Politiques de l extrême centre
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Politiques de l'extrême centre , livre ebook

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Description

Tiré à part d'un texte paru en préface de la version poche (en France seulement) de "La médiocratie". Précédé d'un prologue graphique de Clément de Gaulejac.
Si elle annonçait jadis l’amorce d’une réflexion pour un ordre nouveau, la question “Que faire ?” est désormais rhétorique : "Oui mais qu'est-ce que je peux faire, moi?" Confirmez-moi que je n’y peux rien, car je ne me sens pas la force d’assumer l’acte de résistance que les circonstances exigent. On cherche pitoyablement un de Gaulle à l’appel de qui répondre, un Gandhi à imiter en masse – mais toujours dans son coin.
À ce stade de la déréliction politique, que faire, en effet ?
Cesser de s’indigner et passer à la question suivante. Travailler sans fin à une synthèse des causes valables, s’organiser au-delà des esprits de chapelle et des replis sectaires, moquer l’idéologie, réduire à des objets de la pensée les termes que la propagande cherche à inscrire au siège de la subjectivité, transcender les modalités d’organisation hégémoniques, et s’essayer à des formes instituées qui nous ressemblent. Radicalisez-vous ! »

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 10 novembre 2016
Nombre de lectures 0
EAN13 9782895967071
Langue Français
Poids de l'ouvrage 1 Mo

Informations légales : prix de location à la page 0,0200€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

© Lux Éditeur, 2016
www.luxediteur.com
Dépôt légal: 4 e trimestre 2016
Bibliothèque et Archives Canada
Bibliothèque et Archives nationales du Québec
ISBN (epub): 978-2-89596-707-1
ISBN (papier): 978-2-89596-246-5
Ouvrage publié avec le concours du Conseil des arts du Canada, du Programme de crédit d’impôt du gouvernement du Québec et de la SODEC . Nous reconnaissons l’aide financière du gouvernement du Canada par l’entremise du Fonds du livre du Canada ( FLC ) pour nos activités d’édition.











