LA ROUTE N° 9
399 pages
Français

LA ROUTE N° 9 , livre ebook

399 pages
Français

Description

En 1975, les Communistes prennent le pouvoir au royaume du Laos. Dans les jours qui suivent, tous les officiers et sous-officiers de l'armée royale laotienne sont arrêtés et déportés dans des camps de rééducation. Les voilà condamnés sans jugement à une peine dont ils ignorent la durée pour des crimes qu'ils n'ont pas commis. Parmi eux, Mithouna, l'auteur de ce livre. C'est la vie dans quelques-uns de ces camps, établis à proximité de la Route n°9, puis dans une prison à régime sévère, que nous décrit Mithouna.

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 01 janvier 2002
Nombre de lectures 194
EAN13 9782296273184
Langue Français
Poids de l'ouvrage 12 Mo

Informations légales : prix de location à la page 0,1300€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

LA ROUTE N° 9
Témoignage sur le goulag laotienCollection Mémoires asiatiques
dirigée par Alain Forest
Déjà parus
Philippe RICHER, Hanoi' 1975, un diplomate et la réunification du
Viêt-nam.
Dong SY HUA, De la Mélanésie au Viêt-nam, itinéraire d'un colonisé
devenu francophile. .
Gilbert DAVID, Chroniques secrètes d'Indochine (1928-1946).tome 1 - Le Gabaon
.tome 2 La Cardinale
Robert GENTY, Ultimes secours pour Dien Bien Phu, 1953-1954.
TRINH DINH KHAI, Décolonisation au Viêt Nam. Un avocat
témoigne, Me Trin Dinh Thao.
Guy LACAM, Un banquier au Yunnan dans les années trente.
KEN KHUN, De la dictature des Khmers rouges à l'occupation
vietnamienne. Cambodge, 1975-1979.
Justin GODART, Rapport de mission en Indochine, 1er janvier -
1er mars 1937. Présenté par F. Bilange, C. Foumiau et A. Ruscio.
Joseph CHEVALLIER, Lettres du Tonkin et du Laos (1901 - 1903).
Alex MOORE, Un Américain au Laos aux débuts de l'aide américaine
(1954 - 1957)..
Lê HUU THO, Itinéraire d'un petit mandarin.
Raoul PICAULT, L 'Honorable partie du Vietnam.
MINH TRI, Saigon à l'heure de Hanoi.MITHOUNA
En collaboration avec André ROSSET
LA ROUTE N° 9
Témoignage sur le goulag laotien
L'Harmattan L'Harmattan Hongrie L'Harmattan Italia
5-7, me de l'École-Polyteclmique Hargita u. 3 Via Bava, 37
75005 Paris 1026 Budapest 10214 Torino
FRANCE HONGRIE ITALlE(Ç)L'Harmattan, 2001
ISBN: 2-7475-1649-0Je remercie:
Jacqueline Bachrain, qui a passé de longues heures à traduire du
laotien en français la première rédaction de ce récit,
André Rosset, qui m'a aidé à mettre de l'ordre dans mes
souvenirs, qui m'a interrogé à maintes reprises pour m'en faire
préciser et compléter de très nombreux détails, et qui a procédé à la
rédaction définitive du texte.
Sans eux, ce livre n'aurait pu voir leJOur.
Et Je tiens à exprimer ici toute ma gratitude envers les bénévoles
du comité local d'aide aux réfugiés d'Elancourt-Maurepas, qui ont
accueilli tant de familles du sud-est asiatique. C'est avec leur aide
attentive et efficace que nous avons reconstruit nos vies après les
déchirements et le dénuement de l'exiL
Mithouna
Avertissement
Les faits relatés dans cet ouvrage sont vrais.
Cependant, pour d'évidentes raisons de sécurité, les noms de
certains de mes camarades de camp, encoreen vie, ont été modifiés.Le Laos et les pays limitrophes
l'N.CHINE-CHINE
Golfe
du Tonkin
THAILANDE
Golfe
de Thaïlande
Mer de Chine
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2.00km
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7]JROLOGUE
Keng-Khanh, Octobre 1978
Un ordre sec:
- Les pieds dans les carcans!
Le long de l'allée centrale, un long madrier de bois est fixé au bord du châlit,
grand lit commun où nous sommes étendus. Le madrier est muni d'encoches. N'ous
avons juste le temps placer nos chevilles. Une autre pièce de bois bien lourded'y
s'abat brutalement pour jenner les carcans. Bruit sec. Le gardien sort. De
l'extérieur il donne quelques coups de maillet sur une cheville qui verrouille le
dispositif. Il bloque la porte de la même fafon, et, entre lesplanches dzjjointes qui
servent de murs, j'e le regarde s'éloigner. Plus rien. Nous restons là, silencieux,
alignés sur deux rangées, avec nos pieds nus qui dépassent dans l'allée. C'est le
silence, le silence de lajungle avoisinante, peuplé de mille petits bruits...
Il fait dé,jà sombre dans la longue hutte. Voici l'heure des moustiques: ils
arrivent par milliers, et sej'ettent sur le moindre coin depeau détouvert... J'essaie
de me protéger. En vain. Il ny a pas de couvertures. Je m'abrite la tête sous la
chemise, mais mes pieds restent à nu. . .
