L APPRENTISSAGE DE LA POLITIQUE MODERNE
336 pages
Français

L'APPRENTISSAGE DE LA POLITIQUE MODERNE , livre ebook

-

336 pages
Français

Description

Comment nos ancêtres se sont-ils familiarisés avec la politique moderne ? L’auteur répond à cette question en mettant en lumière deux pistes jusqu’alors inexplorées : celle d’une expérience démocratique injustement négligée à l’aube de l’instauration du suffrage universel, mais également celle d’une sociologie historique des conceptions du politique et du social et de leur évolution à l’épreuve d’une découverte des pratiques électorales démocratiques.
En explorant ces deux pistes, l’auteur nous invite à revisiter les schémas classiques de l’archaïsme et de la modernité politiques.

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 01 janvier 1997
Nombre de lectures 113
EAN13 9782296335653
Langue Français
Poids de l'ouvrage 11 Mo

Informations légales : prix de location à la page 0,0000€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

L'APPRENTISSAGE
DE LA POLITIQUE MODERNE@ L'Harmattan, 1997
ISBN: 2-7384-5151-9Christine Guionnet
L'APPRENTISSAGE
DE LA POLITIQUE MODERNE
LES ÉLECTIONS MUNICIPALES
SOUS LA MONARCHIE DE JUILLET
Préface de Pierre Rosanvallon
Éditions L'Harmattan L'Harmattan Inc.
5- 7, rue de l'École- Polytechnique 55, rue Saint-Jacques
75005 Paris Montréal (Qc) - CANADA H2Y I K9PRÉFACE
Christine Guionnet donne avec L'apprentissage de la
politique moderne un remarquable ouvrage qui devrait
intéresser les divers spécialistes des études politiques, en
même temps qu'un public cultivé plus large. Ce travail
présente en effet des qualités devenues, hélas, fort rares: la
capacité à marier l'érudition et l'imagination intellectuelle,
la solidité de la recherche empirique et l'acuité de la
proposition théorique, la précision méticuleuse de
l'investigation documentaire et la largeur de vue de
l'interprétation.
Au point de départ de ce travail, une solide recherche
consacrée aux élections municipales sous la monarchie de
Juillet. Christine Guionnet a d'abord le mérite de combler là
un fort regrettable vide de l'historiographie politique du
XIXe siècle. Ces élections n'avaient en effet fait jusqu'à
présent l'objet d'aucune investigation d'ensemble, seuls
quelques articles s'étant aventurés sur ce terrain. Son livre
représente ainsi au premier chef une importante
contribution à l'histoire des pratiques politiques dans la
France du XIXe siècle.
Longtemps laissées dans l'ombre, ces élections
municipales sont pourtant les premières élections directes
de masse en France. C'est pourquoi, entre le suffrage à deux
degrés de la Révolution et le suffrage vraiment «universel»
de 1848, elles constituent une étape décisive dans la
socialisation politique des Français. Si on ne compte sous la
monarchie de Juillet qu'environ deux cent mille électeurs
départementaux qui nomment les députés, près de trois
millions d'individus participent en effet pendant la même
période à l'élection des corps municipaux et quatre millions
à l'élection des officiers de la garde nationale. C'est dans ce
cadre que va s'opérer un véritable apprentissage de masse
de la vie politique, beaucoup plus effectif que celui qui avait
pu se faire dans les assemblées primaires de la Révolution,
qui traduisaient une symbolique d'appartenance sociale
plus qu'elles n'exprimaient une véritable participation à la
décision politique. Il y a ainsi là un moment absolument
décisif dans l'histoire de la démocratie française.
Chose surprenante, la plupart des acteurs de l'époque
sont restés aveugles sur ce point, et ils n'ont pas compris ce
qui se jouait dans cette innovation. Louis Blanc parle parexemple avec mépris du conseil municipal des années 1830
comme d'une «assemblée de notables élus par une
assemblée de notables et dirigée par des agents
ministériels». Certes, seuls les conseils sont élus, les maires
restant nommés par le roi. Mais pour la première fois un
grand nombre de citoyens n'en fait pas moins l'expérience du
pouvoir que représente le bulletin de vote, et André-Jean
Tudesq, le premier historien à avoir saisi l'importance de
ces élections, a tout à fait raison de dire que
«l'élargissement du scrutin par le suffrage universel en 1848
a moins modifié la vie municipale, que le passage en 1831
de la nomination à l'élection des conseillers municipaux».
On ne dispose que de peu d'informations sur les
premières élections de 1831, seuls quelques bilans
