Fabriques de l insécurité
118 pages
Français

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Description

Les auteurs, philosophes et non-philosophes de sensibilités différentes, expriment ici leurs convictions, témoignent de la façon dont ils éprouvent et pensent la conjoncture : l'insécurité a-t-elle des responsables, des théoriciens? est-elle un prétexte ? s'agit-il d'une question pratique ou d'un sentiment ? ne serait-elle pas, avec la sécurité, le fruit d'une même fabrique, celle qui produit les concepts, la philosophie ?

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 01 mai 2007
Nombre de lectures 167
EAN13 9782336262673
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,0500€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

Fabriques de l'insécurité

François Laruelle
© L’Harmattan, 2007
5-7, rue de l’Ecole polytechnique ; 75005 Paris
http://www.librairieharmattan.com diffusion.harmattan@wanadoo.fr harmattan1@wanadoo.fr
9782296033009
EAN : 9782296033009
Sommaire
Page de titre Page de Copyright Du Principe de Sécurité (PS) à la Défense générique En toute insécurité La pulsion du chaos - essai sur notre conjoncture Journal d’une trentenaire - (Extraits : 2006-2007) La peur dévore l’âme De l’excès de confiance au surcroît de méfiance - Réflexions autour de la condition postmoderne Apologie de la liberté sociale
Du Principe de Sécurité (PS) à la Défense générique
par
François LARUELLE

Les « principes » récemment émergents comme celui de « précaution » ne sont pas énoncés par la philosophie traditionnellement assignée à ce genre d’énoncés. Ce sont des valeurs ou des « tonalités » de société élevées à la dignité de « principes » par leur généralité mondialisée et qui donnent occasion d’intervenir à la philosophie. Ces généralités mondialisées modifient les figures classiques de la lutte politique par la recherche de consensus, et parfois s’y substituent, ce sont des transcendantaux objectifs. « Sécurité » désigne ici 1. des institutions (la « Sécurité » comme service policier de surveillance, de dénonciation et de répression), 2. des activités ou technologies spécifiques (la « sécurisation » des lieux, des biens, des activités, des messages, des personnes) usant de moyens mathématiques, informatiques et philosophiques de sauvegarde ou de protection, 3. des idéologies dites « sécuritaires », voire des philosophies entières (Hobbes), 4. enfin un Principe fondant et distribuant tout cela. On appellera PS le principe qui gouverne la métaphysique classique et moderne de la certitudo comme fondation assurant la validité de la connaissance soit en extériorité (Descartes, Husserl), soit en immanence (Badiou), la sécurité politique des citoyens (Hobbes), la police ordinaire ou d’exception, toutes les institutions qui ont leur service de sécurité (l’État autoritaire ou non, l’Église, l’Enseignement, etc.), ou la protection des activités comme le commerce international ou le secret militaire.

Nous suivrons le plan,

1. Description du PS en fonction des besoins auxquels il répond, nous défendons la thèse qu’il s’agit fondamentalement de protéger ou de défendre l’Individu au sens « moderne » du terme, d’assurer l’intégrité de son être et éventuellement de ce qu’il en reste dans le « sujet ».

2. Critique, sous la forme d’une « dualyse », de la notion d’Individu et de son ontologie dont se soustrait de lui-même, sans opération philosophique, le concept plus primitif et radicalement immanent de l’Homme-en-personne puis du Sujet qui lui correspond. Nous décomposons l’Individu unitaire en la dualité unilatérale ou générique de l’Homme-en-personne et du sujet-Étranger.

3. Enfin nous proposons un changement de fonction du PS en le transformant et le mettant au service d’une défense générique de l’Homme-en-personne et de son sujet. Nous substituons la notion de Défense générique à celle de sécurité de l’Individu.

