Ecrire la démocratie (2e édition revue et augmentée)
290 pages
Français

Ecrire la démocratie (2e édition revue et augmentée) , livre ebook

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290 pages
Français

Description

Voici un aspect méconnu du travail des assemblées parlementaires : les comptes rendus destinés à garantir la transparence des délibérations. Se fondant sur les archives des assemblées et de nombreux témoignages, l'auteur parcourt l'histoire des assemblées de l'Antiquité à nos jours. Il souligne le rôle éminemment politique des techniques de reproduction des débats, enfin, il s'interroge sur le sens de la publicité des débats parlementaires, à l'ère de l'audiovisuel et des nouveaux moyens de communication.

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Publié par
Date de parution 01 juin 2012
Nombre de lectures 20
EAN13 9782296491946
Langue Français
Poids de l'ouvrage 3 Mo

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Extrait

Écrire la démocratie D e l a p u b l i c i t é d e s d é b a t s p a r l e m e n t a i r e s Seconde édition revue et augmentée
Collection Communication, politique et société dirigée par Jacques Gerstlé
Hugo Coniez Écrire la démocratie D e l a p u b l i c i t é d e s d é b a t s p a r l e m e n t a i r e s
Préface de M. Alain Delcamp Secrétaire général du Sénat
Seconde édition revue et augmentée
Éditions Pepper – L’Harmattan
© L'HARMATTAN, 2012 5-7, rue de l'École-Polytechnique, 75005 Parishttp://www.librairieharmattan.com diffusion.harmattan@wanadoo.fr harmattan1@wanadoo.fr ISBN : 978-2-296-96645-1 EAN : 9782296966451
Préface
 Voici un livre singulier qui porte sur un sujet que l’on croyait résolu, au moins si l’on se reporte à la faible place que lui accordent les traités de droit constitutionnel et de science politique contemporains.
 La publicité des débats parlementaires semble une évidence. La vérité oblige à dire aussi qu’elle ne semble plus constituer une question essentielle, notamment si on la compare avec les difficultés de communication en général entre les élites représentatives et l’opinion publique. Elle n’est manifestement pas suffisante pour les résoudre.
 L’ouvrage de M. Coniez, Rédacteur des débats du Sénat, en revêt d’autant plus d’intérêt, car il rappelle d’abord la manière – fort lente – dont l’idée de publicité des débats s’est imposée dans l’histoire et nous oblige aussi à nous interroger sur la place du Parlement dans le débat public aujourd’hui.
 Publicité et démocratie sont deux notions qui ont évolué de concert, la première ayant pendant longtemps été la pierre angulaire du développement de la seconde. Point de publicité des débats dans les régimes autoritaires, cela va de soi. Le développement, en revanche, de la démocratie parlementaire ne s’est pas toujours accompagné de la publicité des débats, tellement celle-ci apparaissait, y compris dans les démocraties les plus achevées (Royaume-Uni, États-Unis, France), comme susceptible de nuire à la sincérité des opinions et à la formation sereine de la volonté générale. L’ouvrage de M. Coniez est, à cet égard, un ouvrage d’historien puisqu’il nous restitue les débats existants sur ce point aussi bien dans l’Antiquité grecque ou romaine que lors de la formation progressive de la démocratie parlementaire britannique. En 1771 encore, Charles James Fox résumait, mieux qu’on ne pourrait l’imaginer, les principes et les limites de la démocratie représentative classique : « Notre devoir
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est d’agir conformément à la Constitution et de défendre l’indépendance du Parlement. Que celle-ci soit attaquée par la couronne ou par le peuple, c’est une affaire de peu d’importance [...] Je défends la Constitution, pas le peuple ». Telle fut aussi la prudence des premières assemblées américaines.
 La Révolution française, quant à elle, posa la question dans des termes sensiblement différents, tellement la publicité des débats fut dès l’origine ambiguë. Sous ce terme, se trouvent posées en même temps la question de l’accès du peuple aux tribunes de l’assemblée, voire à ses délibérations, et de la possibilité de faire connaître aux citoyens la teneur des débats parlementaires. Encore aujourd’hui pèse sur la topographie des hémicycles français le souvenir des excès qu’une trop grande proximité des spectateurs avait pu engendrer, au point de paralyser la liberté de pensée des nouveaux représentants. Cette différence de traitement justifie encore aujourd’hui la différence de nature entre le débat en commission et le débat en séance publique.
 La publicité des débats parlementaires ne fut donc historiquement rien moins qu’évidente. En réalité, elle fut la conséquence de l’émergence progressive de la liberté de la presse, non une décision spontanée du Parlement.
 Le deuxième aspect de l’ouvrage de M. Coniez est une histoire, fort savante au demeurant, des techniques par lesquelles il fut progressivement possible de rendre accessibles au plus grand nombre des délibérations souvent complexes, mettant en scène des personnalités fort diverses, donnant naissance à un véritable art oratoire, mais aussi laissant place à des controverses, interprétations ou autres « mouvements divers », toutes caractéristiques rendant presque impossible la traduction mot à mot des débats préparatoires aux décisions des législateurs. L’ouvrage est ainsi à sa manière l’histoire de l’invention de la technique sténographique, sans laquelle notreJournal officiel des débats parlementairespas. Comme toute découverte, elle n’existerait fut progressive, mais aussi conflictuelle, plusieurs écoles s’affrontant avant de parvenir à un équilibre. À l’époque, le développement de la sténographie fut vécu comme un moyen de décharger le travail intellectuel des contraintes de l’écriture et de permettre d’acquérir par tous l’instruction élémentaire. L’un des
