Essais nucléaires : 1961, une apothéose ?
282 pages
Français

Essais nucléaires : 1961, une apothéose ? , livre ebook

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Description

"Retourner en 1961, c'est retourner au temps des essais nucléaires atmosphériques, de la guerre froide, de la concrétisation de nouvelles stratégies militaires etc." De l'importance de la bombe H dans notre société aux influences industrielles et politiques qui l'exploitent, des accidents qui la concernent aux ambitions qui en encouragent l'amélioration, c'est l'essentiel des questionnements au sujet de la force thermonucléaire qui se dessine ici.

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Informations

Publié par
Date de parution 01 juin 2014
Nombre de lectures 2
EAN13 9782336350653
Langue Français
Poids de l'ouvrage 2 Mo

Informations légales : prix de location à la page 0,1250€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

Questions contemporaines
Illustration de
Julien Pinol
Questions contemporaines Julien Pinol ESSAIS NUCLÉAIRES : 1961, UNE APOTHÉOSE ?
Questions contemporaines
ESSAIS NUCLÉAIRES: 1961, UNE APOTHÉOSE ?
Questions contemporaines Collection dirigée par B. Péquignot, D. Rolland et Jean-Paul Chagnollaud Chômage, exclusion, globalisation… Jamais les « questions contemporaines » n’ont été aussi nombreuses et aussi complexes à appréhender. Le pari de la collection « Questions contemporaines » est d’offrir un espace de réflexion et de débat à tous ceux, chercheurs, militants ou praticiens, qui osent penser autrement, exprimer des idées neuves et ouvrir de nouvelles pistes à la réflexion collective. Dernières parutions François COUDERC,Chronique d’une aventure politique ordinaire, 2014. Gérard DAHAN,La manipulation par les sondages. Techniques, impacts et instrumentalisations, 2014. Nadine JASMIN,Les mairies au défi des politiques d’égalité,2014.Georges Claude GUILBERT,Le genre des objets, 2014.Guillaume FONGANG,Les Politiques agro-environnementales en France. Dispositifs de concertation et enjeux de gouvernance, 2014.Françoise FRISCH,La boulotdiversité, Ensemble vers l’extermination du chômage, 2014. Frédéric JONNET,Défense, 2007-2012 : un plan pour l’égalité des chances, 2014. Lise GREMONT,Mutation dans les collectivités territoriales,2014. Hervé PIERRE,Tous prisonniers ? La postmodernité sécuritaire : pourquoi et comment nos libertés se perdent au nom de la sécurité, 2014. Jean-Pierre BOISARD,Travail, on t’aime trop !, 2014. Roger BAILLET,De Gaulle et Machiavel, 2014. Alain JENNY et Hervé MAUROY (dir.),Évolution et Histoire. Les modèles du devenir, 2014.
Julien PINOL
ESSAIS NUCLÉAIRES : 1961, UNE APOTHÉOSE ?
Il n’en est pas de recommandables, mais il en est de beaux tout de même !
© L’Harmattan, ʹͲͳͶ ͷ-͹, rue de l’École-Polytechnique ; ͹ͷͲͲͷ Paris http://www.harmattan.fr diffusion.harmattan@wanadoo.fr harmattanͳ@wanadoo.fr ISBN : ͻ͹ͺ-ʹ-͵Ͷ͵-Ͳ͵ͷͳͶ-͹ EAN : ͻ͹ͺʹ͵Ͷ͵Ͳ͵ͷͳͶ͹
Olé !
CHAPITRE PREMIER
1 Juillet 1961
 Le mois de juillet vient de débuter. Une lumière douce et câline transparaît à travers les vitres et nappe la grande table installée au centre de la pièce. Voilà, à peu près, les seuls témoins de la scène pour laquelle le chef du gouvernement a réuni quelques hauts gradés militaires et de prestigieux invités : les scientifiques. Assis autour de la table, ces quelques hommes, que deux mains suffiraient à compter, sont là pour la grandeur de leur nation.  À peine la réunion a-t-elle commencé et engagé la conversation sur la reprise des essais nucléaires, que le grand-maître vient de le demander : une bombe de 100 mégatonnes est-elle envisageable ? 100 Mt, soit dix fois 10 millions de tonnes d’explosif classique (la bombe contre Hiroshima est estimée à 16 000 tonnes). Ont-ils bien entendu ou est-ce un délire de leur cerveau ? Heureusement, « il a le sens de l’humour », pourraient encore espérer un instant les trois scientifiques qui l’écoutent. Hélas, tout cela est à prendre au sérieux ! On lui a peut-être fait du mal ?! Il s’est cogné la tête contre la porte en rentrant dans cette pièce ? Ou alors, il a manqué à l’appel lorsque le ciel a distribué les consciences !  