La Dérive des Modérés
432 pages
Français

La Dérive des Modérés , livre ebook

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432 pages
Français

Description

Dans une vie politique française contemporaine marquée par la violence de l'affrontement bipolaire entre droites et gauches, les modérés ont toujours éprouvé des difficultés pour affirmer leur identité. Ces hommes du " juste milieu " oscillent souvent entre l'ancrage à droite et l'alliance avec la gauche modérée, entre culture d'opposition et aspirations gouvernementales. Menée à l'échelle du département du Rhône, cette étude cherche à comprendre les origines et les modalités de cette dérive.

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 01 janvier 1998
Nombre de lectures 104
EAN13 9782296376311
Langue Français
Poids de l'ouvrage 15 Mo

Informations légales : prix de location à la page 0,0000€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

LA DÉRIVE
DES MODÉRÉS
LA FÉDÉRATION RÉPUBLICAINE
DU RHÔNE SOUS LA IllE RÉPUBLIQUE@ L'Harmattan, 1998
ISBN: 2-7384-7253-2Mathias Bernard
lA DÉRIVE
DES MODÉRÉS
LA FÉDÉRATION RÉPUBLICAINE
DU RHÔNE SOUS LA IllE RÉPUBLIQUE
L'Harmattan L'Harmattan Inc.
5-7, rue de l'École Polytechnique 55, rue Saint-Jacques
75005 Paris -FRANCE Montréal (Qc) - CANADA H2Y lK9Cet ouvrage a été publié avec le concours de la Fondation
Carnot (http://www.carnot.org), sous l'égide de la
Fondation de France.
Parmi ses diverses missions, la Fondation Carnot récompense
un travail original de valeur en histoire sur l'un des cinq
thèmes suivants:
- Histoire des sciences appliquées et des techniques.
- de l'enseignement scientifique
et des grands corps techniques de l'Etat.
- Histoire des sciences humaines.
- des idées politiques modérées.
- Histoire des Assemblées Parlementaires et de
l'Administration,
thèmes unifiés autour du titre fédérateur "Hommes, idées et
moyens de la modernité, fin XVIII - début XX siècle':
Les candidats à un tel soutien peuvent adresser les manuscrits de
leurs thèses au comité de lecture de la Fondation Carnot:
7 Boulevard Jean Mermoz -92200 Neuilly sur Seine (France)
info@carnot.orgINTRODUCTION
La modération n'attire guère, et les hommes qui l'ont incarnée dans
la vie politique de la France contemporaine restent bien souvent
méconnus. Le modérantisme de l'époque révolutionnaire, orléanisme dul'
XIX' siècle et les différents partis de la droite parlementaire sous la IV' et
V,la République (CNI, PRL, VDE..) restent des objets peu étudiés par
les historiens. Caricaturés voire stigmatisés par leurs contemporains qui
leur ont consacré des pages souvent proches du pamphlet!, les
républicains modérés de la III' République apparaissent également comme les
parents pauvres des histoires de la droite ou de la démocratie chrétienne
qui minimisent leur importance et leur autOnomie.
Pourtant, d'un bout à l'autre de cette République, les modérés ont
joué un rôle important dans la vie politique française. Ils lui ont fourni
un nombre non négligeable de personnalités éminentes, de Thiers à
Tardieu en passant par Gambetta et Poincaré. S'appuyant sur leurs deux
principaux partis, l'Alliance démocratique et la Fédération républicaine,
fondés respectivement en 1901 et en 1903, ils ont régulièrement
rassemblé lors des scrutins politiques plus du tiers des suffrages. Pourquoi alors
ce manque d'intérêt, voire ce discrédit de la part des essayistes et des
historiens ? Sans doute parce que la modération est plus un état d'esprit
qu'une doctrine, et qu'elle peut caractériser des itinéraires très divers. Les
modérés forment un ensemble disparate, dont on discerne malles
; E. Berl, La politique et les partis. 1932.1 A. Bonnard. Les modérés. 1936
7MATHIAS BERNARD
contours, surtour au début de cette période en raison de l'absence de
partis qui rendent lisible la vie politique. La méconnaissance de ce monde
s'explique aussi par la force de deux préjugés liés aux modérés: ceux-ci
n'auraient pas leur place dans un système politique bipolaire; au-delà de
la sonore affirmation de leur modération, ils n'auraient pas de véritable
programme.
De que,lques préjugés sur l'histoire des modérés
Le premier de ces préjugés concerne la stratégie propre à ces modérés,
qui, à l'aube du XX' siècle, paraît appartenir à une autre époque.
Hommes du centre et de ce «juste milieu» triomphant sous la Monarchie
