L ONU en Haïti depuis 2004
253 pages
Français

L'ONU en Haïti depuis 2004 , livre ebook

-

253 pages
Français

Description

Cette analyse du cas particulier de la MINUSTAH, Mission des Nations Unies pour la Stabilisation en Haïti, tend à nuancer la pertinence de ses actions et à mettre en lumière les déconvenues auxquelles les Casques bleus peuvent faire face, malgré leur activisme. Alors, dans l'objectif d'une résolution globale de la crise, les soldats de la paix sont-ils en mesure d'aller jusqu'à mettre en œuvre le redressement économique ?

Informations

Publié par
Date de parution 01 mai 2010
Nombre de lectures 275
EAN13 9782296257566
Langue Français
Poids de l'ouvrage 2 Mo

Informations légales : prix de location à la page 0,0950€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

«La paix estune création continue. »

«Anvi tou, pédi tou. »

Raymond Poincaré

Atrop vouloir, onn’obtient rien.
Proverbe haïtien

Préface

Al’aube duXXIème siècle, que peut-onattendre dela
«sécurité collective »?Letermeparaîtvieilliet lesdispositions
prévues par laCharte desNationsUnies pour«maintenir la
paix et lasécuritéinternationales»n’ontjamaisété entièrement,
ni rigoureusement, appliquées.S’ilexisteunepratique
d’interventioncollective aujourd’hui, c’estcelle des
«opérationsdemaintiendelapaix », véritableinventionde
substitutionauxmécanismes paralysésdelasécurité collective
tels qu’ilsavaientétéinitialementenvisagés.
Depuis lapremièreopérationdemaintiendelapaixen
1956,lapratique a connudesérieuxrevers (Congo 1960-1964,
Somalie1992), des réussites incontestables
(Cambodge19921993,Timor oriental 1999-2002)et surtoutdenotables
évolutions.C’est surcelles-ci quelelivre deNamieDiRazza
nous invite àréfléchir, àtravers le casdelaMissiondesNations
Unies pour laStabilisationenHaïti (MINUSTAH).
Apartirdesannées 1990,lesOpérationsdeMaintiendela
Paix(OMP)desNationsUnies ontconnu unespectaculaire
augmentation: 44opérationsen 19ans (1990-2009), contre18
opérationsen41ans (1948-1989).En réalité,la croissance des
OMP débute dès 1988, connaîtun pic en 1993(6 opérations
dans l’année)etamorceundéclinen2000:35opérations pour
la décennie1990et seulement 9 opérationsdepuis2000.Les
années 1990sontdonc cellesdetous lesespoirsdans la
possibilité d’imposerunenouvelle forme de «sécurité
collective »,maisaussicellesdesdésillusions: échec de
l’interventionenSomalie,1992; passivité durant le génocide
rwandais,1994; incapacité àréagirdevant lescrimesde
Srebrenica,1995.LeConseildesécurité a étéinvité àréagiren

7

définissantdes mandats plus robusteset plus précisetendotant
le DépartementdesOMP demoyens suffisants (Rapport
Brahimi,2000).Maisau-delà de ces recommandations,
inégalement suivies,unenouvelle doctrine d’interventionest
née aucoursde cesannées.Le changementestfondamental.
Désormais,le «maintiendelapaix etdelasécurité
internationales»,tâchecardinale del’ONUengénéraletdu
Conseildesécurité en particulier,neselimiteplusauxconflits
inter-étatiques.Lemaintiendelapaixestétenduà des situations
de conflits intra-étatiques (situationentrevuelorsdel’affaire
congolaise,maisviteoubliée dans le contexte dela Guerre
froide, en raisondescontestationsetdufiascodel’opération).
Pour le dire autrement, àpartirdesannées 1990(l’OMP en
Somalie constitueun tournant),leConseildesécuritése donne
lepouvoirdequalifiercertainesguerrescivileset leurscortèges
demassacrescomme des menacesàlapaixetàlasécurité
internationales ;enconséquence,il s’autorise àuserdeses
pouvoirsde coercition pour imposer,le caséchéant,unemission
depaixauxbelligérants:il nes’agit plus seulementd’une
opérationdemaintiendelapaix(peacekeeping),ni même de
rétablissementdelapaix(peacemaking),maisd’impositionde
lapaix(peace enforcement).
Cettepercée conceptuelle(une définitionélargie dela
«sécurité »)et politique(unepratique active del’intervention)a
très probablementbénéficié ducontexteparticulierdesannées
1990pendant lesquelles la findumonde bipolairepouvait
laisserespérer l’émergence d’un«nouvel ordremondial».En
2010,lasituationa bienchangé.Les souverainetés nationales
ont repris lamain,les négociations multilatérales s’éternisentet
la coopération internationaleparaîtbien laborieuse.Lerythme
desOMP a fléchi,le Conseildesécurité est souventdivisé etde
nombreuxpaysduSudmanifestentclairement leurs réticences
face à denouvelles interventions.Néanmoins,les innovations
d’hier résistentencore.En témoigne,lareconnaissancepar le
Sommet mondialdesNationsUniesen2005 de cette
«responsabilité deprotéger»quetous lesÉtats sesontengagés
àmettre en œuvre àl’égard depopulations menacées pardes
crimes internationauxgraves.Certes,l’exécutionde cette
responsabilité est laissée àla discrétionduConseildesécurité,