Trouve-t-on peu probable qu’une telle arme soit construite aujourd’hui, en 1961 ? Pas improbable, ni utopique, mais effarant. Certes, les nouvelles armes, toujours plus puissantes, sont aussi blessantes pour nos émotions que les anciennes l’ont été en leur temps. Mais là, tout de même, la limite semble avoir été dépassée. La puissance humaine a en effet augmenté sur ce point depuis vingt ans. De quelques dizaines de kilos, il y a un demi-siècle, on est passé à la centaine de kilos de TNT dans quelques cas exceptionnels en 1939, à plus d’une quinzaine de milliers de tonnes lors des premières bombes nucléaires. Leur rendement a viré ensuite à la mégatonne depuis le début des années 50. Les limites ?! Le dispositif des dernières bombes H a théoriquement affranchi le rendement d’une arme de toute limite.  L’évidente démence d’un tel test nucléaire peut échapper à celui qui lit ces 2 lignes. Arithmétiquement, cela fait le rendement de Little Boy , contre Hiroshima, multiplié par 6250. Ce rapport est trompeur ; la réalité effective est sensiblement différente au niveau des dégâts. La superficie réduite à néant, sacrifiée, ne serait pas 6250 fois plus importante que ce qui arriva au Japon, il a 16 ans, le 6 août 1945. N’empêche, en faisant sa commande, le chef d’État tente cet artifice explosif où le mesurable ne serait presque plus. Imaginez-vous : une telle détonation équivaudrait à une force explosive trois fois, quatre fois plus importante que toutes les bombes qui ont explosé en
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Europe et en Asie au cours de la Seconde Guerre mondiale. Tout ça ne vous dit peut-être pas grand-chose ? Il y a certainement des degrés divers de représentation et d’évaluation des nombres ; le million et le milliard paraissent parfois inhumains. Un milliard (1 000 000 000) n’est rien d’autre sur le papier que le produit de neuf facteurs égaux à 10. Les bombes conventionnelles qui ont explosé sur l’Allemagne d’Hitler entre 1943 et 1945 avaient pour chacune d’elle en moyenne une charge d’une demi-tonne de TNT. Figurez-vous que chaque bombe représente un pas d’homme moyen (50 centimètres). Étalons-les ensuite en une ligne unique. Celle-ci partirait à vol d’oiseau au niveau de la terre d’un endroit pour y revenir après avoir fait 12 fois et demie le tour de notre planète, pour former 100 Mt.  Au-delà de sa puissance, peut-être même plus encore, la principale information est en effet la reprise des essais nucléaires atmosphériques. C’était à prévoir. Nous aurions même été un peu déçus si un de ces grands chefs d’État n’avait pas tenté de renouveler ce genre d’entreprise. Le moratoire entretenu depuis l’automne 1959 par les États-Unis et l’Union soviétique est sur le point de s’achever. Il aura été le plus long, volontaire ou non, jamais observé depuis le début de leur dispute.  La réunion secrète à laquelle les trois responsables scientifiques ont été invités s’est achevée. Quoi qu’il en soit, où que vous soyez et qui que vous soyez, il y a dans pareille situation, fidèles lecteurs, une hiérarchie à respecter jusqu’à son sommet. Ces hommes dont l’esprit est encore ivre des paroles de leur dirigeant sont conviés à une petite collation avec d’autres membres du gouvernement. L’occasion d’un nouveau discours de Monsieur le Grand directeur. Quelques fils de fumée osent à peine s’étirer des cigarettes.  Le cérémonial une fois terminé, tout le monde au travail et retour aux ateliers, bien à l’abri des plus curieux. Nul doute que de retour chez eux, nos soldats de laboratoire, liés d’obligation envers la défense de leur cher pays, méditeront, malgré tout, les évènements qui viennent de se dérober devant eux. En sortant du bâtiment, peut-être y en a-t-il un, parmi eux, qui, les yeux rivés au ciel, imagine la vision d’une telle explosion et refusera d’y participer ou tentera d’empêcher une telle entreprise ?
