Mobilisations citoyennes dans l'espace public

Gilles Rouet

Description

Les manifestations citoyennes dans l'espace public, organisées parfois spontanément ou bien utilisant les réseaux sociaux, s'accompagnent souvent d'une démarche esthétique dans les rues ou les places, devenues le cadre de réalisations picturales, théâtrales, etc. Cet ouvrage analyse cette tendance récente à partir d'exemples italien, chilien, slovaque et surtout bulgare. Bulgare, car des manifestations quotidiennes ont eu lieu sans interruption pendant plus de 160 jours à partir de juin 2013.

Sujets

• Arts
• Science politique
• Sociologie
• Esthétique

Informations

• Publié par: L'Harmattan
• Date de parution: 01 janvier 2014
• Nombre de lectures: 15
• EAN13: 9782336333618
• Langue: Français
• Poids de l'ouvrage: 10 Mo

Extrait

L&G

Sous la direction de Gilles ROUET

MOBILISATIONS CITOYENNES DANS L’ESPACE PUBLIC

Local & Global

Mobilisations citoyennes dans l’espace public

CollectionLocal & Global Dirigée par Gilles Rouet & François Soulages Migrations, Mobilités, Frontières et Voisinages,Maria Rosteková & Serge Dufoulon (dir.) Citoyennetés et Nationalités en Europe, articulations et pratiques,Gilles Rouet (dir.) Nations, cultures et entreprises en Europe,Gilles Rouet (dir.) Productions et perceptions des créations culturelles,Helena Bálintová & Janka Palková (dir.) La photographie : mythe global et usage local,Ivaylo Ditchev & Gilles Rouet (dir.) Pratiques artistiques contemporaines en Martinique. Esthétique de la rencontre 1, Dominique Berthet Usages de l’Internet, éducation & culture, Gilles Rouet (dir.) Usages politiques des nouveaux médias, Gilles Rouet (dir.) Participations & citoyennetés depuis le Printemps arabe,Antoniy Galabov & Jamil Sayah (dir.) Internet ou la boîte à usages, Serge Dufoulon (dir.) Géoartistique & Géopolitique. Frontières, François Soulages (dir.) Europe partagée, Europe des partages, Serge Dufoulon & Gilles Rouet (dir.) Frontières géoculturelles & géopolitiques, Gilles Rouet & François Soulages (dir.) Transhumanités. Fictions, formes et usages de l’humain dans les arts contemporains, Isabelle Moindrot & Sangkyu Shin (dir.) e-Citoyenneté, Anna Krasteva (dir.) Quelles frontières pour quels usages ?, Gilles Rouet (dir.) Médias et sociétés interculturelles,Martin Klus & Gilles Rouet (dir.) Arts et espaces publics,Marc Veyrat (dir.) Comité scientifique international de lecture Argentine(Silvia Solas, Univ. de La Plata),Belgique(Claude Javeau, Univ. Libre de Bruxelles), Brésil(Alberto Olivieri, Univ. Fédérale de Bahia, Salvador),Bulgarie(Ivaylo Ditchev, Univ. de Sofia St-Clément-d’Ohrid),Chili(Rodrigo Zuniga, Univ. du Chili, Santiago),Corée du Sud (Jin-Eun Seo Daegu Arts University, Séoul),Espagne(Pilar Garcia, Univ. de Séville),France (Gilles Rouet, Univ. de Reims, Univ. Matej Bel, Banská Bystrica & François Soulages, Univ. Paris 8),Géorgie(Marine Vekua, Univ. de Tbilissi),Grèce(Panayotis Papadimitropoulos, Univ. d’Ioannina),Japon(Kenji Kitamaya, Univ. Seijo, Tokyo),Hongrie(Anikó Ádam, Univ. Catholique Pázmány Péter, Budapest),Russie(Tamara Gella, Univ. d’Orel),Slovaquie (Radovan Gura, Univ. Matej Bel, Banská Bystrica),Taïwan(Stéphanie Tsai, Univ. Centrale de Taiwan, Taipei)

