Phénoménologie politique de l Europe
307 pages
Français

Phénoménologie politique de l'Europe , livre ebook

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307 pages
Français

Description

Cet ouvrage de philosophie morale et politique renouvelle la conception et l'intelligence des relations qui se tissent sous nos yeux entre l'Union, les Etats membres et les populations européennes. Il mobilise la philosophie hégélienne afin de décrypter le cours de l'Europe par-delà des évènements heurtés et contradictoires. Sont successivement présentées l'étude de l'individualité Europe, l'analyse de son union à l'universel, la dialectique du "Nous" européen

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 01 novembre 2009
Nombre de lectures 107
EAN13 9782296230309
Langue Français
Poids de l'ouvrage 3 Mo

Informations légales : prix de location à la page 0,1250€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

Introduction

Penser l’Union européenne
en des termes hégéliens

Quoique ayant récemment célébré son demi-siècle d’existence
officielle avecl’anniversaire duTraité deRome de1957, etétantde faitune
entitépolitiqueidentifiée etbeletbien reconnueinternationalement,
l’institution européenne fait toujoursl’objetd’avis partagés, de controverse,
quant à son statut politique pour le moins original.Dansun monde marqué
parun acteur politique prédominant,l’Etat-nation, elle feraitfigure d’objet
inclassable.
Qu’estdonc cetteEuropequi rassemble en son seindes
Etatsmembres,maisn’est niune fédération,niuneligue,niun super-Etat,ni
1
même,suivant lescritères strictsdes juristes, un«Etateuropéen»?
Al’incertitudepesant sur laqualificationadéquate del’institutionen
tant qu’entitépolitico-juridique, correspond uneinterrogation quantàla
nature comme àlalégitimité desonautorité, autrementdit,quantà
l’expressiond’unesouverainetéspécifiquementeuropéenne.
S’ilestbienadmis queparetdansl’Europe,les Etats-membres sont
contraintsàrespecteruncertainnombre d’engagements résultantdeleur
propre volonté derapprochement–donclibrementconsentis-,notammenten
matière économique, ces manifestationsd’une autoritétransitant par
l’institutioneuropéennenesont pasautomatiquementverséesaucréditd’une
expression politique distincte etautonome,mêmesi lesentreprises
européennes sontfréquemment présentées par les Etatscomme des

1
La doctrinejuridiquemoderne établit,rappelons-le,quetout Etatcomportetroiséléments
constitutifs:un peuple,un territoire en propre, et l’autonomie constitutionnelle(«la
compétence dela compétence »).Aux yeuxdes juristes,ilmanque àl’Europeuneopinion
publiquetransnationale capable demanifesterunevolontépopulaire européenne; l’Union ne
disposepasd’un territoire en proprenid’unepuissanceindépendante des Etats-membres ;
enfin,instauréeparun traité de droit international, elletiendrait irrémédiablementson souffle
vitaldes Etats-membres,seulsdétenteursdel’autonomie constitutionnelle. L’Union n’est
doncpasun Etat. Pourautant, certainséminents juristes,passant sur la forme et larigueurdes
critères traditionnellement invoqués,soutiennent, àl’exemple deRobertBadinter,qu’il s’agit
d’unEtatde droit, dufaitdel’existence denormes, d’une hiérarchie denormes juridiqueset
d’uncontrôle de constitutionnalité exercéparunejuridiction suprême(la Courde Justice des
CommunautésEuropéennes, aujourd’huiCourde Justice del’Unioneuropéenne) ;cf.
GOUEZ,A., coord.,2005,La questiondel’identité européenne dans la constructionde
l’Union, «NotreEurope »,p.64.

