La crise des Grands Lacs

Béthuel Tunga Dia Lutete

Description

Les analyses de ce livre éclairent toutes les facettes jusqu'ici cachées ou simplement méconnues du conflit des Grands Lacs et mettent à nu tous les mensonges avancés à ce jour sur ce sujet. L'auteur s'attarde sur les enjeux et tous les aspects historique, géopolitique, économique, ethnique et autres de ce conflit, l'un des plus sanglants de la planète. Il propose des solutions inédites pour extirper les causes majeures de ce conflit et permettre l'avènement d'une paix pérenne dans chacun des pays de l'Afrique centrale.

Sujets

• Diplomatie
• Géopolitique
• Relations internationales

Informations

• Publié par: L'Harmattan
• Date de parution: 01 janvier 2010
• Nombre de lectures: 58
• EAN13: 9782296932302
• Langue: Français
• Poids de l'ouvrage: 1 Mo

Extrait

LA CRISE
DES GRANDS LACS

ANALYSE ET PISTES DE RÈGLEMENT
TUNGA DIA LUTETE B ÉTHUEL


LA CRISE
DES GRANDS LACS

ANALYSE ET PISTES DE RÈGLEMENT


L’H ARMATTAN
© L’H ARMATTAN, 2010
5-7 RUE DE L’ÉCOLE- P OLYTECHNIQUE, 75005 P ARIS

ISBN : 978-2-296-11064-9
EAN : 9782296110649

Fabrication numérique : Socprest, 2012
Ouvrage numérisé avec le soutien du Centre National du Livre
« Vous qui rappelez au Seigneur le souvenir « du Congo » ,
Ne prenez aucun repos.
Ne Le laissez pas tranquille
Jusqu’à ce qu’il l’ait rétabli,
Jusqu’à ce qu’il ait fait de lui
Une des gloires de cette terre » (Esaïe 62 : 6b-7)
I NTRODUCTION
L ’ EXERCICE d’analyse et de synthèse auquel nous nous sommes consacré ici n’est pas un simple essai d’explication de la crise qui sévit dans la Région des Grands Lacs.
En effet, plus de dix ans après le début de cette crise nous avons choisi de chercher tous azimuts la clé pour comprendre qui, pourquoi et comment un ouragan destructeur et meurtrier dévaste cette région : plus de cinq millions de Congolais et cinq cent mille hutu rwandais tués sans oublier tout un pays détruit, pillé, asservi, humilié !
Et cette réflexion, indispensable et préalable à tout nouveau départ, une fois terminée, une question incontournable et lancinante se pose et s’impose à toute âme bien pensante : Et après ? Quid nunc ? What next ?
Nous ne prétendons nullement apporter ici une réponse unique à cette question aux multiples facettes. Nous voulons, partant des propositions qui sortent des sentiers battus, déclencher une vague de réflexions axées sur la prospective, fort de la conviction que les guerres et les désordres en cours préparent le terrain à un nouveau départ, à une nouvelle forme de prise en charge des réalités et des données de la Région. Cette prise en charge, s’inscrivant dans la mondialisation en déploiement, devrait (re) donner une espérance de relance dans tous les domaines et transformer positivement la vie dans cette Région.
Les Grands Lacs : concept géographique et enjeu géopolitique
À la fin du XIX e siècle au moment où les puissances coloniales se sont réparti l’Afrique sans impliquer les populations locales, sont apparus certains concepts à forte implication géopolitique. De plus, après la chute du Mur de Berlin, à la fin des années 80, le leadership des États-Unis d’Amérique s’est affirmé incontestablement dans la conduite des affaires du monde. Et on assiste depuis à une recomposition géopolitique mondiale à laquelle l’Afrique n’échappe pas.
En effet, avec l’effondrement, puis la disparition du bloc soviétique apparaissent de nouvelles ambitions nationales et sous-régionales de nature économique et politique pour le leadership des nations. C’est ainsi qu’on assiste à la résurgence, en Afrique, de rudes affrontements entre nations à travers des antagonismes ethniques et à la contestation des frontières héritées de la colonisation.
Qu’en est-il au niveau des pays des Grands Lacs ?
Mais avant de répondre à cette question, qu’est-ce au juste que les Grands Lacs ?
Les Grands Lacs sont avant tout une réalité géographique qui se matérialise par une grande cassure du relief, le Rift Valley (ou Graben), partant de la vallée du Jourdain au Moyen-Orient et se prolongeant en Afrique. Plusieurs lacs se sont formés dans des vallées de cette fosse sur deux axes. Sur l’axe central, se suivent du nord au sud les lacs Edouard, Albert, Kivu, Tanganyika, Moero (RDC), Benguela (Zambie) et Nyassa ou Malawi (Malawi). Sur l’axe oriental se trouvent les lacs Victoria, Rodolphe ou Turkana (Kenya), Stéphanie, Abaya et Tana (Éthiopie).