Sous la direction de Gilles ROUET Mobilisations citoyennes dans l’espace public

Ce volume réunit quelques-unes des contributions au colloque international «Esthétisation de l’espace public»organisé à Sofia, Bucarest, Paris, Reims, Banská Bystrica et Grenoble en 2013. Recension du volume par : Serge Dufoulon et Radovan Gura Rédacteurs scientifiques : Anne-Coralie Bonnaire et Christophe Lips Volume publié avec le concours de la Nouvelle Université Bulgare, de l’Université de Sofia St-Clément- d’Ohrid et de la Chaire Jean Monnetad personam « Identités et Cultures en Europe » et grâce au soutiende l’Institut Français de Bulgarie. Partenaires de la collection RETINA.International, Recherches Esthétiques & Théorétiques sur les Images Nouvelles & Anciennes, ECAC,Europe Contemporaine & Art Contemporain, Paris 8, IEEI,Institut d’Études Européennes et Internationales, Reims, ISM,Institut Supérieur de Management, Versailles-St-Quentin-en-Yvelines & Faculté de Sciences Politiques et des Relations Internationales, Banská Bystrica. © L’Harmattan, 2013 5-7, rue de l’École polytechnique ; 75005 Paris http://www.librairieharmattan.com [e-mail] [e-mail] ISSN : 2257-3690 ISBN : 978-2-343-02380-9 EAN : 9782343023809

Introduction Esthétique de l’action citoyenne ? Gilles Rouet Résumé: Cet ouvrage articule esthétique, esthétisation et actions citoyennes dans les espaces publics. Il ne s’agit pas de démontrer la systématicité d’une démarche esthétique dans les mouvements de protestation, mais, bien plus, à partir d’exemples bulgares, italiens, slovaques ou encore chiliens, de décrire une évolution de la participation citoyenne dans les espaces publics, les articulations de démarches artistiques dans le cadre de revendications politiques, mais aussi de relativiser cette évolution et ses conséquences. La réception des mouvements protestataires comme des démarches de détournement ou d’ornementation des monuments et bâtiments publics ou privés évolue également. Une esthétique de l’action citoyenne devient tellement évidente que l’« artiviste » acquiert une légitimité nouvelle. Mots-clés: Artiviste – Réception – Bulgarie – Contre-démocratie Cet ouvrage est cohérent avec quelques autres parus dans la même collection. Le deuxième volume paru explorait les articulations et pratiques des citoyennetés et nationalités en 1 Europe (Rouet, 2011) . Les auteurs s’interrogeaient sur la construction européenne, les mécanismes identitaires, l’évolution des sociétés civiles et des engagements. Ensuite, les « Printemps arabes » ont été au centre d’approches croisées (Galabov & Sayah, 1. Dans ce volume, Katia Hristova-Valtcheva, alors conseillère du ministre de la Justice bulgare, analysait les limites de la construction de la citoyenneté européenne par l’initiative législative des citoyens (pp. 163-176) et Anna Krasteva expliquait l’évolution du « citoyen post-communiste » au « citoyen connecté » (pp. 237-254). 7