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fondateurs de l’école de sténographie française, qui devait étendre son influence sur tous les continents, n’allait-il pas jusqu’à déclarer : « L’essence même du régime démocratique exige l’introduction de la sténographie dans les écoles primaires » ?
 L’apogée de la publicité des débats parlementaires e fut la III République, au point que plusieurs Secrétaires généraux des assemblées, et même le plus prestigieux d’entre eux, Eugène Pierre, commencèrent leur carrière comme rédacteurs des débats. Peut-être faut-il trouver dans cette filiation l’origine de l’excès de raffinement que constituait, jusqu’à une époque récente, l’existence en France des trois comptes rendus des débats parlementaires : le i sommaire, le compte rendu analytique et le compte rendu intégral .
 Au-delà de ces évolutions techniques et de ces descriptions de la constitution d’administrations spécifiques aux ii parlements , l’ouvrage de M. Coniez nous permet de prendre conscience de ce que le métier de rédacteur ou d’analyste parlementaire comporte une part d’humanité irréductible, que tout système, aussi perfectionné soit-il, de transcription de la parole, ne permettrait qu’avec beaucoup de difficultés de remplacer. Il ne s’agit pas, en effet, de reproduire simplement ce qui est entendu. Il s’agit de convertir l’oral en écrit, c’est-à-dire de rendre sensible, dans deux contextes totalement différents, l’expression des nuances d’un débat collectif et souvent passionné. L’analyste ou le rédacteur introduit la rationalité, la réflexion et la continuité que les lecteurs affectionnent à la place de l’émotion que l’auditeur privilégie. Il en est en effet de la parole comme de l’image. Elles sont irréductibles à la mémoire et à la raison. Elles relèvent de « l’impression ». Le compte rendu des débats doit rendre sensible au lecteur non seulement les propos mais aussi l’atmosphère, le caractère fugitif, le « moment » que le spectateur aura déjà oublié pour ne retenir qu’une impression générale. Les rédacteurs et analystes des débats sont par là des transmetteurs d’humanité. Ils
i Ceux-ci constituaient, selon le mot d’Eugène Pierre, la réponse aux « trois formes de la publicité moderne : la dépêche, le journal et le livre » (Introduction auSupplémentde 1910, page XIII). ii  Les premiers fonctionnaires parlementaires furent les secrétaires-rédacteurs prévus par le décret du 28 fructidor de l’An III (14 septembre 1795), choisis « parmi les hommes les plus exercés dans les lettres et dans la science des lois ».
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ont su aujourd’hui adapter leur technique pour rester fidèles à leur mission initiale.
 L’ouvrage de M. Coniez fournit ainsi les bases d’une nouvelle réflexion sur le rôle du Parlement dans la société. Aujourd’hui où la publicité des débats est une évidence et où la technique pour les restituer pourrait n’apparaître que comme un bel exercice, on ne peut que s’interroger sur la notion, voire l’utilité, de la démocratie représentative elle-même.
 D’aucuns pourront considérer que celle-ci représente une étape dépassée de la démocratie tout court et pourraient être tentés de dessiner les contours d’une nouvelle utopie, celle d’un peuple dialoguant avec lui-même, à travers les ressources infinies des techniques de communication. L’observation expérimentale de la société médiatique suffirait, à l’évidence, à montrer les limites d’une communication réduite à la recherche permanente d’une apparente nouveauté, susceptible de maintenir en veille des attentions vacillantes, car trop sollicitées.
 La démocratie représentative n’est ni plus ni moins que la recherche difficile de la réalisation concrète de l’utopie démocratique elle-même : « Comment représenter le peuple ? ». Cette utopie montre à l’envi l’impossibilité de trouver une solution totalement satisfaisante. Ce n’est pas une raison pour y renoncer. Dans ce contexte, le bicamérisme apparaît plus comme une des solutions supplémentaires à la disposition des constituants pour se rapprocher de cette perfection que comme un obstacle à l’expression démocratique…  La deuxième considération est la nécessité, à l’âge de l’achèvement de la démocratie, au moins politique, d’éviter l’immense nivellement qu’annonçait Tocqueville et de parvenir à la renaissance permanente du débat entre des opinions (si possible) différentes. Le Parlement – littéralement lieu où l’on parle – n’est sans doute pas devenu inutile. Le défi n’est plus non plus celui de la publicité de ses débats, il est autre. C’est celui, d’abord, de l’association des citoyens à l’élaboration de ses décisions, de manière à ce que celles-ci puissent répondre à une aspiration
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générale à la participation aux décisions. Le deuxième défi n’est pas de réaliser autrement un autreJournal officiel. Il est d’une autre nature, beaucoup plus exigeante : transmettre les décisions du souverain, les rendre compréhensibles, convaincre de leur légitimité, les soumettre à la contradiction, afin que la démocratie participative ne soit qu’un moment du dialogue nécessaire, ascendant et descendant, entre le Parlement et le citoyen, qui en demeure l’inspirateur et le fondement.
Alain DELCAMP Secrétaire général du Sénat
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« On peut réduire à trois ces conditions nécessaires, ces formes essentielles du principe du régime représentatif […] et on est autorisé à les considérer comme fondamentales. Ces formes sont : la division des pouvoirs, l’élection, la publicité. La publicité constitue le lien de la 1 société et de son gouvernement » (François Guizot) .
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