Un mot sur l’Individu. L’individu classique, logico-substantiel, un et/ou multiple, doué de représentation et de désir à la manière leibnizienne, est bien connu. Il est opposable au sujet kantien, non-substantiel et doué d’altérité réelle. Nous en proposons un concept plus large qui vaut de ces deux et les réunit en une seule entité et accomplissant l’animal rationnel de la métaphysique. L’Individu requiert trois caractères formalisés ainsi, 1. sa donation intuitive ou extatique et transcendante à la manière d’un étant voire d’un objet, 2. son auto-référence ou l’auto-connaissance dont il est doué, 3. l’opération supplémentaire d’un métalangage. Ces trois traits sont accentués et indissociables dans sa forme historiquement « moderne ». Nous lui opposons une conception générique de l’homme sous la forme d’une dualité unilatérale de l’Homme-en-personne et du sujet-Étranger. Le générique ne se définit plus ici par un renversement matérialiste de Hegel, soit physique et sensible (Feuerbach), soit mathématique (Badiou), mais dans le contexte d’une « messianité » strictement humaine. Le séminaire fera circuler le thème de la sécurité de l’Individu à cette autre conception de l’homme. Le PS est le métalangage philosophique nécessaire qui pose la sécurité comme prédicat de l’Individu. Notre problème sera de transformer le PS et d’en permettre un nouvel usage dans le cadre plus général d’une éthique de défense ou de protection de l’homme puis d’une théorie des victimes.

PRINCIPE TRANSCENDANT ET PRINCIPE TRANSCENDANTAL DE SÉCURITÉ
La sécurité s’étend à travers tout le champ social, de la médecine à la théologie. Sa mise sous principe répond à un certain nombre de conditions d’apparition qui l’ont toutes évidemment précédé mais qui finissent par franchir le seuil de la généralité principielle en laquelle elles précipitent après-coup. Le Principe alors les rassemble, les organise et légitime transcendantalement. Ces conditions d’apparition sont les suivantes, des plus superficielles ou plus immanentes, qui conduisent le PS vers son état transcendantal.

1. L’extension du libéralisme commercial et communicationnel, l’internationalisation des échanges et la mondialisation du marché. Plus les échanges de biens supposés individuels se multiplient (marchandises, connaissances, lieux, personnes, messages militaires ou religieux), plus leur sécurité devient une exigence. La sécurisation accompagne la communication généralisée, l’innovation technologique et même les techniques de la sécurisation et du secret exigent le secret. Ce qui est échangé doit être conservé à travers le risque que représente l’échange ou le passage d’un bien, d’un message d’une personne à l’autre, c’est l’individu comme atome social (Marx) défini par l’échange et lissé par la sécurité. Le PS pourrait apparaître comme une modalité du Principe de précaution, lui aussi est protection de la vie humaine contre ses activités mortifères. Mais la définition du risque et de son horizon (écosphère biologique/activités interhumaines de la politique et de la guerre) et du coup son mode d’évitement ne sont pas les mêmes. Cette fonction de défense et d’affirmation de l’Individu signe ses limites politiques, historiques et idéologiques.

2. Plus profondément la sécurisation est inséparable d’un syndrome de perte ou de vol de l’objet possédé. Elle répond ici à des situations incertaines de communication, fluentes ou labiles où les échanges, paroles, messages sont susceptibles d’être dérobés ou caviardés, donc à des objectifs de défense autres que ceux de la guerre qu’elle peut accompagner mais à quoi elle ne se réduit pas. De là par exemple la recherche moderne d’un punctum inconcussum pour les jugements dont la validité pourrait être dérobée par un Malin Génie, ou bien d’un mathème pour la transmission intégrale du savoir, de l’être et de la vérité. Cet agon n’est pas un problème, au contraire, pour les multiplicités ouvertes ou de métissage, pour les entités pré-personnelles, altérités pré-individuelles ou rapports de forces qui sont les objets derniers de la philosophie contemporaine et qui vont avec une certaine insécurité (Deleuze, Foucault, Derrida, mais pas Badiou, philosophe « moderne » soucieux de sécurité par la fermeture du système et du mathème dans l’être, de la « fidélité » dans l’événement et la procédure de soustraction de la vérité, quoique matérialiste et refusant l’Individu et sa présence).

3. Ontologiquement, l’oubli métaphysique du sens et de la vérité de l’Être est l’origine du problème de la sécurité au moins autant que de celui de la technique. La sécurité vicarie la perte du sens authenti

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