________  1. Vous l’avez peut-être déjà deviné, le « présent » utilisé dans le texte n’est pas celui d’aujourd’hui. Pour les besoins d’une certaine compréhension, les notes en bas de pages sont quant à elles écrites àl’heure d’aujourd’hui. Peut-être la présence de ce temps (le présent) engendre-t-elle une présentation illusoire et trompeuse de ces évènements passés ?! Qu’importe, la voici !  2. La « bombe d’Hiroshima » (Little Boy) est devenue l’étalon atomique universellement reconnu… encore faudrait-il s’entendre sur son rendement ! 14 Kt, 16 Kt, 17 Kt, 18 Kt ? Les avis divergent en effet. Un symbolique objet de convention aurait pourtant naturellement pour raison d’être l’accord des experts ; sur son rendement, c’est en tout cas raté. Concernant la suivante (Fat Man) qui explosa au-dessus de Nagasaki, les estimations se resserrent entre 18 Kt et 20 Kt.
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1 ET SI LA PAIX ÉCLATAIT ?
Janvier 1961
 La terre doit trembler maintenant. Au milieu des flammes, notre homme, avec une dignité de roi, chante: « De quel insolite tremblement je sens mon 2 esprit assailli ? D’où sortent ces tourbillons de feu plein d’horreur ? ». C’est au tour du chœur, qui s’est levé du sein des profondeurs, de retentir : « Tout 3 cela et peu en regard de tes fautes. Viens ! Il est un mal bien pire ». Plus encore que l’unisson, le ton de cette masse sonore ne fait aucun doute sur la situation de notre héros. Parure de cet enfer païen, les derniers sons de cette scène font briller la conclusion extravagante du drame avec ce genre de fracas qui accompagne la foudre.  Quelques derniers mots encore du séducteur, derniers éclats au centre de ce ballet. Un ultime « Ah ! », et Don Giovanni disparaît. L’opéra avec. Les scènes de l’aristocrate sont donc terminées. Sous-estimer l’apparition du Commandeur lui a été fatal. Il eût été plus prudent devant la venue de ce spectre, sa vie aurait pu se prolonger. Les derniers bruits humains s’éteignent à présent dans l’espace. Sollicité par tous ces sons depuis plus d’une heure, je me remets gentiment de mes émotions et reviens dans notre monde, ressuscité. La dernière heure de cette retransmission radiophonique, peuplée de sons et de tragédie, s’est achevée par une violente bourrasque à l’extérieur. Un vent glacial balaye les alentours plongés dans l’obscurité. Le mois de janvier est plein de ces fins d’après-midi obscurs. Scintille tout de même, comme les feux de la rampe, la petite pellicule de neige sur le rebord de ma fenêtre. Quant à la scène du théâtre international, que va nous réserver cette année 1961 ? Elle n’a commencé que de quelques jours, Khrouchtchev nous le livre déjà le 6 janvier. Le premier secrétaire du Parti prône la paix. Ne nous emballons pas trop de ces paroles. Qu’un leader politique ne veuille pas défendre la paix équivaudrait à du suicide.  Les bouteilles de vodka et de bourbon, sur une même table en Allemagne au printemps 1945, ont en effet vite été vidées. Le monde peut-il replonger dans une guerre ? Remarquez, nous ignorions presque qu’il en est ressorti. NotreCold Warpar s’essouffler  finira-t-elle le? Sa fin, pourrait-elle être résultat d’une certaine lassitude ? D’un épuisement ? Est-ce à ce genre ________  1. J.K.Galbraith,La Paix indésirable? Rapport sur l’utilité des guerres, Calmann-Lévy, 1968, p.97.  2. « Da qual tremero insolito sento assalir gli spiriti ! Donde escoro que’vortici di foco pien d’orror ?» (Don Giovanni,Il Dissoluto Punito, livret de Lorenzo da Ponte)  3. « Tutto a tue colpe à poco. Vieni ; c’é un mal poggior »,Ibid.
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