8

mais leprincipe deprotectiondes sociétés par-delàla faillite des
Étatsestclairement posé.Plusgénéralement,le débat ouvert par
une conceptionextensive des menacesàlapaix etàlasécurité
internationales n’est pas prèsd’être clos : il incite àl’ingérence
sans quel’on sache exactement quellesen seront les
conséquences.
C’estdans le contexte de ce débat qu’ilfaut resituer
l’instaurationdela MINUSTAHenavril2004.Haïticonnaît là
sa cinquièmeOMP,quidébute, classiquement, avecune
missionderétablissementdel’ordrepublic.C’estunepremière
pour le Brésil qui prendle commandementde cetteopération (à
laquelleparticipent plusieurs pays latino-américains).Le
symbolerégionalestfortet le Brésil tientàréussir.Maisdans
l’entremêlementdesviolences politiques, criminelleset
sociales,NamieDiRazzamontreparfaitement les limitesde
l’action onusienne et lanécessité d’élargir sanscesselemandat
dela MINUSTAHqui setrouve, enfinde compte,investie
d’unetâche bien trop lourdepourelle :(re)construirel’Etat
haïtienetuncontrat social.
Ilya deuxfaçonsdelirelerécit précis quenous propose
l’auteure.
Il sepeut quela MINUSTAHillustrelesdifficultés
techniquesd’uneOMP «multidimensionnelle », c’est-à-dire
consacrée àla foisàlapacification (lapaixnégative)etau
développement politique, économique et social (lapaix
positive).Renforcer l’encadrement, augmenter les moyens
disponibles, améliorer la coordinationavec d’autresagences
onusiennes sur leterrain: c’estunvéritable dispositif de
« gouvernance delapaix»qu’ilfautassocierauxOMP.En
bref,l’ingérence exigeunemobilisation importante de
ressourcesbienadministrées.Tropdeparcimonie ence domaine
risque de conduire àl’enlisement.Enun sens, celapourraitêtre
une conclusionassezproche de certainesexpertises relativesà
cette disciplinenouvelleque constituele «peace-building ».
Mais ilestune autrelecture,plus sceptique,qui retiendra de
l’aventure dela MINUSTAH(toujoursencoursen2010)
qu’unesociété et ses institutions peuventdifficilementêtre
(re)construitesdel’extérieur.Seloncepointdevue,l’OMPest
inévitablement perçuepar lesacteurs locauxcommeun« corps

9

étranger», capable depacifier, àl’occasion,mais souvent
suspecté departialité et/oud’inefficacité.L’ingérence est iciune
impassequi risquemême d’aggraver les mauxplutôt que deles
résoudre.
Lesdeuxlectures paraissentantinomiques.Dans sonétude,
fondéesurdes sources secondaires,mais toujours minutieuse,
Namie DiRazzanetranchepas,mêmesiellepencheplutôt pour
lapremièrelecture.Gageons qu’il s’agit là d’uneorientation
prudentetentantdepréserver les timidesavancéesde certaines
interventions onusiennesàun moment oùelles semblentdeplus
en pluscontestées.Le débatestcrucial.Après leséismequia
durementfrappéHaïtien janvier2010etau-delà del’aide
d’urgence,il nemanquerapasdesereposer.

Guillaume Devin
Professeurdesciencepolitique
Institutd’ÉtudesPolitiquesde Paris

10

Introductiongénérale

«Préserver les générations futures dufléaude la guerre» et
«unir nos forces pourmaintenir la paix et la sécurité
internationales» :voilàlesambitionsaffichées par lesNations
Uniesdans la Charte créantl’ONU, dès 1945.Lemaintiendela
paix, aspiration inhérente àl’organisation, constitue aujourd’hui
l’activitéprincipale de cette dernière,sonchamp
d’investissement leplusvisible et leplus prometteur pour les
peupleset leur protection.
Or, depuis lapremièreopérationd’observationenPalestine,
1
en 1948 ,les opérationsdumaintiendelapaixonusiennes se
sont indéniablement transformées.Leurévolutionestd’autant
plus patente depuis la findela guerre froide.Ainsi, dufaitde
l’évolutiondes modalitésdesconflits– désormais
principalement intra-étatiquesetdavantageliésàl’effondrement
des structuresd’Etat–,les missions ontelles-mêmesévolué
dans lesensd’undynamisme accru,maisaussiet surtout, dans
celuid’une diversificationetd’une complexification sans
précéd

  • Univers Univers
  • Ebooks Ebooks
  • Livres audio Livres audio
  • Presse Presse
  • Podcasts Podcasts
  • BD BD
  • Documents Documents