Libye : permis de tuer
58 pages
Français

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Libye : permis de tuer , livre ebook

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Description

"Tripoli bombardée ; la Libye ravagée. Bombes, bombes, bombes. L'enfer. Oui, tous assassinés au nom de la démocratie ! L'ignominie au nom de la démocratie. Paradoxe : on se dit "protecteurs unifiés", on se dit champions de la protection des populations civiles, et on bombarde, on écrase, on abat sans aucun état d'âme.

Informations

Publié par
Date de parution 01 novembre 2011
Nombre de lectures 20
EAN13 9782296471764
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,0424€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

Libye : permis de tuer
Collection IREA

Collection dirigée par David Gakunzi

Fournir des clés permettant de mieux comprendre l'Afrique, son histoire, ses réalités et mutations actuelles, ainsi que sa géopolitique, voilà l'ambition de cette collection de l'IREA (Institut d e recherche et d'études africaines). La collection - qui réunit aussi bien des essais, des monographies que des textes littéraires issus des travaux et des débats animés par l'Institut - a pour vocation de faire connaître au grand public les travaux d'auteurs confirmés mais également ceux de jeunes talents encore méconnus. Les ouvrages de la collection sont rédigées dans une langue conviviale, vivante et accessible.
David Gakunzi
Libye : permis de tuer

L’Harmattan
© L’Harmattan, 2011
5-7, rue de l’École-Polytechnique ; 75005 Paris
http://www.librairieharmattan.com
diffusion.harmattan@wanadoo.fr
harmattan1@wanadoo.fr
ISBN : 978-2-296-56354-4
EAN : 9782296563544
Rien n’est jamais définitivement joué sur la scène de l’Histoire ; rien. Rien n’est acquis une fois pour toutes, ni la servitude, ni la liberté. On se lève un jour, on se met debout, debout pour le premier des droits de tous les peuples : le droit de chaque peuple à fonder sa propre loi.
On est prêt pour le combat, on mène la lutte, on fait l’Histoire ; l’oppression est le passé, la liberté, l’avenir ; et, victorieux, enfin libres, on proclame face au Levant :
« Plus jamais ça », « Plus jamais la domination d’un peuple par un autre peuple », « Vive le droit des peuples à disposer de leur destin ».
Or voilà qu’un autre jour, on se réveille, on se réveille à Abidjan, on se réveille à Tripoli, on se réveille en sursaut : la bête immonde est de nouveau là ; elle rôde. Elle rôde, avide - comme autrefois - de tout prendre, de tout reprendre, de tout dévorer, de tout avaler, encore et encore. Elle rôde, prête à répéter dans le présent les asservissements et les mises à part du passé.
Et l’Histoire tangue, et l’Histoire vacille, et l’Histoire bégaie : guerres, ruines, décombres ; la vie rabaissée, la vie brutalisée, la vie massacrée. Au nom, cette fois-ci, non pas de « la civilisation » à propager, mais au nom d’une nouvelle bonté : la démocratie à partager. La démocratie à dispenser, à distribuer, à prodiguer, à diffuser à coups de bombes.
Et voilà Tripoli, et voilà la Libye, et voilà l’Afrique, et voilà le monde, plongés, replongés, dans les bas-fonds d’un temps aux pestilences d’autrefois ; un temps qui tue, 7 qui assassine, qui massacre au nom de la raison démocratique.
Raison démocratique débordante de mépris et d’arrogance, raison ethnocentrée, égocentrique, exaltée, érigée en absolu du Vrai et du Bien ; raison fanatique, fanatisée et donc fatalement meurtrière, fatalement sanglante ; raison qui nomme sans ambages tout pouvoir en dehors de l’emprise de Paris, de Washington et de Londres, pouvoir despotique, pouvoir dictatorial, cancer à éradiquer, cancer radical à extirper.
Et malheur au pouvoir ainsi désigné: l’odeur de la mort - de la mort mise en scène, théâtralisée, organisée, télévisée - n’est pas loin. Le rituel ? La désinformation d’abord : le dit pouvoir est sali, injurié, infériorisé, satanisé, bestialisé, maudit, désigné comme la figure du Mal absolu, la figure de ce qui nous menace, la figure qui menace « nos valeurs ». Accusé ; il est accusé de tous les maux du monde ; criminalisé, il est criminalisé à partir des faits traficotés ou tout simplement inventés, fabriqués. Ainsi Kadhafi, ainsi la Libye.
L’acte d’accusation : « Kadhafi a bombardé son propre peuple… Kadhafi a bombardé Fachloum ; Kadhafi a canardé Tajoura… » Mensonge : Fachloum n’a jamais été bombardée ; Tajoura non plus.
Mensonge, temps de guerre, temps de mensonges ; mensonges usinés, mensonges manufacturés, propagés, répandus, colportés de média à média. Mystifications, tromperie. Tromperie froidement organisée, régulée, 8 calculée; bannissement de la vérité, réification des consciences. Propagande.
La guerre commence par la propagande. L’entendement humain doit être envoûté ; l’opinion doit être dépossédée de ses yeux, dépossédée de ses oreilles, dépossédée de son jugement! Il faut mystifier la raison humaine ; il faut rendre la future agression naturelle, normale, banale, morale : « Kadhafi a bombardé son propre peuple…
Kadhafi a bombardé Fachloum ; Kadhafi a bombardé Tajoura… » Viol verbal de la vérité qui en annonce un autre.
La suite ? Le mensonge érigé, institué en réel ; le mensonge imposé, fixé dans les consciences ; la réalité renversée, culbutée; le pouvoir ciblé, criminalisé et condamné sans pourvoi ni appel, condamné à coups de fatwa démocratiques diffusées sur tous les écrans du monde, condamné aux flammes de l’enfer ; on allègue ensuite, on divulgue, on annonce la plaisanterie désormais coutumière : « Il faut protéger les populations civiles ».
L’opinion publique travaillée, préparée ; la guerre légitimée, justifiée d’avance, on peut désormais passer à l’essentiel : le sang. Le nommé, « dictateur » peut désormais être traqué, frappé, pilonné, écrasé, broyé par les bombes de l’apocalypse. Nettoyé. Il peut être nettoyé.
Nettoyés, lui et les siens ; nettoyés, lui et ses partisans ; détruits, détruits, lui et son pays. Et cela sans aucun égard pour le droit international ; et cela au mépris de toutes les lois qui fondent l’ordre humain.