En se limitant à cette seule réalité géographique, la Région des Grands Lacs devrait compter onze pays : l’Éthiopie, le Soudan, le Kenya, l’Ouganda, la Tanzanie, le Rwanda, le Burundi, la RDC, la Zambie, le Malawi et le Mozambique.
Mais sur le terrain politique, ce concept, « appellation » ou « label », est l’objet de plusieurs interprétations divergentes. En effet, selon les intérêts, les stratégies et les ambitions des uns et des autres, au niveau local comme au niveau international, surgissent plusieurs visions à l’intérieur de ce même concept.
La Région des Grands Lacs selon Mobutu
Pour la sécurité des régimes au pouvoir dont le sien et l’hégémonie liée à sa personne, le président Mobutu du Zaïre (RDC actuelle) avait limité le concept de la « Région des Grands Lacs » à trois pays : le Rwanda, le Burundi et le Zaïre. Cette version s’est concrétisée par la création de la Communauté économique des pays des Grands Lacs (CEPGL) regroupant les trois pays précités.
La Région des Grands Lacs selon l’Ouganda
L’ambassadeur de l’Ouganda à l’ONU a livré la version ougandaise de la « Région des Grands Lacs » lors du 7 e Congrès panafricain de Kampala en 1994 sous la dénomination de « The Swahili Republic » , avec Kampala comme centre de coordination. Selon cette vision, la Région des Grands Lacs regrouperait le Rwanda, le Burundi, la RDC, l’Ouganda, une partie du Soudan et une partie de l’Angola.
La Région des Grands Lacs selon le Rwanda
La vision rwandaise repose sur le concept d’un « Empire Hima Tutsi » qui regrouperait les territoires où vivent les Tutsi et dont ils seraient les leaders (Havila). Selon les ténors de ce concept, les territoires congolais qui, à les entendre, auraient appartenu au Royaume du Rwanda ancien devraient seuls être annexés à « Havila ». C’est ainsi que le président Paul Kagame n’hésite pas à déclarer que « l’Est du Congo représente un hinterland économique naturel » du Rwanda. {1}
La Région des Grands Lacs selon les dominants
Dans la recomposition du monde en cours, les dominants sous le leadership anglo-américain disposent d’un schéma dont ils connaissent seuls les contours à ce jour. Entre-temps, ils sont déjà parvenus à imposer l’expression « Région des Grands Lacs d’Afrique » dans le langage courant.
Plusieurs institutions, projets et programmes sont conçus, soutenus et financés par les pays occidentaux dans le cadre de la « Région des Grands Lacs », qui ne correspond à aucun concept développé par différents acteurs locaux. C’est ainsi que, par exemple, sont considérées, de façon autoritaire, abusive et arbitraire, comme faisant partie de cette « Région » les seules provinces de la RDC frontalières avec le Rwanda et le Burundi. Sur le plan international, la création de l’ONG européenne « Grands Lacs » et de l’Institut d’étude des pays des Grands Lacs à l’Université d’Anvers en Belgique ainsi que d’autres faits encore illustrent à suffisance la réussite de l’imposition du concept « Région des Grands Lacs ».
Ainsi, il y a lieu de se demander ce que représente le montage géopolitique qu’est cette virtuelle « Région des Grands Lacs ». S’agissant de la RD-Congo, il apparaît en filigrane une volonté machiavélique de réaliser sa fragilisation et sa partition. Dans la mesure où cette manipulation est en train de se faire en violation du droit international, avec violence, à l’exclusion et en opposition avec les aspirations naturelles et légitimes des peuples du Congo, elle est porteuse de tensions qui entretiennent dans la durée la suspicion, la méfiance, le rejet et l’instabilité dans cette partie de l’Afrique.
Quand bien même l’intégration régionale est recommandée pour la paix et le développement, « il appartient aux différents peuples de choisir en toute liberté avec qui ils veulent construire un avenir commun […] Par ailleurs, il y a un préalable à la réussite de toute intégration régionale. Elle doit être mise en place par des pouvoirs représentant réellement leurs peuples respectifs » {2} .
I L E CONCEPT DE LA CRISE
A. L’élément déclencheur
Avant d’aborder cet important point, l’évolution historique de cette crise nous impose de relever un fait majeur qui est intervenu et qui peut, à juste titre, être considéré comme la pré-crise.
Il s’agit du génocide voulu, planifié et mis en œuvre par Paul Kagame alors à la tête du FPR. En effet, après l’invasion du Rwanda, les accords d’Arusha signés en août