initiatives qu’ils nepartagent pasetdesexigences vécues pareuxcomme
d’authentiques marquesdesujétionblessant leur souveraineté.
En raisondeson orientationéconomique initiale, marquée par la
création de laCommunauté économique européenne et l’édification du
Marché commun, l’Europe peut prétendre que la faculté de contrainte et
d’encadrement qu’elle estamenée à exercer sur ses membres n’est qu’une
émanation de leurvolonté collective, que la conséquence dela mise en
œuvre etdurespectdeleurs objectifs partagésetconsignésdans les
différents traités, end’autres termes,une autoritésubordonnée aurespectde
lalibre concurrence etdesoi-disant loisdumarché, c’est-à-dire étroitement
soumise àlalettre des traités,sans réelle autonomie, ni pouvoir d’initiative.
Jevaism’employer à montrer que l’institutioneuropéenne
ellemême accrédite cetteoptionen se faisant lepromoteurdelieux communs
économiquesvaguementissusdel’Economie classique, auxquels lenom
commela figure d’AdamSmithparaissentapportercaution scientifique et
crédibilité. Ellelaisse entendrequel’ensemble desonactionn’aqu’une
finalité :éliminer toutcequi pourraitentraver ouperturberunesorte de
régulation spontanée dumarché.Sonchampd’expression se donne donc à
voircomme exemptdetoute considération, ambition ou velléitépolitique,
n’ayant pour seulbut que de contraindreles Etatsaurespectdeleurs
engagements, afindenepasgêner les mouvements naturelsdela fameuse
«main invisible » dumarché.
Or,quoique certainementfaite dans le desseindenepas inquiéter,
afindenepasfroisser les susceptibilités nationalesde chaqueEtat-membre,
laprofessiond’un tel retranchementdeprincipe delascènepolitique
suggère enfait le ballottage d’uneinstitutionau gré des influencesde chacun
des Etatsetdesassautsdesdifférentsgroupesdepression, et,par
conséquent,laprogressiond’un naviresans pilote.
A ce compte,le coursdel’Europeprendlatournure d’une existence
sans réelletrajectoire, chaotique et irrationnelle,la constructioneuropéenne
consistantenune avancéepar tâtonnements,inspirée duseuldésird’exister ;
2
unesimpléve «olution institutionnalisdée » ,ont ildevientdélicat
d’appréhender l’objectif commela cohérence duparcours.
Réciproquement, à admettrequel’Europe exerce une forme
d’autoritésur les Etats qui la composentalorsmêmequesoncours, depuis la
racine duprojet, estdirectement influencépareux, commentcomprendre
alors que cesderniers parviennentencore à vouloir prendrepartetcontribuer
àl’existence dequelque chosequiestamené àlescontraindre, etde faitàles
déstabiliserdans leurs prérogatives ?

2
GERKRATH,J.,1997,L’émergenced’undroitconstitutionnel pour l’Europe,Bruxelles:
Editionsdel’Universitélibre deBruxelles,p.120.
*

La fréquente mise enavantdelanorme européenne, par exemple, du
pouvoir normatif de l’institutionausens leplus large duterme, c’est-à-dire
desa capacité àinstaurerune disciplines’appliquantauxEtatsadhérents
devenus ses membres,illustrelatentationdepersonnificationde cequi n’est
jamais qu’un outil–lanorme-, aumotif dudépassementde ceparadoxe
premieretdel’intelligence del’articulationentrel’Europe et les Etats
auxquelselle doit lejour. Lanorme estdonnée comme expliquant par
soimêmela dynamique duprojeteuropéen par-delàune configuration politique
paradoxale, à certainségards incompréhensiblesans lerecoursàun teldeus
exmachina.
Jepropose demontrer quelerecoursàlapensée hégéliennepermet
derepenserfondamentalement les relations respectivesdel’institution, de
ses membresetdes populations qui les peuplent.Lavertud’unelecture
hégélienne estdemettre en lumièrela cohérence duprojeteuropéenen
permettantdereconsidérer l’ensemble desesélémentsetd’ytraquer la
rationalitéqui les lie endépitdel’apparencepremière-heurtée et sans
ordreprisepar lesévénements.
Par làl’Europetransparaîtcommeuneseule et mêmeidée en
développementdans sesdifférentes manifestationseffectivesdepuis leTraité
deRome de1957,sous lesfigures successivesdeCommunauté économique,
deCommunauté européenne etenfin, depuis leTraité deMaastricht,
d’Union.
3
Envisager l’IdéeEurope, c’est, ausenshégélien,l’envisager« en
4
tant que celle-ciest laraisond’un objet» ,en l’occurrence
del’objetEurope, dont lamanifestationconcrète consiste aujourd’huien l’Union
européenne.
Ainsi,je fais le choixde considérer l’ensemble desfaitseuropéens
auxquels ilestdonné d’assisterdepuis plusde cinquante ans, commele
coursd’uneidée, comme «le développement immanent propre delaChose
5
mêmce » ,’est-à-dire en tant quenécessité dufaitdelarationalité,une
nécessitélogiquequi s’abstraitéventuellementdel’ordre desuccession
strictementchronologique.
C’estdanscetteperspective d’ensemblequejesouhaite faireporter
l’examen sur la forme desouverainetéqui semanifeste aujourd’huienet par
l’Union,tâchantd’encerner les principalesétapes,lesarticulationsmajeures
et lasignification profonde.

3
En s’appropriant la formule figurantauparagraphe 2 desPrincipesdelaPhilosophie du
Droit.
4
HEGEL,G.W.F., [1821]2003,PrincipesdelaPhilosophie dudroit,par lasuite :Ph.D,
traductionfrançaise deJ-F. Kervégan,Paris:PUF,p.90.
5
Ibid.,p.90.
+

Acette fin, j’entreprendsune double mobilisationducorpus
hégélien,prenantappui tant sur l’analysepolitique delasociété civile etde
l’Etat proprement dite, telle qu’exposée dans lesystème deHegel, quesur
l’outillage conceptuel original forgé à cette occasion,la conjonctiondes
deuxme paraissantéclaircirutilement la nature comme la portée de la notion
d’élargissement, dont jevaismettre en évidence le caractère consubstantiel
auprojeteuropéen. Il s’agit

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