Et il n’y aura pas crime : puisque la qualification de dictateur met de facto, sans aucun palabre possible, hors humanité; puisque l’abattage d’une proie sauvage, l’écrasement du Mal ne relève pas du crime ; puisqu’il est acceptable, autorisé d’être cruel par amour de la démocratie. Voilà la raison, voilà la rationalité, la terrible rationalité triomphante validée chaque jour par la vulgate médiatique et le discours politique dominants.
Une rationalité froide, glacée, porteuse de toutes les liquidations possibles; une rationalité qui affirme que la sauvagerie n’existe point dès lors qu’elle est articulée au désir de faire le Bien démocratique ; une rationalité qui, tout en proclamant qu’un homme est un homme et, un mort, un mort, justifie, légitime, disculpe d’avance le meurtre, la mise à mort de l’homme par l’homme ; une rationalité qui légalise, tout scrupule écarté, la pratique du sang versé, le crime. Et le crime a été commis en Côte d’Ivoire ; et le crime vient d’être commis en Lybie ; et le crime risque d’être commis demain ailleurs.
Le crime, c’est-à-dire, non pas cette épopée magnanime de preux chevaliers blancs en mission de démocratie crayonnée chaque jour sur l’écran de nos téléviseurs et dans les colonnes de nos journaux; non pas ce rite démocratique annoncé dans notre cyberespace comme un jeu innocent, anodin, non sanglant ; mais le crime dans sa vraie réalité, la réalité du sang versé, la réalité de la chair humaine estropiée, mutilée ; la réalité des corps agressés, détruits ; la réalité de la guerre, de la guerre avec ses atrocités, de la guerre avec ses milliers de femmes, d’enfants, d’hommes, de vieillards suppliciés, martyrisés, effacés ; effacés de la surface de la terre.
19 mars 2011 : ciel clos de Libye : la guerre. On bombarde. Pourquoi ? Mais pourquoi donc ?
Sarkozy solennel, le discours martial et le regard empli d’explosions ténébreuses ; Sarkozy se signant au nom de la démocratie : « Pourquoi ? Pourquoi cette guerre ? Pour protéger la population civile de la folie meurtrière d’un régime, qui, en assassinant son propre peuple, a perdu toute légitimité. »
La protection des populations civiles libyennes ? Le peuple libyen menacé dans son existence et la guerre à honorer comme une obligation humanitaire? Plaisanterie, élucubration, hypocrisie sans bornes. Voltaire avait raison:
« La guerre réunit tout ce que la perfidie a de plus lâche dans les manifestes, tout ce que la friponnerie a de plus bas dans la fourniture des armes ».
La vérité ? On voulait cette guerre ; on veut

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