§ 1
On a longtemps vu en Europe les communistes, socialistes ou sociaux-démocrates se dire de gauche, mais … De gauche, mais pas stalinien! Pas pour la bureaucratisation des institutions publiques. Pas non plus pour les nationalisations à outrance. Pas pour des impôts trop élevés sur le revenu des entreprises, qu’il faut savoir «stimuler». Pas davantage pour la réduction obligée du temps de travail hebdomadaire. Pas encore pour un accueil de ceux qu’on a tôt fait d’assimiler à des «classes dangereuses» et autres «éléments étrangers»… On mesurait alors l’engagement politique des uns et des autres par l’écart séparant d’incantatoires «valeurs de gauche» des programmes politiques prétendant les incarner. N’est pas André Gide qui veut: à force de se déclarer de gauche, mais , on a fini par évider de leur contenu les premières au profit de mesures conjoncturelles les contredisant. Ces programmes politiques dits de gauche – mais en tout point conformes aux thèses libérales, voire ultralibérales auxquelles ils prétendent s’opposer – ont fini par corrompre jusqu’à la définition des valeurs en question. Qui, un jour, n’a pas entendu en France Laurent Fabius, «socialiste» d’appareil s’il en est, se réclamer des valeurs «éternelles» de la gauche en débitant le chapelet de la liberté, de l’égalité, de la fraternité et de la laïcité, donc en omettant complètement ce qui fait pourtant les thèses transversales du socialisme: l’élaboration concertée de contraintes publiques à l’intention des puissants, au regard d’une volonté collective? Qui ne se rappelle pas avoir ouï Michel Rocard, porte-étendard d’une «deuxième gauche» du même genre, en appeler à la fin de l’«idéologie», et ce, au profit d’alliances avec les pouvoirs organisationnels privés? Il fallait dès lors se contenter d’outiller le petit peuple confronté aux logiques concurrentielles (entre salariés, entre entreprises, entre États…) sous prétexte de «connaître l’économie» et de chercher à réaliser un «compromis» entre les classes, plutôt que de travailler à dépasser ce stade historique. Les socialistes européens se seront davantage retrouvés dans ce «mais» que dans l’expression «socialiste». De démarcation en décalage, de décalage en retraite, de retraite en capitulation, la «gauche» a pu se laisser représenter régressivement par nul autre que le futur directeur du Fonds monétaire international (FMI), par un médecin spécialisé dans la filière lucrative des implants capillaires et ancien lobbyiste devenu ministre du Budget fraudant lui-même en Suisse sa propre administration, quand il ne s’est pas agi d’un parvenu déboulant tout droit de la banque Rothschild.
§ 2
Aux États-Unis, c’est l’inverse. On se dit libéral, mais de gauche . L’axe politique gauche-droite se trouve tellement décalé vers la loi du plus fort, que s’afficher modérément libéral suffit à se donner des airs de résistant. Tout au plus milite-t-on pour des droits formels en laissant indemne la structure du régime. Les libéraux, mais de gauche ne font jamais du devenir collectif une priorité: les politiques monétaires, le culte de l’argent, le mythe de la réussite individuelle, la soumission aux organisations privées, la frénésie consumériste et le patriotisme béat passent pour la ritournelle de la vie politique que l’on continue de fredonner en se contentant de lui ajouter quelques couplets sur de nouveaux droits particuliers. Seules comptent les interactions entre individus typés, qu’habille et ordonne une symbolique des privilèges planant au-dessus des têtes. Son impérieuse psychologie uniquement fera l’objet de la critique. On se souciera alors des institutions politiques et sociales pour qu’elles intègrent les individus selon les critères intersectionnels d’âge, de couleur, de nationalité, de sexe ou d’orientation sexuelle, et l’appartenance à l’une de ces catégories sociales se substituera éventuellement aux anciens principes de légitimité. Et subitement les minorités découvriront que leurs âpres luttes et fronts historiques auront essentiellement fourni aux liberals de carrière la marchandise dont ils sont en mal pour meubler leurs vitrines électorales. C’est sous la forme de cette caricature que ceux-ci les appelleront à exprimer leur suffrage. Les liberals ne pourfendent pas l’institution publicitaire, mais souhaitent que les figures d’ordinaires laissés-pour-compte y apparaissent dignement pour vendre du savon; peu leur chaut que l’université se comporte en usine à saucisses, tant que professeur.es et doctorant.es se voient garantir la reconnaissance de leurs spécificités… Être libéral, mais de gauche , c’est pratiquer un militantisme de l’exemple: conduire une voiture, mais petite, boire du lait de vache, mais heureuse, se laisser aller à la consommation, mais équitable, appliquer les théories du management, mais conviviales, vendre agressivement des marchandises, mais nobles, prendre l’avion, mais en brandissant ses crédits de carbone, voter pour des partis capitalistes, mais liberals . Le slogan: Si seulement tout le monde faisait comme moi … De la politique, on prend son parti. Ce dernier apparaît sous le jour de l’éthique personnelle. Dégageant son moi de toutes les médiations sociales qui l’étouffent, l’individu souhaite apparaître sous ce jour comme une victoire sur l’histoire. Et ce, bien que l’individualisme ne soit en rien l’œuvre d’individus, mais une construction idéologique rendue possible par un mimétisme de pauvres. Cette conception de soi, qui n’émane pas de soi et ne va pas de soi, tend à produire un sujet s’essayant forcément à se sauver lui-même en cultivant le narcissisme de la petite différence. Soutenir un orphelinat au loin ou collectionner les théières chinoises sera au centre d’une distinction plus importante que tout. Dans une telle époque, il deviendra de toute façon impérieux de se constituer un moi fort pour tamponner les autres et combler l’absence de justice sociale par la référence à des communautés fondées sur un dénominateur sociologique jadis émancipateur: le genre, la couleur, la religion, l’orientation sexuelle… Que la déconstruction derridienne, Mai 68, le féminisme, le mouvement gay et lesbien ou l’exigence écologiste ne se soient pas voulus libéraux à l’origine n’empêche pas leur récupération inexorable dans une application libérale. C’est à partir de ces critères croisés que le sujet devra tisser sa singularité dans un maillage unique. Poindra enfin ce qui fait l’ipséité de sa personne, et donc son sens: les pages personnalisées des médias sociaux, véritables agences de presse de son moi, colportant la bonne nouvelle.
§ 3
Dans la conjoncture nord-américaine, l’axe politique gauche-droite porte essentiellement sur une qualification du libéralisme. De la gauche à la droite du spectre, on se dira désormais: libertaire – liberal – libéral à l’européenne – néolibéral – ultralibéral – libertarien. Les premiers verront en la liberté la chance d’une émancipation des complexes hérités de l’histoire patriarcale bourgeoise occidentalo-centrée, les deuxièmes aussi, mais sans imagination, en prenant pour incontournables les structures idéologiques. Les troisièmes péroreront sur les vertus de la liberté dans un souci d’idéalité qui fera souvent l’impasse sur les enjeux pratiques de l’époque: les mots «justice» et «communication» agiront chez eux comme de puissants mantras. Les néo et ultralibéraux, pour leur part, ne rechigneront pas à admettre, à différents degrés, que la liberté concourt inévitablement au développement de formes de domination systémiques des uns sur les autres, qu’on associera à un fait de nécessité. Ils seront friands de métaphores naturalistes et feront du darwinisme vulgaire une référence de choix. Les libertariens se diront enfin ouvertement en guerre contre toute structure sociale, sauf la grande entreprise – élue comme parangon. Ainsi que le veut le régime au nom duquel se déploie cet éventail de choix sur la liberté , il y en aura pour tous les goûts.
§ 4
Les plus durs tendront sans ambages vers une forme reven

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