Puissance et fragilité.
Il est facile de tomber dans le travers consistant à dire du mal du Congo, tant sont nombreux les rapports alarmistes des Nations Unies, les mauvais classements internationaux, les réquisitoires des ONG et les reportages chocs nourrissant les motifs d’indignation.
Le fait est que l’on ne revient pas de ce pays de la démesure les mains vides. Il n’y a qu’à se baisser pour ramasser une histoire qui saisira au ventre les âmes sensibles. L’impunité dont jouissent les auteurs d’exactions contre la population dans les Provinces orientales est la plus intolérable.
La critique est particulièrement vive parmi les Congolais eux-mêmes. Une phrase revient parfois à Kinshasa : Congo ekobonga te , traduisez : « Le Congo ne sortira jamais de ce trou dans lequel il se trouve. » Certains gourous bonimenteurs n’hésitent pas à emprunter un autre registre, celui au mythe de l’anathème qui pèse sur les descendants de Cham, le troisième fils de Noé : la cruelle misère ambiante en RDC aurait pour origine l’envoûtement de Satan. Que d’inepties fatalistes inventées, reprises par des infortunés dont la crédulité est à l’échelle de leur pauvreté.
Il faut reconnaître que le Congo est d’une extrême fragilité dans tous les domaines : infrastructures dégradées, insécurité à l’Est 7 et ailleurs, finances publiques mal gérées, handicapant le fonctionnement de l’Etat, pratiques économiques prédatrices, paupérisation des villes et des campagnes… Tant de plaies attendent encore d’être pansées. La plus profonde des meurtrissures est celle qui résulte de l’état permanent de ni guerre, ni paix. Une autre tient au pillage de ses ressources naturelles interdisant tous les efforts de développement. Une autre encore est liée à l’état de non droit dans un pays orphelin de sa justice.
Les déboires du pays sont inscrits dans une Histoire qui fut souvent tragique. Mais elle creuse aussi les sillons des trajectoires du futur. L’espoir s’appuie sur certains puissants ressorts préservés.
Cinquante ans après le départ des Belges, les Congolais avaient raison de se vanter d’une victoire, certes la seule mais elle est remarquable, celle d’avoir préservé l’intégrité de leur territoire, alors que le Congo a connu plus ou moins douze guerres. Ils pouvaient aussi être fiers d’avoir organisé les premières élections pluralistes au suffrage universel organisées depuis le début des années 1960. Cinq ans auparavant, le pays était à genoux, envahi par ses voisins avides.
Le 29 octobre 2006, 19 millions d’électeurs congolais relevèrent le défi. « Incroyable ils l’ont fait ! », s’exclamaient les observateurs médusés.
Ce livre, écrit au tournant du Cinquantenaire de l’Indépendance, est le fruit de plusieurs années passées en RD
Congo dans une position d’observateur privilégié. Il est tiré de chroniques et de portraits d’acteurs congolais. Il rapporte des témoignages et des faits. Au-delà des anecdotes et des commentaires, il suggère des analyses et des pistes de sortie de l’état de crise. S’il ne se retient pas dans la critique contre les gouvernants et les élites, il tente d’éviter l’analyse binaire – bon versus mauvais – et recèle en fin de compte une forte dose de confiance dans la formidable créativité des Congolais.
Pour ne pas alourdir le texte de notes de bas de page, les références ont été renvoyées dans la bibliographie à la fin du livre. Les proverbes et certaines formules sont empruntés à la vie quotidienne et aussi à l’ouvrage de Dieudonné Iyeli Katamu (2010).
1. Un Etat fragile et ses politiciens

Quand l’éléphant trébuche, ce sont les fourmis qui en pâtissent
Le Congo est-il un « Etat fragile» ? Cinquante ans après le jour de l’Indépendance (30 juin 1960), le bilan était sévère. Pourquoi les pouvoirs qui furent successivement en place au Congo ne sont-ils pas parvenus à créer des institutions robustes ? Pays trop vaste pour être gouverné ? Incapacité des élites à gérer l’héritage colonial?
Cupidité des voisins ? Rôle pervers des grandes puissances ? Sur son grand fleuve du même nom, le Congo navigue comme un bateau ivre et ses passagers jettent des bouteilles à la mer. La construction de l’Etat, annoncée depuis des décennies, demeure en projet, comme la sortie de la pauvreté qui affecte la grande majorité. Sans les Eglises et les associations, sans l’ « ONGisation » de la société (selon une formule d’Elikia M’Bokolo), l’édifice social n’aurait pas tenu si longtemps. Dans un tel contexte de fragilité, qu’attendre du système politique congolais actuel ? Peut-il engager un projet de société dans lequel la population trouverait son compte ? Avant de répondre, il convient de chercher de quelle manière fonctionne le pouvoir, en mettant en scène les acteurs du jeu politique.
Cinquantenaire royal
Les célébrations du Cinquantenaire de l’Indépendance, dont le moment phare fut le défilé du 30 juin 2010 sur le boulevard triomphal fraîchement reconstruit par les Chinois, furent organisées par un duo hétéroclite, un général ancien ministre de l’intérieur, Denis Kalume, et un historien de grand renom, Isidore Ndaywel.
L’introspection était de mise. Un certain nombre d’évènements (conférences, colloques, expositions…) devaient permettre de répondre aux trois questions existentielles que se posaient les Congolais : D’où venons-nous ? Où sommes-nous ? Où allons-nous ? Des monuments furent édifiés, dont un dédié au premier président du pays, Joseph Kasa-Vubu, qui avait été un peu oublié depuis sa disparition en 1969. Olive Lembe Kabila, l’épouse du Président, avait de son côté préparé l’évènement en appelant le peuple congolais à la repentance et à se fier à Dieu pour le salut du Congo. Elle organisa trois jours de prière à travers tout le territoire.
La rumeur avait couru depuis des mois qu’Albert II, le roi des Belges, viendrait de son pays en bateau, accompagné de son gouvernement, les Flamands à bâbord et les Wallons à tribord. Des places sur le paquebot royal devaient être vendues aux enchères à Bruxelles. Le poisson d’avril tint bon puisque d’aucuns crurent longtemps que le port de Boma allait être fermé et qu’un flot continu d’hélicoptères viendrait transporter les invités à Kinshasa.
Le défilé fut impressionnant. Mswaati III, le roi du Swaziland était à côté de son homologue belge et une brochette de chefs d’Etat était là aussi dont les deux anciens amis puis ennemis et redevenus amis du Congo, le longiligne Paul Kagame et Yoweri Museveni sous son inévitable chapeau de paysan. La cérémonie commença avec seulement deux heures de retard sur l’horaire, et fut suivie par trois heures de défilé : 15 000 soldats et policiers, précédant 400 véhicules et des chars chinois et ukrainiens écrasant l’asphalte neuf. Les hélicoptères, cinq peut être, firent plusieurs rotations au-dessus de la tribune afin de donner l’impression d’une force aérienne conséquente.
Dans son discours appelant à la « révolution morale », Joseph Kabila retrouva les accents de celui qu’il avait prononcé lors de son inv

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