Nous sommes une trentaine de prisonnier~. Nous n'échangeons pas une
parole, nous nefaisons pas un bruit: un mot, un traquement un peu fort, c'est
une tentative d'évasion. La sanction, c'est la mort.
Je songe à ma famille, à ma femme, à mes deux petits garfons... Cela fait
trente mois queje ne les ai pas vus, trente mois quej'e suis sans nouvelles... Nous
vivions à Savannakhet, dans cette petite ville tranquille bâtie au bord du
Mékong... Maintenant que le Laos a basculé tout entier dans l'horreur, que
sontils devenus?.. Comment vivent-ils?... Où sont-ils?.. Trop j'eunes, mes enfants ne
se souviennent sans doute meme pas de moi...
Je n'am've pas à m'endormir... Les puces, maintenant. Elles s'acharnent sur
mon cou, mes épaules, mes jambes. Elles se glissent sous mes vêtements, et j'e
bouge,je remue... J'entends mes camarades qui s'agitent de même... On voudrait se
retourner, mais les carcans ne lepermettent pas.
Cela fait trois ans et demi quej'e connais la misère totale, pf?ysique et morale,
dans les camps de rééducation, comme ils disent. Et maintenant, dans cette
prison... Il y a trois ans et demi,j"étais tapitaine dans l'armée royale laotienne. Je
servais mon pqys. Je n'ai rien fait de mal. Sans procès, sans jugement, sans
recours,j'e suis enprison, lespieds dans les tarcans, condamné à une peine qui n'a
pas de motifs, pour un temps qui n'a pas defin.Je me gratte la peau là où les puces me dévorent... Quant aux moustiques, pas
question de les aplatir à grands l'OUPSdu plat de la main. Ça ferait trop de
bruit. .. Silenlieusement,J'e tente de les écraser de mon pouce, ces sales bêtes qui me
sucent le sang.
Il y a peu, comme il faisait bon vivre au Laos! C'était un pqys de traditions
fortes et vivantes. Les gens étaient aimables et souriants. Les communautés
villageoises, presque familiales, se rassemblaient autour de la pagode... On y
célébrait de nombreuses feîes,J'qyeuses et colorées... Mes pensées m'emmènent vers le
petit village de mon enfance: ma mère, ma pauvre mère y vit to,!jours... Elle y
vivait, du moins, quand on m'a arrêté... Maintenant...
Même dans les villes on avait gardé un peu des coutumes de la campagne...
On se faisait des cadeaux entre voisins, on s'entraidait... Et on avait to,!jours un
geste pour les malheureux.
Je ne vois plus maintenant que barbarie et cruauté.
Comment en sommes-nous am'vés là? Les hommes qui ont pris le pouvoir au
Laos sont sans scrupules, sans pitié. Je revois en pensée ces années passées, l'elles
où l'ancien régime a peu à peu cédé avant de s'effondrer, et l'elles que nous vivons
maintenant :Jusqu'à quand? ...
Autour de moi,J"entends mes camarades qui s'agitent. Ils ne dorment pas. Ils
se grattent, ils esquissent mat'hinalement des tentatives pour se retourner sur leur
couche... Et sans doute remuent-ils les mêmes sombres pensées...
101 - LA ROUTE N°9
En 1973, mon cher Laos est un pays très pauvre. Trois guerres
l'on t marqué: la guerre d'Indochine, où tant de Français ont
cOl11battu, et qui s'est terl11inée en 1954, puis la guerre du Vietnam,
d'où les Américains tentent de se désengager, et, tout au long de ces
années, une guerre civile qui aggrave encore la situation...
La guerre civile oppose le pouvoir royal légitime à des
révolutionnaires communistes, les Néo Lao, soutenus par le
NordVietnam.
L'expression "Néo Lao" signifie "Laotien authentique". Les
révolutionnaires communistes se désignent ainsi, laissant entendre
qu'eux seuls sont des Laotiens, et que leurs adversaires ne font pas
partie de la communauté nationale. Les Néo Lao se disent parfois
aussi Lao Maï, ce qui veut dire Laotiens Nouveaux. Par opposition, ils
appellent leurs adversaires les Laotiens Anciens, des Laotiens
périmés, en quelque sorte, qui devront bientôt disparaître. Il y a donc
au Laos un peuple nouveau, appelé à remplacer un peuple ancien qui
ne vaut plus rien. Tout cela n'est pas de bon augure pour l'avenir:
COl11ment les deux adversaires pourraient-ils trouver un terrain
d'entente si les uns refusent de considérer les autres comme des
concitoyens?
On appelle souvent les Néo Lao des Lao Deng, ou Laotiens
Rouges, pour marquer qu'il s'agit de communistes. Mais eux-mêmes
ne se désignent jamais de cette façon. Quant aux anticommunistes,
ceux qui prendront le maquis contre les Néo Lao, on les appellera les
Lao I<hao, c'est à dire les Laotiens Blancs.
Depuis la fin de la guerre d'Indochine, le pays est coupé en deux
dans le sens de la longueur: le pouvoir royal s'exerce à

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