Gilles Rouet

2012). Les questions du rôle des médias et des réseaux sociaux, et de la relation entre le cyberactivisme et les mouvements de rue ont mobilisé des chercheurs d’une quinzaine de pays différents, européens, mais aussi africains (Rouet, 2012). Jusqu’à se demander si ces manifestations liant activités et usages de l’Internet avec de nouvelles formes de protestations urbaines n’étaient pas des signes de l’évolution vers une « e-citoyenneté » (Krasteva, 2013). La situation sociale et politique en Bulgarie depuis février 2013 fournit, de manière évidemment non intentionnelle, un cadre très particulier à une réflexion collective amorcée précédemment. En effet, une équipe d’une dizaine de chercheurs de trois pays européens préparait en décembre 2012 un colloque international 2 consacré à l’esthétisation de l’espace public . Au moment où la session prévue à Sofia a eu lieu, le 20 avril 2013, une vague de protestation et de manifestations dans plusieurs villes du pays avait eu raison du gouvernement. Le Premier ministre Boïko 3 Borrisov avait démissionné le 20 février, un gouvernement intérimaire « d’experts » réglait les affaires courantes et tout le pays semblait attendre les nouvelles élections législatives, anticipées de deux mois, convoquées pour le 12 mai suivant. Réfléchir sur l’esthétisation de l’espace public dans ces circonstances peut apparaître un peu décalé, alors que la crise depuis 2008 est une cause majeure des manifestations de mécontentements dans de nombreux pays européens ou encore que les « Printemps arabes » et les suites des premiers scrutins démontrent la difficile réalisation d’un fonctionnement démocratique « à l’occidental ». On pourrait alors s’attendre plutôt à une réflexion sur l’évolution des formes de protestations/participations des citoyens, sur l’efficacité de ces mouvements, sur les « transitions » démocratiques. Mais c’est sans prendre en compte que, fondamentalement, l’esthétique est indissociable de tout investissement d’un espace public. L’esthétique renvoie, bien évidemment aux perceptions, aux sens, au beau (naturel ou artistique), à une science du sensible et de 2. Colloque organisé par une quinzaine d’équipes partenaires à Sofia (20 avril), Bucarest (22 avril), Paris (6 juin), Reims (7 juin), Banská Bystrica (3 octobre) et Grenoble (27 novembre). Ce volume est le premier d’une série reprenant les contributions à ces différentes sessions, par thématiques. 3. Du parti « Citoyens pour le développement européen de la Bulgarie » (GERB). 8

Esthétique de l’action citoyenne ?

l’émotion… Mais l’esthétique est aussi un ensemble de caractéristiques déterminant un aspect, une apparence, undesign. Les manifestants ne sont pas forcément des esthètes, ils ne développent pas nécessairement une réflexion élaborée sur le beau et les sensations, mais ils sont parfois acteurs conscients d’une esthétisation, c’est-à-dire de ce processus de transformation en réalité esthétique d’un autre phénomène, politique, par exemple. Dans tous les cas, qu’ils en aient l’intention ou non, leurs actions peuvent être envisagées par les contemplateurs, observateurs ou détracteurs, selon les catégories esthétiques, car il s’agit bien d’agir dans et sur les espaces publics, avec, parfois, des outils semblables à ceux des artistes de rue. De là à opérer une jonction entre ces artistes et les manifestants, entre démarche artistique et projet politique, le pas peut être très vite franchi. Revenons aux évènements des derniers mois en Bulgarie. Les manifestations de décembre 2012 à février 2013 ont été les 4 plus importantes depuis la crise de 1997 et ont touché une quarantaine de villes du pays. Ces troubles ont été provoqués par 5 une hausse des tarifs de l’électricité (plus de 20 % en deux mois ). Ces rassemblements ont ensuite évolué vers d’autres aspects de la vie quotidienne. Par exemple les manifestants ont réclamé un aménagement de la TVA, des enquêtes sur les privatisations des entreprises bulgares ou encore sur l’utilisation des fonds structurels européens. Globalement, il s’agissait de dénoncer à la fois les conditions de vie et la pauvreté dans laquelle les Bulgares s’estiment condamnés à vivre et la corruption des élites politiques et économiques du pays. Par exemple, les étudiants de l’université

4. En 1997, la Bulgarie avait traversé une grave crise socioéconomique, après la baisse de 10 % du taux de croissance du PIB en 1996 et une inflation dépassant les 20 %. Le mouvement deprotestation avait entraîné la chute du gouvernement du Premier ministre Jan Videnov (Parti socialiste bulgare, BSP). 5. Le montant moyen de la facture d’électricité est alors d’environ 100 € par foyer, alors que plus de la moitié des retraités touchent entre 77 et 102 € par mois. Deux distributeurs d’électricité tchèques et une entreprise autrichienne se partagent le territoire bulgare et sont en situation de monopole en échange du maintien du réseau et d’une obligation d’investissement. Les prix sont cependant fixés par une autorité de régulation. 9