Ethnicité, frontières et stabilité aux confins du Cameroun, du Nigeria et du Tchad
158 pages
Français

Ethnicité, frontières et stabilité aux confins du Cameroun, du Nigeria et du Tchad , livre ebook

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158 pages
Français

Description

Tout en creusant les relents historiques de la crise contextuelle de cohabitation entre les Arabes Choa et les Koroko ainsi que le rôle de la conjoncture politique dans l'exhumation des différends du passé, ce livre propose une lecture géopolitique pour cartographier les enjeux de paix, de stabilité et de sécurité aux frontières septentrionales du Cameroun.

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Informations

Publié par
Date de parution 01 juin 2012
Nombre de lectures 20
EAN13 9782296494046
Langue Français
Poids de l'ouvrage 2 Mo

Informations légales : prix de location à la page 0,0700€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

Ethnicité, frontières et stabilité
aux confins du Cameroun,
du Nigeria et du Tchad
Saïbou Issa Ethnicité, frontières et stabilité aux confins du Cameroun, du Nigeria et du Tchad
© L’Harmattan, 2012 5-7, rue de l’Ecole-Polytechnique, 75005 Paris http://www.librairieharmattan.com diffusion.harmattan@wanadoo.fr harmattan1@wanadoo.fr ISBN : 978-2-296-99051-7 EAN : 9782296990517
À la mémoire de ce Colonel et de ce Capitaine qui ne parlaient que de paix en temps de conflit.
Avant-propos
La conception de cet ouvrage a commencé lors d’un séjour au Centre d’études africaines de Leiden aux Pays Bas. À cette occasion, j’ai beneficié des ressources de la bibliothèque et des échanges avec les chercheurs africanistes qui y exercent, particulièrement le Pr. Mirjam de Bruijn à qui j’exprime ici ma gratitude pour ses observations et enrichissements. Je remercie également Christian Seignobos (IRD) et Henry Tourneux (LLCAN) pour leur continuelle et amicale disponibilité chaque fois que j’ai sollicité leur fine et dense connaissance du bassin tchadien. Que le Pr. Daniel Abwa et le Pr. Ntuda Ebode qui ont lu le manuscrit soient assurés de ma reconnaissance. L’Université de Maroua, malgré sa jeunesse, m’a offert un cadre de travail et une sérénité mentale propices à la production scientifique.
De nombreuses personnes ressources se reconnaîtront dans les témoignages qu’ils ont bien voulu me livrer. Tout en préservant leur anonymat, je reste sensible à la marque de considération dont ils ont fait preuve à mon endroit en acceptant de répondre à des questions difficiles alors que les stigmates des affrontements interethniques étaient encore béants.
Avant de produire l’ultime version de cet ouvrage, j’ai procédé à une enquête de confirmation, infirmation ou relativisation des données collectées entre 1994 et 2008. Le temps a eu raison des émotions démonstratives. Les enjeux politiques qui avaient structuré les relations intercommu-nautaires dans les années 1990 sont désormais des occurrences situationnelles. La pointe septentrionale du Cameroun est aujourd’hui. En pareille circonstance, le rôle de la recheche historique peut être de solder le passé pour que l’intelligence des temps conflictuels aide à prévenir les
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résurgences, les reproductions, les exhumations. C’est pourquoi j’ai davantage focalisé l’attention sur les contextes et les contingences conflictogènes plutôt que d’interroger le rôle des acteurs. C’est en comprenant comment naissent les conflits qu’on est à même de les prévenir. Le lecteur aura l’impression que ce livre porte sur le conflit interethnique qui a ensanglanté le Logone et Chari au début des années 1990. Certes, mais c’est de la paix, de la stabilité et de la sécurité aux frontières du Cameroun que j’ai voulu parler.
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Introduction
Le soir du 31 janvier 1992, le journal télévisé de la Cameroon Radio and Televisions’ouvre sur des (CRTV) images macabres de corps sans vie gisant à proximité de taches de sang à peine asséchées. À Kousséri, annonce le reporter, les journées du 29 et 30 janvier ont été mémorables, comme si les deux principales communautés ethniques de la place, les Arabes Shuwa et les Kotoko les avaient déclarées journées locales des pyromanes, archers et fusilleurs. Début de manifestations belliqueuses qui embrasèrent le département du Logone et Chari pour les uns, les affrontements de janvier 1992 sont pour les autres l’aboutissement d’un long processus d’inimitié entre les Arabes Shuwa et les Kotoko. Pour d’autres encore, ce sont les enjeux liés à la perception de l’ouverture démocratique qui sous-tendent les manifestations belliqueuses du début des années 1990 dans la pointe septentrionale du Cameroun. Bien souvent, l’histoire est pointée du doigt dans l’archéologie de la discorde qui creuse les racines des différends, modifie le rôle et les motivations des acteurs, minimise les habitudes de convivialité et les effets des brassages interethniques.
À la faveur de l’ouverture démocratique, les identités différentielles ont ressurgi sous la forme du confession-nalisme opposant lakirditude à l’islamo-peullitude, du provincialisme né de l’éclatement de la grande province du Nord Cameroun en trois provinces réputées d’inégal accès à l’État, des localismes divers marqués par la coexistence d’« associations de ressortissants » dont les membres sont tantôt supposés adversaires au plan ethnique ou religieux, tantôt solidaires dans l’action de développement « du coin ». À cela s’ajoute la prolifération des associations culturelles fondées sur l’appartenance à un même groupe ethnique,
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indépendamment de la religion, de la région d’origine ou du parti politique dans lequel on milite. Ce foisonnement associatif a fait craindre l’embrasement, au moment où la violence verbale semblait prendre le pas sur la force de la persuasion dans les joutes politiques. Les revendications épistolaires, la littérature de la rédemption ethnique et les appels à l’inculturation donnaient au discours sur l’identité une coloration inquiétante. Ainsi a-t-on vu émerger et s’enrichir le vocabulaire de l’altérité, où la recherche des origines et le discours sur les migrations abreuvent les représentations ethniques. En son temps, le président Ahmadou Ahidjo (1960-1982) originaire de la partie septentrionale du Cameroun, avait autoritairement fédéré ou canalisé les identités particulières du « Nord » dans un ensemble régional perçu de l’extérieur comme un tout cohérent. Un quart de siècle de gestion instrumentale de l’ethnicité avait censuré l’expression des particularismes, imposé l’émergence d’une sorte d’homo nordistus.Mais si les particularismes expressifs sont muselés ou tout au moins découragés au nom de l’unité nationale ou pour les besoins du contrôle régional, il reste que dans les villages, les éléments spécifiques de la vie communautaire survivent et perpétuent les mémoires, les mœurs, les modes de vie et de pensée, bref le patrimoine historique qui fait de la rencontre des peuples un lieu de fusion des cultures sans que disparaisse le substrat socioculturel qui a sédimenté les racines sociologiques. Déjà sous l’administration française, le chef de la Région du Nord-Cameroun (actuelle Région de l'Extrême Nord) observait qu’une bonne gestion de cette région devait tenir compte des subtilités sociologiques à l’intérieur d’un espace géographique uniforme :
Il ne faut pas oublier cependant que les six subdivisions du Nord-Cameroun forment une heureuse mais difficile diversité, et qu'il est impossible, en dehors de principes généraux et partout applicables, de travailler à Yagoua comme à Mora, à Fort-Foureau comme à Kaélé, à
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