de Juillet, les modérés incarnent une volonté d'apaisement doublée d'un
pragmatisme qui a rencontré le succès au cours des trente premières
années de la III' République. Ils défendent l'idée d'une «concentration»,
qui opposerait aux extrêmes l'alliance de tous ceux qui, à gauche comme
à droite, souhaitent faire prévaloir le principe de modération et le
pragmatisme politique. Adaptée à une époque où les intransigeants des deux
bords sont marginalisés et où des accords ponctuels peuvent se faire entre
«hommes de gouvernement», cette stratégie perd une partie de sa
pertinence et de sa crédibilité lorsque le clivage gauche-droite structure de
manière forte le champ politique. Or, à partir de l'Affaire Dreyfus, la vie
politique française obéit à une logique bipolaire, marquée par
l'affrontement entre une majorité et une opposition clairement dessinées et par la
radicalisation des idées et des discours politiques. Pour continuer
d'exister, les modérés doivent choisir leur camp. La vie politique leur impose
des alliances, qu'ils noueront à droite en raison de leur hostilité au
socialisme puis au communisme. C'est par hostilité à l'extrême-gauche que le
centre rejoint la droite, de façon très progressive, entre le début du siècle
et le lendemain de la Première guerre mondiale.
En fait, il ne la rejoint que partiellement. Même solidement ancrés
dans un camp, les modérés conservent la nostalgie d'un système politique
qui leur permettrait de réaffirmer leur conception spécifique de la vie
publique. Se maintient ainsi une sensibilité, un tempérament du centre;
mais celui-ci semble de plus en plus décalé par rapport aux réalités
politiques2. Déjà avant la Grande guerre, les modérés apparaissent au mieux
comme les archaïques témoins d'une époque révolue, au pire comme les
2 Les enjeux du débat sur l'existence d'un centte ont été bien esquissés par R. Rémond, Les droites
en Ftance, 1982, p. 364-368. Voir aussi S. Berstein, "Le centre à la recherche de sa culture
politique", Vingtième siècle, octobre 1994, p. 19-24.
8LA DÉRIVE DES MODÉRÉS
dupes d'un jeu que contrôlent leurs alliés conservateurs. Dans
l'entredeux-guerres, leur identité. initiale semble progressivement se dissoudre
dans la concession faite à la bipolarité: ils répugnent d'ailleurs à se
désigner comme modérés, car cet adjectif ne correspond plus à leurs actes et
prises de position. La modération en politique semble ainsi avoir
totalement échoué, au cours de la III' République: c'est sans doute pourquoi
son histoire a été laissée dans l'ombre.
On n'a pas seulement vu dans les modérés des hommes vaincus par
les conditions nouvelles de la vie politique. Leurs contemporains les ont
aussi peints comme des politiciens sans idéologie cohérente, tentant une
impossible synthèse entre des héritages doctrinaux contradictoires. En
1932, leur plus sévère contempteur, Emmanuel Berl, qualifie de «cocktail
de démagogie» le programme de leur principal groupe parlementaire,
l'Union républicaine démocratique3. En fait, c'est par défaut que ces
hommes se sont définis comme modérés. Avant 1914, ils ne peuvent
véritablement se qualifier de libéraux: certaines de leurs aspirations sociales
s'attaquent au libéralisme économique, et le libéralisme politique est
revendiqué par les conservateurs ralliés de l'Action libérale populaire.
Après 1918, ils ne peuvent incarner seuls le nationalisme, qui constitue le
référent principal des ligues de droite. Le mot «progressiste», qui a servi
un temps à les désigner (entre 1895 et 1919), ne convient pas, car il
implique une volonté réformatrice, qui n'a jamais existé de façon
unanime. Ces difficultés terminologiques, que l'on retrouve dans le vocabulaire
imprécis de leurs proclamations électorales, suggèrent la difficulté d'une
étude détaillée des idées modérées. Ces idées existent, mais elles s'avèrent
très diverses.
Les contemporains ont souvent nié cette diversité et ont volontiers
représenté les modérés comme des hommes sans autre idéologie que celle
qui leur permet de rester au pouvoir. Au début des années 1930, Berl voit
dans le centre une «entreprise gouvernementale», qui «reproche à ses
voisins le goût des principes» et dont la «doctrine est justement qu'il n'en
faut point avoir

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