départementaux ayant été conservés. Mais les élections de
1834 et de 1837 firent l'objet de comptes rendus statiques
très détaillés qui nous donnent une foule d'informations
utiles sur ce que Maurice Agulhon a appelé la «descente de
la politique vers les masses». On peut en tirer plusieurs
enseignements. Les premiers concernent le rapport
villescampagnes. Globalement, et malgré le correctif des électeurs
adjoints, le nombre total d'inscrits sur les listes électorales
est plus important dans les petites communes rurales que
dans les villes. En 1834, il y a un électeur pour huit
habitants dans les communes de moins de cinq cents
habitants, et seulement un pour vingt-sept dans les villes
de cinquante mille à cent cinquante mille habitants. Si l'on
rapporte ces chiffres à la population masculine adulte, cela
signifie que près de la moitié des hommes étaient électeurs
dans les campagnes et 15% environ dans les grandes villes.
Ce n'était pas le suffrage universel, mais cela n'avait plus
rien à voir avec le suffrage censitaire en vigueur pour
l'élection des députés. C'est en grand nombre que des
paysans, des artisans, des petits commerçants, des ouvriers
se socialisent ainsi politiquement. On voit d'ailleurs la
bourgeoisie s'inquiéter des conséquences de cette intrusion
des basses classes dans la vie politique. En 1831, le préfet
de l'Aude écrit au ministre de l'Intérieur: «Les élections se
firent remarquer par l'empressement que les électeurs des
classes inférieures mirent à écarter des conseils les citoyens
appartenant aux classes les plus élevées; dans les
campagnes principalement, les paysans ne voulurent que
des paysans.» Et Thiers évoque dans son Compte rendu au
Roi de 1834 «les dispositions jalouses qui, en 1831, avaient
éloigné des conseils municipaux les citoyens jouissant de la
fortune et de l'éducation».
IILe second fait remarquable réside dans l'importance du
taux de participation. On ne dispose pas de moyennes pour
1831, mais des indications éparses montrent une forte
mobilisation: on compte par exemple 71% de votants au
premier tour dans l'Oise, 71% à Strasbourg, 41% à
Bordeaux (avec de forts écarts à l'intérieur de
l'arrondissement). Lors des élections municipales de 1834,
les préfets sont nombreux à noter que l'indifférence est
beaucoup plus forte qu'en 1831. Le taux de participation
moyen est cependant de 56%, ce qui reste élevé (il varie de
31 % dans la Loire-Inférieure à 68% dans l'Aube et
l'Aveyron). En 1837, il reste du même ordre (55%), une
légère baisse de la participation étant enregistrée dans les
petites communes alors qu'elle croît dans les grandes. Cette
mise en mouvement marque une rupture nette avec les très
faibles taux de participation enregistrés dans les
assemblées primaires de la Révolution ou les assemblées de
canton de l'Empire. Le vote direct a ainsi entraîné une
mobilisation sociale beaucoup plus forte que le vote à deux
degrés.
Si elle s'était limitée à présenter un tableau précis de ces
élections, Christine Guionnet aurait déjà mérité de la
communauté savante. Mais elle a fait beaucoup plus. Elle
donne un œuvre théorique forte en proposant un regard très
neuf sùr la question plus générale des processus de
modernisation politique. Elle s'est attaquée, avec une
intrépidité intellectuelle que dissimule parfois la modestie
de son ton, à une interprétation de cette modernisation
d'autant plus communément acceptée qu'elle a été formulée
en des termes assez proches dans deux grands ouvrages
classiques, La République au village. Les populations du Var
de la Révolution à la Seconde République de Maurice
Agulhon, et La fin des terroirs. La modernisation de la France
rurale, 1870-1914, d'Eugen Weber.
Ces œuvres pionnières ont présenté une interprétation du
processus de politisation, de l'«apprentissage de la politique
moderne», que l'on peut très schématiquement résumer de
la manière suivante: la modernisation consisterait en une
réduction progressive de la dichotomie entre des milieux
urbains cultivés, traversés par des débats politiques
d'ampleur générale, et des populations rurales plus
apolitiques, peuplées d'électeurs dominés et soumis aux
notables (en raison de leur situation de dépendance
économique et de leur faible niveau d'éducation). Ce que
Maurice Agulhon a appelé 'la «descente de la politique vers
les masses» n'est qu'une autre façon de qualifier

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